lundi 17 juin 2013

EROS ET THANATOS, CHAPITRE 1

   Bien le bonjour, j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle pour vous. 
  Alors, la bonne nouvelle, c'est que je vais enfin mettre Eros et Thanatos en ligne (là, maintenant, tout de suite). 
   La mauvaise… Ben c'est que je devrai le retirer le 14 juillet. Que je vous explique ! Je l'ai envoyé au concours tremplin Black Moon. Malheureusement, si je veux que ma participation soit validée, je dois enlever le texte durant la durée du concours. C'est pour cela qu'Eros et Thanatos sera retiré à partir de ce moment-là. Si cela peut vous rassurer, je le mettrai de nouveau en ligne si je ne fais pas partie des lauréates du concours (ce que nous saurons à la rentrée prochaine). 
   En attendant, vous retrouvez l'intégralité des chapitres dans l'onglet “Vous lisez”.
  Ah, et pour ceux qui ne me connaissent pas bien, ne vous étonnez pas du texte de départ avec HONEDA, il s'agit de mon narrateur personnel, qui apparaît aussi dans mes histoires sous forme de ville ou de village. J'ai l'habitude de le présenter à chaque début de roman, une sorte de signature, en réalité. 
   Maintenant, place à l'histoire !


Eros et Thanatos 

Auteur : Marine Lafontaine

Disclamer : tous les personnages, ainsi que l'univers dans lequel ils évoluent, sont le fruit de mon imagination.   

Histoire dédiée à : A ce sujet, que l’on connaît tous, mais qu’on n’a jamais fini d’explorer. Egalement à Maxence, Théo, Manon, Elise et tant d’autres.




HONEDA

Je ne suis ni un homme, ni une femme. Je ne suis ni noir, ni blanc, ni asiatique, ni d’une quelconque couleur de peau. Je ne suis ni objectif, ni subjectif. Je suis tout, mais rien. On me nomme HO- pour mon hospitalité : qu’importe la raison, vous serez toujours les bienvenus entre mes pages. On ne nomme N- pour ma nature. On me nomme E- pour les émotions que je suscite avec cette voix ni belle, ni laide. On me nomme DA- pour dactylo, pour transcrire et transmettre mes histoires ni ennuyeuses, ni intéressantes.
Je suis HONEDA et je suis un narrateur.



Ceci est l’histoire de trois garçons et trois filles. Six êtres qui vont apprendre à s’apprivoiser, à se connaître, à s’entendre, à s’aimer, à se consumer, couchés parmi les cendres, encerclés d’ombres, enveloppés de la bise glaciale de la mort.
Est-ce que l’amour est capable de résister à de terribles épreuves ?



« Il arrive que certains d’entre nous naissent avec des pouvoirs équivalents à ceux des Dieux. Malheureusement, je fais partie de ceux-là. Mais il existe ici-bas des personnes comme toi qui acceptent tout, même le pire. » Cinaed.

« T’aimer, ou comment éprouver de l’affection pour la faucheuse. » Gabrielle.

« Je crois qu’il faut avoir un petit pois dans la tête pour vouloir vivre à tes côtés… Ou être super, mais alors hyper tolérant ! T’aimer, c’est comme dévisser une ampoule sans avoir coupé le courant et j’adore ça. » Ael.

« Je suis tes yeux, tu es mes oreilles, je t’aime. » Nathanaël.

« Qui aurait pu croire que je tomberais amoureuse de la personne la plus grossière sur cette Terre ? Néanmoins, merci d’être comme tu es, c’est ce qui fait que tu es celle que tu dois être.» Lizzie.

« J’étais folle, toi aussi, j’étais morte de peur, toi de même, puis  je t’ai rencontré. »  Azela.


« Vivamus, mea Lesbia, atque amemus » Catulle


Scène de piété filiale



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Scène de piété filiale



L’éclat accrochait les rayons du soleil et les réverbérait. Ils semblaient glisser le long du fil de lame pour aller ensuite ricocher dans son œil.
Une vie de tournesol… Toujours à la recherche de lumière, le corps si vite fané une fois qu’on l’a arraché de terre.

