mardi 30 août 2016

CARTE 8, LES PENSÉES D'UNE POUPÉE D'EAU

Bien le bonjour, tout le monde !

La voici, la voilà enfin ! La nouvelle carte. En plus, nous sommes arrivés au nombre huit, mon chiffre préféré. Alors j'espère que le texte vous plaira ! Une image, mille mots, nous revoilà partis, ensemble.




Je ne pense pas que mes créateurs avaient en tête mon éveil lorsqu’ils m’ont fabriquée. Parfois, j’entraperçois des bribes de souvenirs de ma mise au monde. Le fer que l’on tord et que l’on soude, le visage que l’on moule, les yeux que l’on peint. J’ai partout sur le corps les sensations de leurs mains qui travaillent, qui me taillent et qui me modèlent. C’est très agréable car c’est la seule fois où j’ai pu ressentir le contact avec une chaleur humaine avant qu’on ne me plonge dans l’eau.

Je suis une poupée.

Ou, plus exactement, je suis une sorte de décoration d’aquarium. Mes créateurs m’ont dessiné pour que je donne un côté mystérieux au bassin des poissons. C’est pourquoi je ressemble à une sorte de créature fantastique avec un buste de femme et une structure métallique en lieu et place des jambes. Des arceaux bleutés forment une sorte de jupe sans texture. Toutes les créatures aquatiques du coin s’y frottent, serpentent à l’intérieur, les frôlent. Parfois, elles ne font que traverser, tranquilles et, parfois, elles s’amusent à se poursuivre les unes les autres. C’est assez amusant à regarder.

Je me souviens de mes premières années dans cet aquarium. J’adorais voir la réaction des visiteurs qui ouvraient des yeux émerveillés à ma vue. Il faut dire que j’étais belle dans ma jeunesse. Celui qui avait fabriqué mon visage était un artiste délicat qui avait pris beaucoup de soin à finaliser chaque détail. Et il m’avait aussi donné de très longues anglaises blondes qui flottaient avec élégance dans l’eau. J’étais comme une reine des eaux, une créature qui veillait sur les siens avec la bienveillance d’une petite sainte. C’était d’ailleurs ainsi qu’on m’avait nommé. La petite sainte de l’aquarium.

Je pense que l’on peut dire que j’ai été heureuse à cette époque. Je n’y connais pas grand-chose, il est vrai, mais je crois que les sentiments dans ma poitrine étaient ainsi nommés. Les poissons étaient des créatures tranquilles, toutes pacifiques et les humains étaient tellement multiples ! J’aimais tellement les observer depuis l’autre côté de ma vitre. Leurs sourires, leurs yeux brillants, leurs petits nez écrasés sur la glace pour observer au plus près tout ce qu’il y avait à voir… J’aimais les voir parler entre eux, s’arrêter, se tenir la main, froncer les sourcils, prendre des notes, nous montrer du doigt, nous dessiner.

Et, dans un même temps, je me sentais incroyablement triste. Ils repartaient toujours, ces visiteurs. Aucun ne restait. Et ils ne me parlaient pas. Ils posaient leurs yeux sur moi, me caressaient un moment du regard, puis se détournaient de moi. Jamais ils n’ont essayé de me poser une question ou quoique ce soit. De toute manière, je ne pense pas que j’aurais pu entendre leurs voix depuis l’autre côté… 

J’aurais bien aimé naître en tant qu’humaine.

Avec le temps, les choses ont évolué. Les visiteurs ont commencé à se faire plus rares, il a fallu faire des choix. Comme arrêter d’entretenir la décoration que j’étais. Un jour, on a cessé de me nettoyer, de me protéger des dégâts du temps et de l’eau. J’ai très vite ressenti les conséquences de cet abandon. Mon corps se désagrégea rapidement, la peinture s’écailla, mes cheveux se mirent à tomber. Mes bras et ma robe furent très vite dévorés par la lèpre écarlate de la rouille. En peu de temps, je fus destituée de mon rôle de sainte. Je n’osais même plus regarder mon reflet dans la vitre de l’aquarium tant j’étais devenue laide.

Et les enfants se mirent à avoir peur de moi. Cela acheva de convaincre les humains de mon inutilité. Ils m’ont sortie de l’aquarium et m’ont privée de mes jambes. Apparemment, le métal n’était pas encore en trop mauvais état, ils espéraient assurément pouvoir en faire encore quelque chose. Ils ont discuté un moment pour savoir s’ils pouvaient aussi recycler le reste. Apparemment, non, c’était impossible.

J’ai fini dans un sac poubelle. Ils m’ont mis dans cet affreux plastique noir où je me suis mise très vite à étouffer. J’avais peur… Oh que j’avais peur ! J’ai essayé de crier, de me débattre, mais mon corps rigide ne me le permit pas. Etais-je condamnée à simplement disparaître ?

Lumière. Des mains qui plongent dans le sac et m’extirpent des ténèbres. Un homme âgé s’est mis à m’observer sous un lorgnon. Il parlait avec un gamin, lui souriait, lui expliquait ce que j’étais. Apparemment, il était venu me voir autrefois à l’aquarium et m’avait récupérée. Tous deux me manipulaient avec une grande délicatesse, comme si j’étais incroyablement fragile. Leurs doigts étaient tellement doux et chauds… J’en aurais pleuré si j’en avais eu la possibilité.

Ils m’ont réparée, le grand-père et le petit-fils, ensemble. Ils m’ont donné des jambes articulées, ont changé mes bras et ont repeint mon visage. Même mes cheveux avaient repris leur éclat d’autrefois. Ils semblaient si heureux de me voir belle, tous les deux. Le temps a passé. A mesure que le petit-fils grandissait, il me modifiait, jusqu’à que mon corps tout entier soit articulé. Un jour, il apprit la couture pour me créer des vêtements. C’était un peu gênant d’être sans cesse déshabillée, mais ses expressions de ravissement étaient telles que je ne pouvais protester.

Un jour, le grand-père mourut. Le petit-fils me prit avec lui pour l’enterrement. J’avais l’impression de perdre un membre de ma famille, moi aussi. Le petit-fils m’a gardé contre lui pendant toute la cérémonie. Puis il m’a ramenée chez lui. Il m’a déposée sur une commode et m’a souri. “Il n’y a plus que nous deux”, m’a-t-il dit.

C’est peut-être vrai. Mais ne t’en fais pas. Je veille sur toi. Je vais apprendre à me servir de ce corps que tu m’as donné, je te le promets. Et, un jour, je te rendrai tout ton amour. J’ai envie de te parler, de te sourire, de te bercer contre moi et de sécher les larmes qui maculent tes joues.

Moi, la décoration d’aquarium, j’aimerais devenir humaine à tes côtés.

Marine Lafontaine

samedi 27 août 2016

LE VENTRE DE LA FEE

   Bien le bonjour, tout le monde.

   Aujourd'hui, petit article sur un roman noir au titre plus qu'intrigant, j'ai nommé Le ventre de la fée d'Alice Freney

   Ce roman, on m'en avait déjà vaguement parlé par le passé en me demandant ce qu'en j'en avais pensé. Décidant enfin à me lancer sur la demande de Katie G., je me suis plongée dans l'univers de Gabriel, le personnage principal… Et je l'ai plutôt regretté !  

   Le ventre de la fée est le premier livre de Freney et il fut publié en 1993. Par ce roman, elle fait une entrée dans le monde littéraire tout à fait stupéfiante. Pour un premier pas, Freney se présente sous un jour d'une auteur qui n'a pas froid aux yeux. Son roman, d'une noirceur peu commune, est servi par une écriture légère, délicate et neutre, ce qui renforce le côté monstrueux de son personnage principal, Gabriel, l'être qui est sorti du ventre d'une fée. 

   Que vous dire sur l'histoire ? C'est celle d'un jeune homme qui a eu une mère merveilleuse, une mère à qui son père avait donné le doux nom de fée. Mais Gabriel n'appartient pas à la même race qu'elle. Il est un monstre habité par des pulsions incontrôlables et il n'en a que trop conscience. Il ne peut juste pas s'en empêcher...

   Le récit se situe d'abord d'un point de vue inconnu qui décrit la vie de la fée dans sa jeunesse. L'auteur refuse de nous donner son nom, elle n'est jamais présentée autrement que sous ce nom. Après son accouchement, il y a une ellipse narrative qui nous fait bondir jusqu'à un Gabriel adulte où l'on découvre avec horreur ce qu'il fait subir à ses victimes. On le voit évoluer dans ses méthodes, sa façon de pensée, sa façon de ressentir ses actes. C'est une plongée dans un esprit déréglé qui sait qu'il appartient à un autre monde et qui, peu à peu, va accepter les foudres qui grondent dans sa poitrine. 

   Ce roman est d'une violence qui tord les boyaux. Je n'ai pas réussi une once de sympathie envers le personnage, et je doute que c'était ce que recherchait l'auteur. Elle présente son personnage en lumière, ni crue, ni douce. J'ai eu du mal à tourner toutes les pages de ce livre, mais je ne regrette pas de m'être glissée dans cette lecture qui m'a permis de découvrir plus en profondeur une facette noire de l'humanité. 

   Evidemment, je ne conseillerai pas ce livre au premier lecteur venu. Si vous avez une grande sensibilité ou que les vices tels que le viol vous répugnent, je pense qu'il vaudrait mieux passer votre chemin. Mais si vous avez la curiosité et le recul nécessaire, je pense que ce livre peut vous intéresser. 

    Voilà, ce sera tout pour cet article, j'espère qu'il vous a plu. En attendant de vous retrouver, merci de m'avoir écouté jusqu'au bout ! N'hésitez pas à commenter et à partager. Venez me rendre une petite visite sur les réseaux sociaux où je poste de nombreuses choses en dehors de mes articles. A très bientôt !
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Marine Lafontaine

jeudi 25 août 2016

CARTE 7, LA DANSEUSE DE L'HIVER


Bien le bonjour, tout le monde !