Que voulez-vous dire ? Une fois cueilli… c’est ça ? 

Les gouttes vermeilles se mêlaient aux rayons pour se fondre les uns dans les autres, comme des amants qui s’enlaçaient. Beau et repoussant à la fois … 

Tu as fait le bon choix, Nathanaël. Il n’y a pas de problème. Il fallait le faire… 

Non, non… Je ne pense pas.
Nous sommes là, nous. Tu n’as pas à t’en faire.
Pupilles dilatées, mains tremblantes, corps secoué de frissons malsains. Nathanaël leva lentement la tête vers le ciel paisible.
Pourquoi m’avoir fait faire ça, une nouvelle fois ?
Il le fallait.

Mais… 

-                Nathanaël !
Un cri strident et aigu. Une voix familière. Elle aurait dû évoquer de tendres souvenirs au parfum de lait et d’étreinte.
Mais elle n’éveilla en le jeune homme que des regards terrifiés. Il pensait pourtant les avoir enfermés à double tour dans un coin de son esprit… Pourquoi revenaient-ils maintenant ?
Elle ne comprend pas, Nathanaël, laisse-la donc. Elle n’est rien.
Il ne leur répondit pas, fixant la femme horrifiée de ses yeux gris aux reflets d’orage. Elle tremblait, son corps était secoué de spasmes, elle se retenait mal de vomir. Sa peau était recouverte d’une pellicule de sueur. Une sueur froide… provoquée par la peur. Il voulut l’approcher, mais elle hurla. Tout en poussant ce cri abominable, elle reculait, se cognant à la table de la terrasse. Elle faillit tomber, mais se rattrapa à une chaise.
-                Ne m’approche pas ! Ne m’approche pas, espèce de monstre ! Abomination !
-                Mais… 
-                AAAAAH !
Elle continuait de crier, vrillant les tympans de Nathanaël de sa voix perçante. Elle avait une sorte de bracelet à son poignet dont elle avait enclenché le bouton. Dans le lointain, des sirènes se mirent à mugir. A ce son, la femme retrouva un semblant de courage, assez pour cracher à la figure du garçon. Ce dernier ne broncha pas. Ses doigts recueillirent la salive sur sa joue.
Tu devrais la tuer, elle aussi, Nathanaël ! Avant qu’elle ne te renie complètement…
Puis ils débarquèrent. Toutes ces mains qui l’agrippent et le secouent… On le jeta à terre et on lui passa les menottes. Les policiers beuglaient des choses, mais Nathanaël ne les entendait pas. Ses oreilles bourdonnaient et sa vision était floue. Il eut un regard pour le couteau qui traînait dans le gazon, souillant les brins d’herbe d’un rouge vermeille. Son père adorait son jardin. Il en avait toujours pris soin, avec une attention et une tendresse toute particulières. Tout comme il s’était toujours occupé de son fils. Et lui avait toujours énormément aimé cet homme compréhensif et généreux.
C’était d’ailleurs lui, aujourd’hui, sa nouvelle victime.
  
-                Nathanaël… Tu as quel âge déjà, mon garçon ?
-                J’ai seize ans, monsieur.
-                Seize ans… Je ne pensais pas te voir encore ici.

Tue-le, tue-le !

Nathaël les ignora, se concentrant sur l’homme qui lui faisait face. Il s’agissait de son avocat, le même, toujours. Celui qui le suivait depuis tout ce temps. Un homme sec comme une vieille branche, aux mains noueuses. Il était assis de l’autre côté d’une vitre de protection en verre renforcé de barreaux en acier. Nathanaël se tortilla sur sa chaise en plastique, mal à l’aise. Les murs suintaient d’humidité et une sorte mousse grisâtre courrait sur les cloisons de plâtre.
Tue-le, tue-le, tue-le, tue-le, tue-le, tue-le, tue-le, tue-le, tue-le, tue-le, tue-le, tue-le, tue-le ! TUE-LE !
Nathanaël étouffa à grand-peine un gémissement. Il avait l’impression qu’on broyait ses tempes entre deux pierres. Il ressentait des picotements dans ses avant-bras et ses poignets le torturaient. Quand il les fit tourner, l’os craqua. Il remarqua avec horreur que ses doigts étaient recourbés comme des serres. Ou plutôt… 
Comme lorsque j’ai étranglé Ael… 

Oui, exactement. Refais-le !