 Voici la carte du jour ! J'espère que le texte vous plaira. 




Tous les hivers depuis que je suis une petite enfant, un miracle se produit. C’est ainsi chaque année. Quand je l’ai compris pour la première fois, je ne devais être qu’une petite fille qui se baladait avec ses grosses moufles aux couleurs bariolées et son énorme écharpe. Je me rappelle parfaitement de cette première rencontre, celle avec le miracle, oui, comme si c’était hier. Je m’étais échappée du jardinet, malgré l’interdiction de mon père, comme ça, juste sur une impulsion… Quelle délicieuse petite impulsion.

Je me rappelle que nous vivions près d’une forêt. L’enfant que j’étais alors s’était émerveillée devant la neige qui avait drapé le monde de son épais manteau blanc. La poudreuse était partout, comme si un gosse avait eu la main leste sur le sucre glace. Je me promenais longuement, courant parfois. J’ai même fait un ange dans le sol blanc. C’était très amusant. J’ai toujours été une enfant solitaire, c’est pourquoi je garde un très grand souvenir de cette escapade. Même si ce ne sont pas ces jeux qui ont marqué profondément mon âme.

Non, ce que j’ai vu ce jour-là, c’était un véritable miracle. Alors que je sautillais entre les arbres tout endormis, un étang a débouché dans mon horizon. Excitée à l’idée de pouvoir marcher sur la glace, je me suis approchée. C’est alors que je l’ai vue. La plus belle créature qu’il m’a été donné de voir toute ma vie durant. Il s’agissait d’une femme à la peau brune et à l’épaisse et lourde chevelure noire. Elle allait légèrement vêtue, habillée d’une sorte de tenue de danse rouge à plumes. Un ruban de la même couleur retenait ses cheveux. Et ses pieds étaient glissés dans de minuscules chansons de danse. Je me suis arrêtée, intriguée. Elle devait avoir froid ainsi ! J’en frissonnai pour elle.

Soudain, la danseuse s’élança sur l’étang. Je me rendis compte aux vaguelettes qu’elle provoqua que sa surface n’avait pas gelé le moins du monde. Tétanisée, je ne parvenais à produire un son. J’aurais aimé courir pour l’empêcher de sombrer dans l’eau, mais je demeurais là, les yeux écarquillés. Parce que la danseuse ne traversa pas l’eau. Elle esquissait ses pas d’une légèreté incroyable tout en demeurant à la surface. Ses gestes étaient d’une grâce sans pareille. Chacun de ses petits pas provoquait des cercles concentriques dans l’eau froide. Elle enchaînait toutes sortes de pas dont je ne connaissais pas les noms avec une facilité qui m’a donné à penser qu’elle n’était définitivement pas de notre monde.

Soudain, elle a remonté l’une de ses jambes qu’elle a replié sous ses jupes, comme un flamand rose, et a jeté ses bras dans les airs. L’image de ce moment s’est alors gravée dans ma rétine. Elle était… magnifique… Je pense pouvoir dire que je suis tombée amoureuse de cet ange en tutu rouge à ce moment-là. C’était… 

Magique.

Je ne me rappelle même pas comment j’ai fait pour retourner chez moi après, perdue dans une sorte d’état second. Au cours de l’hiver, je me suis échappée à chaque fois que je le pouvais pour me rendre près de l’étang. Mais, cette année-là, je n’ai pas revu ma fabuleuse danseuse. Et, quand j’en ai parlé à mon père, il a refusé de croire au miracle. Pourtant, j’étais certaine de l’avoir vue.

C’est pourquoi, l’année suivante, après que la neige ait déposé ses bagages sur notre monde, j’y suis retournée. Quelle a été mon émotion quand je l’ai vue ! Elle n’avait pas changé, son visage était toujours aussi beau, entièrement absorbé. Je suis restée là, à la regarder sans oser prononcer un son. Quand elle s’est avancée sur la glace, j’ai suspendu inconsciemment mon souffle. Mais, de nouveau, le miracle se produisit. Ma petite danseuse s’est envolée sur l’eau, belle et inatteignable. Et moi, sur la berge, j’étais là, petite fille, rêveuse et perdue dans ce rêve dont je ne parvenais à comprendre la signification.

Chaque année, ainsi, j’allais la voir sur son étang. J’ai grandi, mon corps a changé, mais pas le sien. J’ai essayé la danse pour pouvoir me rapprocher d’elle, mais j’ai vite compris que je ne parviendrais jamais à reproduire le battement de mon cœur quand je contemplais la danseuse de l’étang, que je ne parviendrais jamais à vibrer de la même manière. J’ai arrêté les leçons sans en parler à personne.

Puis, un jour, mon père m’a dit que nous devions partir. J’étais alors une adolescente solitaire et taciturne. Quand il m’a dit que le travail l’appelait ailleurs, dans un ailleurs qui se situait hors des frontières de ce pays, j’ai compris que je ne reverrais jamais ma danseuse. Nous avons même déménagé avant que l’hiver ne s’installe, je n’ai même pas pu lui dire au revoir.