Pourquoi ?

Parce qu’il le faut. Sinon, tu sais bien ce qui va se passer ! Tu tiens vraiment à vivre ça, Nathanaël ? Tu tiens vraiment à ce qu’ils…
L’intéressé leva lentement sa main vers les barreaux. Mais, au dernier moment, il fit semblant de toucher une tâche sur la vitre de protection. L’avocat n’avait pas reculé. Il planta ses yeux bleus dans ceux de son client.
-                Jusque-là, j’ai tout fait pour te sauver, Nathanaël, mais… Cette fois-ci, je n’arriverai pas à t’en sortir. Plaide coupable. C’est tout ce que je peux te conseiller… 
-                Je sais, monsieur, murmura le garçon en baissant la tête.
-                J’aurais vraiment aimé t’aider, mais là… Je ne peux rien faire.
Nathanaël ne pleura pas. Cela faisait des années qu’il avait cessé de verser des larmes. Il savait ce qui l’attendait. Il vit l’avocat se lever et fit de même, précipitamment.
-                Excusez-moi ! appela-t-il.
L’interpellé s’arrêta.
-                Est-ce que… Est-ce que ma mère va venir ? demanda timidement le jeune homme.
L’avocat posa sur son client un regard empli de tristesse. Le meurtrier se rassit sur sa chaise, sachant parfaitement ce que ça voulait dire.
-                Au revoir, mon garçon.

Nathanaël fut reconduit à sa cellule sous bonne escorte. Il était pieds et poings menottés. Sa geôle en voisinait d’autres, mais toutes étaient vides.
Tant mieux. Il ne faut pas m’approcher, je suis dangereux.
Mais non, tu n’es pas dangereux. C’est eux qui sont stupides. Pourtant, c’est bien que nous soyons seuls, non ? Comme ça nous ne serons pas dérangés.
Le meurtrier s’assit sur sa couchette. La même, toujours. Celle sur laquelle il avait dormi la dernière fois, mais aussi la fois d’avant, et celle qui précédait celle d’avant. Il ne ferma pas les yeux. Il préférait ne pas dormir. Sinon, ils les reverraient.
Les visages de ceux qu’il avait tués.   
-                Fallait-il vraiment que je le fasse ? demanda-t-il dans le vide sur un ton étouffé.

Evidemment ! Il le fallait ! C’est bien mieux ainsi, tu ne crois pas ?

-                Je… Je ne sais pas…
Nous sommes là pour toi, ne te préoccupe de rien d’autre. 
-                Mais… Mon père…
Tout va bien, Nathanaël. Quoiqu’il arrive, nous serons toujours là, à tes côtés. Nous, nous serons là… toujours… 
-                Le pire, c’est que je sais que c’est vrai…

Ael observa un moment la silhouette de Nathanaël qui dormait sur sa couchette, recroquevillé comme un petit animal. Machinalement, il porta deux doigts à sa gorge pour retracer les marques que lui avait laissées son ami le jour où il avait tenté de l’étrangler. A ce moment-là, si… Il préférait ne pas y penser.
-                Chéri, je ne sais pas si c’est une bonne idée de venir, tenta de le retenir sa mère, jetant des regards apeurés vers la cellule. Il est fou à lier.
Ael lui offrit un sourire rassurant et frappa contre la vitre pare-balles qui le séparait de Nathanaël. Ce dernier sursauta, tiré brusquement de son semi-sommeil. Il posa un regard surpris sur Ael, regard qui vira à la panique. 
-                Tu ne devrais pas être là, lui murmura-t-il précipitamment. Tu dois t’en aller !

C’est lui, Nathanaël, tue-le ! Tue-le, voyons !