J’ai fini par faire ma vie dans l’ailleurs. J’ai fini par oublier le miracle de mon enfance. Quand mon père est mort, je suis revenue, ne souhaitant pas demeurer dans l’ailleurs que je ne parvenais pas à imaginer sans sa présence à mes côtés. A l’aéroport, quand j’ai senti les flocons qui me donnaient de petits baisers sur les joues et le nez, les larmes me sont soudainement montées aux yeux. J’ai pris le premier taxi et je me suis rendue dans la forêt de mon enfance. J’ai eu du mal à retrouver l’étang car le temps avait délavé les marques de mon passage. Je ne retrouvais ni l’ange que j’avais dessiné dans la neige ni la moufle que j’avais perdue en jouant parmi les arbres tout ensommeillés.

Par contre, je l’ai retrouvée, elle. Elle se tenait debout sur la berge, immobile, comme si elle se posait une question. Quand je me suis approchée, elle s’est retournée. Pour la première fois, ses yeux se sont posés sur moi. Il m’a même semblé qu’elle souriait, heureuse de revoir son unique spectatrice. Sans pouvoir me retenir, j’ai tendu ma main. Mes doigts ont rencontré les siens, chauds.

Je t’aime. Je le lui ai dit. On a dansé ensemble pour la première fois.  

Marine Lafontaine

lundi 22 août 2016

NOUVELLE BANNIERE

Bien le bonjour, tout le monde. 

Il y a quelques semaines, je vous avais dit dans un article que je cherchais un artiste pour refaire la bannière de ce blog afin de fêter à la fois mon départ de prépa et les cinq ans prochain du site. Hé bien, c'est chose faite. Je ne m'attendais absolument pas à ce que cela se fasse aussi rapidement, mais je suis très, très contente du résultat !

L'artiste en question s'appelle Marcia, une personne que j'ai découvert sur Tumblr quand je cherchais des fanarts de Gravity Falls. C'est ainsi que je suis tombée sur elle et sur ses dessins d'une grande tendresse et d'une belle poésie. Je l'ai contacté via son compte Tumblr et elle m'a aussitôt répondu en faisant montre d'un très grand enthousiasme. Il n'en a pas fallu plus pour qu'on se lance dans le projet de la nouvelle bannière.

En moins de deux jours, Marcia avait déjà produit l'esquisse :


J'ai aussitôt donné mon aval et elle s'est lancée dans le dessin. Une semaine plus tard seulement, elle avait achevé son travail. Avec ma mère, nous avons alors réécrit le texte et changé le style du titre. Ainsi est née la nouvelle bannière qui trône dorénavant au-dessus des articles. Je vous la remets en dessous : 


Marcia est une artiste qui prend toutes sortes de commissions et qui est très disponible. Bien sûr, son travail est payant et il faut communiquer avec elle en anglais. Cependant, je ne regrette absolument pas de m'être associée avec elle, au contraire car cela m'a permis de découvrir plus en profondeur son travail. N'hésitez pas à visiter son compte Tumblr, copieusement fourni en dessins en tout genre, vous ne le regretterez pas !

Marine Lafontaine

dimanche 21 août 2016

CARTE 6, SOUS LE TIPI DE BIBI YOGO

Bien le bonjour, tout le monde !

La carte arrive avec un peu de retard, j'en suis désolée, mais ces derniers jours ont été chargés ! Allez, je ne vous embête pas avec ça et je vous laisse découvrir le texte du jour !



Les genoux de Bibi Yogo sont certainement les meilleurs de tous. Et pourtant, au cours de ma vie féline, je peux vous affirmer que j’en ai essayé, des genoux. Mais ceux de Bibi… J’en ronronne rien que d’y penser !

C’est d’ailleurs en ça que consiste notre accord. Je lui prête mon savoir, elle me prête ses genoux. Car, j’ai un secret. En effet, je suis un chat magique, doué de paroles et capable de lire votre avenir. Quand Bibi Yogo l’a découvert, elle a tout de suite pensé à une manière d’exploiter mes talents sans pour autant m’envoyer dans un laboratoire où je servirais de rat d’expérience. Alors, on a décidé ensemble qu’on ferait croire que c’était elle, la sorcière, et moi, je serais simplement son machiavélique chat roux et blanc.

Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour gagner sa pâtée… 

On s’est installé tous deux dans une sorte de tipi. J’aime bien cet endroit sombre et chaud. Mille et une babioles en verre sont placées un peu partout et des lampes savamment disposées plongent notre antre dans une ambiance très particulière. Sur une table rondelette, on a jeté un tissu bleu nuit où sont cousus plein de petits sequins qui accrochent la lumière. C’est très joli, j’ai du mal à ne pas faire mes griffes dessus. Et, dessus, on a déposé une énorme boule en verre à moitié remplie d’eau claire. Un poisson y nage tranquillement, me narguant dans sa prison. Ça fait beaucoup rire les clients et ça les détend.

J’aime bien les clients de Bibi Yogo. Ils sont gentils avec moi. J’adore les voir rentrer sous la tente, tout nerveux, tout bégayant. Beaucoup sont là un peu en désespoir de cause. C’est souvent des paumés qui errent dans un brouillard épais comme une purée de pois. Bibi les accueille tous avec le même sourire plein de soleil et les invite à s’asseoir auprès de nous. Je les vois se tortiller sur leur chaise (pourtant confortable, approuvée par mes coussinets en personne), sourire de manière gênée et se lancer dans quelques explications maladroites, comme s’ils essayaient de justifier leur présence sous cette tente. Bibi les écoute jusqu’au bout, ses immenses yeux noirs ne quittant pas ceux des clients. Quand ils ont fini, elle caresse ma tête et j’entre en action.

Alors qu’elle fait sa scène, moi, je quitte ses genoux à regrets pour me rendre sous la table. C’est là mon univers. Le dessous de la table a été aménagé exprès pour moi. J’ai mon chapeau melon bleu décoré d’étoiles, mes lunettes rondes comme des lunes et mon bol de lait d’oiseau d’autrefois. Je m’assois sur mon coussin et je déploie l’intégralité de mes sens, comme une corolle mouvante qui s’étend, s’étend et englobe l’univers. Le poisson au-dessus de ma tête duveteuse se met alors à se balancer dans l’eau tel un balancier de pendule.

Mes antennes invisibles grattent, cherchent, caressent, murmurent. Elles apprivoisent les émotions fortes et les sentiments agités des êtres les plus perdus. J’aime les prendre dans mon cœur et dans mon âme pour les apaiser. Je les berce, je les choie. C’est très agréable de sentir leur poids contre mon estomac, leur souffle soulagé et tout doux dans mon pelage. Une sensation unique qu’on ne peut pas décrire avec de simples mots, malheureusement. Si je devais essayer de parler de cette expérience, peut-être la décrirais-je comme une vague de chaleur qui parcourt un être et qui laisse sur son passage de délicieuses petites étincelles crachotant leur parfum électrique entre ses os. 

Je ne pense pas que cela vous parle beaucoup… 

Quand j’ai réussi à lire l’âme du client, j’élève ensuite ma voix et prononce trois phrases censées le guider sur la voie la plus heureuse possible. Tout du moins, j’essaie car l’avenir est un immense flux qui ne cesse de se bâtir et de se déconstruire. Chaque micro choix peut avoir une influence considérable sur le reste de la vie de tous. Car un futur n’est jamais le fait de soi seul, il est le résultat des actions du monde entier. Ainsi, même si j’essaie de toujours guider du mieux possible, je ne peux pas vraiment garantir le résultat. Après, si le client fait des efforts pour tendre dans la direction que je lui ai montrée d’un mouvement de moustache, alors il n’y a aucune raison qu’il n’atteigne pas son bonheur.

Des fois, on tombe sur des clients plutôt étranges. Comme cet homme dont il émanait un désir d’une puissance douloureuse. Il souhaitait absolument embrasser Bibi, mais il était paralysé par la peur. Je pense qu’il s’agissait d’une de ses anciennes conquêtes, mais Bibi n’a jamais voulu m’en parler. Elle est très secrète, mon amie, très réservée. Ses yeux m’indiquent qu’elle a vu et vécu beaucoup, mais elle ne m’a jamais autorisé à savoir quoi. Je crois qu’elle essaie d’oublier un peu tout ce qui la rattache à sa elle du passée.

Un sentiment que je suis sûrement le plus à même de comprendre… 

 Mais là n’est pas le sujet. Le sujet, c’est nous, c’est vous. Bibi et moi avons besoin de nous nourrir, c’est pourquoi on prend une compensation financière contre notre talent commun. Le problème a toujours été de savoir combien car nous ne voulons pas passer pour des voleurs, mais il faut aussi qu’on paie le loyer, donc nous ne pouvons nous permettre de ne rien demander. Mais chaque centime a été soigneusement pensé avec tout l’amour de Bibi et tout le vide de mon estomac, promis !

Bibi aime son métier, je crois, même si elle n’est qu’une figure. Elle aime rassurer, entrainer les gens dans un avenir qu’elle envisage avec un immense sourire. C’est certainement la femme la plus généreuse qu’il m’a été donné de rencontrer. J’espère qu’un jour, d’ailleurs, un homme trouvera le courage de l’embrasser, de lui dire qu’elle a les plus beaux yeux de la terre et que son tipi est décoré avec beaucoup de goût.

   Par contre, je vous préviens, ses genoux m’appartiennent ! 

Marine Lafontaine

jeudi 18 août 2016

LISA DECK

   Bien le bonjour, tout le monde !

   Aujourd'hui, je vais vous parler un peu de Marseille et plus particulièrement d'une galerie d'art qu'on a trouvé au détour d'une rue avec ma mère durant nos vacances, la montée des accules.