Ael, inconscient du risque auquel il s’exposait, sourit tristement.
-                J’ai appris la mort de ton père… 
-                Je… Oui… 
Le garçon baissa la tête, honteux. Ael voulut ouvrir la bouche, mais sa mère le tira en arrière sans ménagement.
-                Arrête de parler à ce monstre ! lui cria-t-elle. C’est un malade mental, il a déjà essayé de te tuer, je ne veux pas que ça se reproduise !
-                Mais, maman…
-                On s’en va !
Mais son fils se dégagea de son emprise. Les mots résonnaient dans sa tête : monstre, malade mental… Il savait que Nathanaël n’était pas comme ça. Il alla s’accroupir près de son ami. Ce dernier semblait au bord de la nausée.

Qu’attends-tu pour le tuer, voyons ? Il faut que tu le fasses, n’attends pas !

Je ne veux pas… Je…
Fais-nous confiance, Nathanaël. C’est ce qu’il y a de mieux.
-                Va-t-en, supplia le meurtrier en reculant. Tu sais pourtant de quoi je suis capable.
-                C’est d’ailleurs pour cette raison que je viens te voir, lui sourit Ael. Je suis ton meilleur ami, Nathanaël, ne l’oublie pas.
Il vit le visage de son ami se chiffonner de tristesse. Il voulut parler, mais aucun son ne sortit de sa gorge. Ael se redressa.
-                Je serai là, le jour du procès. Je serai là.

Cinaed poussa un grognement de frustration. Il prit une nouvelle cigarette dans son paquet et la porta à sa bouche. Sans rien sortir, que ce soit briquet ou allumette, le bout de sa nicotine en barre se mit à rougir et à grésiller. Il en prit une bouffée, espérant ainsi calmer la nervosité qui le rongeait. Cela faisait un quart d’heure qu’il faisait le pied de grue près du poste de police. Il savait qu’il ne pouvait intervenir, et cette idée le ravageait. Il aurait tellement aimé y aller et ainsi pouvoir… 
La porte du poste s’ouvrit soudainement sur Ael et sa mère. Un soupir de soulagement passa les lèvres entrouvertes de Cinaed. Quand il avait appris qu’ils allaient au poste voir l’autre fou qui faisait office de meilleur ami au jeune homme, il avait paniqué. Il n’avait pas envie d’user de nouveau de ses pouvoirs devant Ael… Même si ce dernier ignorait qui il était en réalité. Il le fixa, remontant la rue tout en tentant de calmer sa mère hystérique. Il dut sentir qu’on l’observait car il se retourna soudainement. Cinaed croisa ses yeux bleus, trop bleus pour être réels. Cinaed se demanda un court instant s’il portait des lentilles ou si cette couleur extraordinaire était la sienne… quand il reçut un coup de coude dans le ventre !
-                Tu pourrais écouter quand je te parle ! signala une voix féminine avec mauvaise humeur. Déjà que ça fait trois plombes que tu t’es arrêté et… Hé, Cinaed, tu m’écoutes, oui ?
-                Oui, oui, soupira celui-ci. Qu’est-ce qu’il y a, Gabrielle ?
Sa sœur jumelle lui lança un regard courroucé. Si ces deux-là n’avaient pas vraiment le même physique, ils possédaient la même personnalité, ainsi que les mêmes goûts. Ils étaient d’ailleurs souvent ensemble, quand chacun ne partait pas de son côté s’amuser avec ses amis. Ils pouvaient s’entendre à merveille pendant une journée complète, puis, sans prévenir, devenir les pires ennemis au monde.
Gabrielle plissa les yeux. Elle s’était récemment acheté des lentilles de couleur sépia qu’elle adorait. Elle scruta la rue d’un air concentré, puis un sourire vint trancher sa frimousse couverte de tâches de rousseurs.
-                Alors quelle fille étais-tu en train de mater ?
-                Aucune.
-                Un garçon alors ?
-                Non plus !
-                Hum… 
Elle eut une moue ennuyée, tout en se grattant l’arrière du crâne. Ses cheveux roux coupés à la garçonne lui procuraient un air espiègle. Elle donna un petit coup de poing dans l’épaule de son frère et glissa son bras au creux de son coude. 
-                Allez viens ! On va se boire quelque chose ?
-                Non, j’ai pas vraiment envie, ce soir.
-                Très bien ! Alors, on rentre !

Ael fixait d’un air absent les gyrophares des voitures de police qui déchiraient la nuit. Le procès de son ami était pour le lendemain. Sa mère était allée voir celle de Nathanaël pour la calmer et la soutenir. Il savait qu’elles allaient toutes deux déverser leur bile sur le jeune meurtrier, et cette pensée le révoltait. Bien qu’il ait tenté de le tuer par le passé, jamais Ael n’avait réussi à lui en vouloir.
Il avait l’impression que son ami entendait certaines choses. Des choses que lui et les autres ne parvenaient à percevoir. Il aurait donné cher pour savoir ce que c’était. Il aurait aimé aider Nathanaël et ainsi empêcher ce qui allait arriver le lendemain même. Parce qu’il connaissait déjà la décision du juge, chacun la savait… 
Ael tira les rideaux pour ne plus voir les lumières colorées et se laissa tomber sur sa chaise de bureau. Il n’avait pas la tête à ses devoirs… Il se mit à jouer avec son stylo plume sans réellement y faire attention. Aujourd’hui encore, il l’avait croisé… Cinaed Helldi. Ce gars-là était dans le même lycée que lui. Connu pour son côté impulsif, il jouait facilement des poings, mais semblait pourtant bon élève. Il avait un succès fou avec les filles. Il fallait dire que c’était un “morceau de choix”. Son côté mauvais garçon séduisait, mais il avait également un physique avantageux, sculpté par le sport Mais on ne lui avait jamais connu de petites amies. Comment Ael savait-il tout ça ? Parce que c’était un des élèves les plus populaires du lycée et que, dans ces cas-là, les rumeurs allaient vite. Sa sœur jumelle, Gabrielle Helldi, était également connue pour son côté garçon manqué. Ael avait longuement sympathisé avec elle cette année. C’était une fille plutôt mignonne et extravertie.
Le garçon soupira et reposa son stylo. Demain soir, à dix-sept heures, le procès… Dans trois jours, l’enterrement de Monsieur Ouïmo, le père de Nathanaël.
Et dans une semaine, tout au plus, il n’aurait sûrement plus jamais l’occasion de voir son ami.

Gabrielle et son frère se trouvaient dans la salle de bain, chacun vêtu d’un tee-shirt noir, de jeans délavés et troués, chaussés de baskets colorées. La jeune fille souligna son regard d’un coup de crayon alors que son frère tentait d’aplatir un épi.  
-                T’es au courant ? lui lança sa sœur. Apparemment, c’est aujourd’hui, le procès du copain d’Ael.
-                Je sais, marmonna Cinaed. Ah, saleté d’épi !
-                Passe-moi ta laque, je vais arranger ça.
Il la lui donna et elle se mit derrière lui pour tenter de discipliner la chevelure blonde de son jumeau. Elle reprit :
-                Ça fait deux jours qu’il est en prison. Il aurait tué son père, cette fois-ci.
-                … 
-                Dire que c’était le meilleur ami d’Ael… Il doit être rudement secoué. 
-                Hum…
-                Voilà ! C’est arrangé !
Elle ébouriffa ses cheveux roux qu’elle aspergea ensuite de laque. Satisfaite, elle rendit le tube à son frère qui, lui, était en train se brosser les dents. Il grogna un remerciement.
-                Je crois que c’est son deuxième meurtre, murmura-t-elle.
Cinaed cracha dans le lavabo.
-                Deuxième ?! s’étrangla-t-il. Mais il n’a que seize ans !
-                Ael n’aime pas en parler, c’est par les journaux que je le sais. Il aurait tué sa propre sœur, il y a quelques années, mais il n’y a jamais eu de preuves formelles.
-                Mais il est taré ! Pourquoi ne l’ont-ils pas coffré depuis tout ce temps ?
-                Je suppose qu’il était trop jeune, qu’ils ont jugé qu’il valait mieux l’assigner à résidence… Je ne sais pas. Il y a une rumeur disant que c’était parce qu’ils le trouvaient mentalement instable… Je trouve ça triste… 
-                Moi je dis surtout que c’est un fou dangereux ! 
Elle eut un petit sourire amer, puis passa au pouce son anneau en fer où étaient écrits en noir “live” et “death”. Son frère avait le même, mais avec l’inscription “FIRE”. Au sommet de son oreille droite se déployait une sorte de griffe, agrémentée d’une pierre rouge. L’oreille gauche de sa sœur était également percée et elle y accrochait toutes sortes de boucles d’oreilles fantaisies. Aujourd’hui, elle en avait choisi une composée de trois chaînes où pendaient des plumes blanches qui coulaient sur son épaule.  
-                Bon, sourit-elle. On essaie d’entrer au lycée sans se faire virer dès la première heure ?
-                C’est une option, ricana son frère.
-                Prends tes études au sérieux !
-                Oui, chef !
Elle poussa un soupir et attrapa le sac en toile qui lui faisait office de cartable.
-                Go !