   La galerie porte le nom de l'artiste, à savoir Lisa Deck. Nous y sommes entrées et nous avons tout de suite été transportées par le monde de l'artiste, incroyablement doux et torturé à la fois. Je vous laisse juger vous-même à travers quelques photos que voici :



   Toutes les sculptures représentent des êtres humains, mais de manière fragmentée. Ces figures en argile cuite sont d'une grande beauté et beaucoup expriment de la mélancolie. A l'intérieur de ces êtres détruits, on trouve de la peinture orange qui symbolise la réparation pour l'artiste. 

  Nous avons rencontré Lisa Deck qui est une très belle personne. Je lui ai demandé pourquoi elle représentait des êtres morcelés et elle m'a expliqué que c'était une manière de représenter ce qu'était réellement une personne, de faire ressortir ce qu'elle était à l'intérieur d'elle-même pour ne pas se contenter de sa simple apparence extérieure qui est beaucoup plus lisse. 

   Bien sûr, elle s'est exprimée avec des termes bien plus poétiques et forts que mes simples mots de spectatrice. C'est une artiste pure, pas simplement une femme qui aime l'art. Et cela se ressent.


















   Cette galerie fait aussi office d'atelier, ce qui nous a donné l'occasion de la voir quelques minutes à l'oeuvre. C'est fou ce qu'on peut faire surgir du néant en quelques instants. C'est… magique. Je ne pense pas qu'il y a d'autres mots.

   Je ne peux pas faire impasse de la démarche artistique de Lisa. En effet, j'aimerais vous parler du prix de ses sculptures qui sont extrêmement abordables par rapport au monde de l'art en règle générale. C'est une volonté de l'artiste qui souhaite que l'art demeure abordable pour tous, ce qui est fort louable de sa part car elle vit exclusivement de cela.

   En plus d'être une artiste qui a de l'or dans les doigts, Lisa Deck est une personne qui possède une grande âme. Je ne peux que vous conseiller de vous rendre à sa galerie au 10 rue des Accules à Marseille. Elle propose aussi des cours de sculpture le soir. Sinon, je vous ai simplement mis le lien vers son site en début d'article. Je peux vous promettre que vous ne regretterez pas votre plongée dans l'univers de cette femme extraordinaire.

Voilà, ce sera tout pour cet article, j'espère qu'il vous a plu. En attendant de vous retrouver, merci de m'avoir écouté jusqu'au bout ! N'hésitez pas à commenter et à partager. Venez me rendre une petite visite sur les réseaux sociaux où je poste de nombreuses choses en dehors de mes articles. A très bientôt !

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Marine Lafontaine

CARTE 5, DANS LA FORÊT DU LION BLANC

    Bien le bonjour, tout le monde !

   Nouvelle carte avec un texte qui est parti dans une direction que je n'avais pas du tout, mais alors pas du tout prévu ! J'espère que cela vous plaira quand même !



Je me suis perdu. Alors que je me baladais avec mon papa, il s’est éloigné un moment et n’est pas revenu. Je me suis alors lancé à sa recherche et j’ai fini par m’égarer. Maman devait être inquiète, mais je ne pouvais pas raisonnablement revenir sans papa. Elle en pleurerait. Je devais continuer à marcher, au moins un petit peu.

Je sautais lestement au-dessus d’un tronc d’arbre couché sur le sol. Au moins, la forêt était belle. Entourée d’une nature si florissante, je ne ressentais même pas la peur. Papa disait toujours que j’étais trop petit pour m’y aventurer seul. La preuve était que non puisque c’était lui qui s’était perdu le premier, et non moi ! Ah, les adultes, ça pense toujours mieux savoir que les autres, même quand ce n’est pas le cas. En plus, entre nous deux, je suis sûr que c’est moi qui ai le meilleur sens de l’orientation !

Je fermais un instant les yeux, fatigué de courir dans tous les sens. Les sons de la nature berçaient mes oreilles. C’était tellement agréable… Le chant du vent dans les feuilles, les pépiements lointains des oiseaux, le bourdonnement des insectes, le craquement de l’écorce des arbres centenaires, l’écoulement discret d’un ruisseau… Un ruisseau ? Je redressai ma tête, tous sens aux aguets. Ma gorge était affreusement sèche, un peu d’eau me ferait le plus grand bien !

Je me remis en route, me fiant au bruit léger et rafraîchissant de l’eau. Je ne m’étais pas rendu compte jusqu’alors que j’étais assoiffé. Même ma langue semblait lourde, comme si elle avait pris la consistance d’un morceau de bois. Le désir de m’hydrater me poussa à accélérer ma course. Cette envie, depuis que je l’avais réalisée, se faisait de plus en plus pressante. Qu’est-ce que j’avais soif ! J’en étais même étonné. Comment n’avais-je pas pu m’en rendre compte avant ?