Une ambiance lourde régnait au petit-déjeuner, ce matin-là. Ael triturait ses céréales sans réelle envie de les porter à sa bouche. Ses parents lui jetaient des regards en coin quand ils pensaient qu’il ne s’en rendait pas compte. Sa mère finit par se racler la gorge et posa sa main sur son poignet :
-                Ael, chéri, dis-moi… Tu n’envisages pas d’aller au procès de ce garçon aujourd’hui ?
-                Il s’appelle Nathanaël, maman.
Il la vit se raidir. Ce prénom était tabou ici depuis qu’il avait failli mourir de ses mains. Mais Ael n’hésitait pas à le prononcer. Ce n’était qu’un prénom, après tout ! Pas de quoi en faire une crise cardiaque !
Sa mère ravala difficilement ses larmes et il sentit son cœur se serrer. Il n’aimait pas la voir souffrir. Il savait à quel point elle tenait à lui, sa réaction vis-à-vis de Nathanaël était normale. Malgré tout, il ne supportait pas quand elle parlait de lui comme s’il s’était agi d’un monstre… 
Ce que tous pensaient.
-                Maman, lui sourit-il doucement en pressant sa main dans la sienne. Je veux y aller… Tu comprends ?
-                Mais, Ael, il a tenté de te tuer ! explosa son père.
Le garçon ne répondit pas. Il se souvenait de chaque détail de ce jour, comme si tout s’était passé la veille. Les doigts de Nathanaël sur sa gorge, le manque d’air, la tête qui lui tournait, leurs larmes à tous deux qui coulaient, puis cette explosion… Ces flammes, des bras qui l’arrachaient de l’étreinte mortelle de son ami, une voix dont il ne se rappelait ni le timbre, ni les mots… Juste la chaleur que cela lui avait procuré… 
Il fut arraché de ses pensées par les sanglots de sa mère. Il se leva pour entourer ses frêles épaules de ses bras. Il se haïssait de la faire pleurer, de lui causer du mal, mais il devait y aller… 
-                Ne t’en fais pas, la berça-t-il. Tout ira bien, Nathanaël ne m’approchera pas.
-                Je ne t’empêcherai pas d’y aller, mon poussin, lui confia sa mère, mais… Si tu savais comme ça me fait peur.
-                Maman… 
-                Vas-y avec quelqu’un, alors ! le pria son père avec inquiétude. Ne te retrouve pas seul avec lui !
-                Mais, papa… 
-                Je veux que quelqu’un soit avec toi ! Moi… c’est au-dessus de mes forces.
-                D’accord, je demanderai à un de mes amis.
-                Merci.
Ael sentit une bouffée d’amour monter en lui. Il se dit qu’il avait vraiment des parents forts et compréhensifs. Il les embrassa, attrapa son sac et fila en cours.

2 commentaires:

Unknown a dit…

Comme d'hab', incapacité totale de ma part à interrompre ma lecture, même pour deux secondes !! J'aime beaucoup ^^ toujours les mêmes prénoms dis donc, que de marques de fabrique ! change un peu de temps en temps :p

Anonyme a dit…

Au moment ou Ael parle de Gabrielle : "plutôt mignonne et extravertis" plutôt que le contraire. Sinon c'est parfais, comme d'habitude de toute manière ;)