Enfin, entre les fleurs exotiques aux couleurs extraordinaires, émergea l’éclat d’un ruisseau doré par la lumière du jour. Je m’y précipitais, heureux comme jamais. Enfin ! Pendant un moment, j’ai bien cru que je n’allais jamais parvenir à destination. Je m’agenouillai pour recueillir le précieux liquide. Mais, alors que je m’apprêtai à laper cette denrée précieuse, quelque chose attira mon œil. Je ne saurais dire ce que c’était exactement. Un flottement, peut-être, comme un fragment de matière floue qui se meut dans l’atmosphère accompagnée d’un courant d’air froid enroulé autour de tes os. Je me relevai, enchanté par cette sensation. Et c’est là que je le vis.

Dans un creux de la terre, comme si elle s’ouvrait d’elle-même pour m’inviter, se dressait une silhouette féline. Une silhouette opalescente, presque… fantomatique. A moins que cela ne soit vrai. En scrutant attentivement la forme, je me rendis compte que j’étais capable de distinguer ce qui se trouvait de l’autre côté. Un spectre ? Stupéfait, complètement subjugué par cette vision, je m’en approchai. A mesure que j’avançais, les détails se précisaient et s’offraient à mes yeux écarquillés avec une netteté effrayante. Je parvenais maintenant à distinguer sans fausse note la robe opaline d’un lion dans toute sa splendeur. Il avait une crinière absolument magnifique…

Il tourna lentement sa tête imposante vers moi et planta son regard majestueux dans le mien. Ses yeux étaient emplis d’une sagesse racée qui me coupa le souffle. Cet animal ressemblait à une sentinelle de la nuit des temps, veillant sans relâche sur l’humanité depuis les espaces secrets de sa forêt. L’apparition me fit soudain signe de m’approcher. Intimidé, je n’osais désobéir. Mes parents m’avaient toujours dit de ne pas obéir à des inconnus, surtout s’ils prenaient le trait d’hallucinations, mais c’était le seul point sur lequel nous avions toujours été en désaccord.

Après tout, les fantômes ne m’avaient jamais causé de mal. Pas volontairement, tout du moins.

Je vins m’asseoir près de l’immense félin. Dans une attitude respectueuse, je perdis mon visage dans son pelage évanescent comme de la fumée blanche. Cela sembla lui plaire. Il me demanda de venir plus près de lui. Il n’avait pourtant pas prononcé un seul mot, mais je savais qu’il le souhaitait. Je vins me loger dans le creux de ses pattes, le dos appuyé contre son ventre et son torse. Son corps était froid, mais ce n’était pas désagréable.

Des sensations étranges se mirent à courir dans mes chairs. Des frissons de joie et de tristesse. Des papillons de solitude et des parfums de vieillesse. J’en avais les larmes aux yeux. Sans échanger de paroles, le lion et moi étions entrés en communion. Je sus très vite que je ne pourrais pas de nouveau le laisser seul dans cet antre végétal. Que j’allais demeurer à ses côtés et que lui resterait aux miens. Il n’y avait aucune autre voie que nous puissions envisager.

Alors, tout simplement, je suis demeuré ici, jusqu’à devenir les racines de cet endroit, sa terre, son eau, son ciel et son vent. Je suis incorporé au monde sans plus jamais songer à ma vie passée. Aujourd’hui, cela fait des millénaires que nous sommes ensemble et je commence à me demander ce qu’il est advenu de mon père. A-t-il pu retrouver le chemin vers les bras de ma mère ? Ont-ils pleuré de absence ? Je n’en suis même pas sûr.

Après tout, c’était mon père qui m’avait abandonné en pleine forêt. C’était lui qui m’avait déposé sur le sol avec ce bol de nourriture et ce récipient d’eau. J’ai tout renversé en essayant de le rattraper, mais il était déjà parti. Je me suis berné alors moi-même de paroles pour faire croire à mon esprit torturé qu’ils reviendraient me chercher, qu’ils m’aimaient autant que je les aimais et que tout cela n’était qu’un affreux oubli.

J’ai enfin compris que c’était faux.

Le lion m’a trouvé. Ensemble, dans cette forêt baignée de lumière, nous avons vécu heureux. Alors, je pense que je peux pardonner et de nouveau aimer.

    Viens, petit. Tu t’es perdu aussi ? Viens. Ne t’en fais pas. Je vais rester avec toi.   

Marine Lafontaine     

mercredi 17 août 2016

CARTE 4, LE PIÈGE DE LA COCCINELLE

Bien le bonjour, tout le monde.

On continue notre chevauchée du poétique avec une carte qui m'a bien donné du fil à retordre aujourd'hui. Je vous laisse découvrir le tout sans plus attendre !




J’ahanais, le corps cassé en deux, les mains reposant sur mes genoux. Mes jambes tremblaient, maintenant incapables de me soutenir plus loin. Mes yeux fouillaient les ténèbres environnantes dans le vain espoir d’accrocher autre chose que des ombres. Mais il n’y avait que ça autour de moi, des ombres. Des ombres par milliers qui s’enroulaient autour de mon cou comme des écharpes, des ombres qui se nouaient autour de mes poignets comme des mains pourvues de petits doigts, des ombres qui poissaient mes cheveux, des ombres qui… des ombres… 

Je me redressai dans un pénible effort. Il fallait que je continue à avancer. Si je demeurais sur place, qui sait quelle créature allait me retrouver. Où étaient donc passés tous les autres ? A combien était-on entré dans ce fichu labyrinthe, déjà ? Je n’arrivais plus à m’en rappeler tant mes pensées ne cessaient de s’éparpiller, billes folles libérées de leur fil rompu. Je serrai les dents, maudissant encore une fois Jean qui nous avait tous entrainés dans cette horreur sans nom. Un parc d’attraction itinérant ! Mon œil, oui !

Un piège.

Voilà ce qu’était cet endroit malsain. Un piège ! Et dire qu’on y avait sauté à pieds joints le sourire aux lèvres. Quand on avait vu cet immense corps de coccinelle, évidemment qu’on y était allé, pouffant comme des imbéciles. Il s’agit d’un labyrinthe, qu’il nous avait dit, le gars qui gardait l’entrée. Il fait sombre dedans, vous devriez prendre des lampes torches. Et nous, on lui avait ri en nez pour braver avec stupidité ce qu’on pensait n’être qu’un jeu.

Ah, à la réflexion, c’était réellement un jeu. Mais un jeu dont on était les victimes. Ils devaient bien se marrer, là-haut, en les regardant se débattre dans le noir. Dire qu’elle m’avait paru mignonne de loin, cette attraction ! Une grande carapace dont certains points avaient été soulevés comme des écoutilles de sous-marins. De l’un émergeaient des plantes, d’un autre une gigantesque statue de fourmi toute souriante et, d’un troisième, un télescope pointait fièrement sa tête vers les nues. Le gars de l’entrée leur avait dit qu’il existait une quatrième écoutille, la seule sortie possible du labyrinthe. Si on trouvait le bon escalier, on pourrait alors se rendre sur la carapace de la coccinelle et ainsi s’échapper.

Je me remis rapidement en route. La sortie… Je devais la trouver et vite ! Sinon j’allais devenir folle dans cet environnement étouffant. Les murs étaient chauds et humides sous mes doigts, comme si je me trouvais à l’intérieur d’un être vivant. La peur bouffait mes entrailles et des frissons ne cessaient de danser sur mes os. J’avais été très vite séparée de mes amis. Alors que je marchais, j’avais entendu leurs cris dans le lointain, perdu dans les échos du labyrinthe.

Tandis que je continuai à avancer, je me rendis soudain compte que je pleurais. Mes amis avaient disparu, j’étais isolée, jouet de gars malades qui profitaient de ma faiblesse pour avoir leur dose d’excitation. Depuis combien d’heures j’errais dans ces couloirs sans fin ? La faim et la soif commençaient à me tenailler. J’avais peur de m’assoupir et de me faire dévorer par des créatures lâchées dans les boyaux tortueux de ce piège machiavélique. Je n’aurais jamais cru qu’une simple virée entre amis puisse ainsi virer au cauchemar. J’avais l’impression d’être plongée de force dans un de ces films surréalistes où les pauvres campeurs finissent massacrés par un bûcheron tombé dans la folie.

Non… Je crispai mes poings, le regard noir. Il en était hors de question. J’ai des rêves, tellement d’ambitions que je pourrais me noyer dedans. Je n’allais certainement pas laisser une bande de malades jouer avec moi et me regarder sombrer. Je vais lutter, je vais lutter comme ils n’auront jamais vu quelqu’un lutter. S’ils veulent rire de moi, ils devront attendre, car je vais le trouver, leur escalier et je vais fuir d’ici !

Une petite voix naquit soudain dans mon esprit. Et les autres ? Allais-je les abandonner à leur sort ? J’ignorais s’ils avaient réussi à échapper à tous les pièges de cet endroit maudit. Et même s’ils y avaient survécu, j’ignorais dans quel état ils seraient. Non, non, je ne pouvais me permettre de les prendre avec moi. Assurément, ils seraient blessés et me ralentiraient. Et, cela, c’est la dernière chose que je souhaitais.

Une variation dans l’obscurité attira mon attention. Etait-ce mon imagination ou tout semblait plus… clair ? Avec hâte, je forçais mes jambes fatiguées à accélérer. Mes yeux s’écarquillaient à mesure que les ombres se retiraient de mon environnement, telles des insectes rampants. L’espoir me donna le rouge aux joues. Enfin… enfin ! Je glissai sur une marche humide et m’étalai par terre. Je relevai aussitôt mon corps endolori pour m’élancer vers la sortie. Pas de temps à perdre ! Si je demeurais plus longtemps dans ce trou à rats, j’allais devenir folle !

Je crus entendre des cris autour de moi, comme des sentinelles qui donnent un signal. Le vent s’engouffrait dans cet escalier interminable et tentait de me rejeter dans mon trou. Je luttais de toutes mes forces pour avancer pas après pas. Mon tee-shirt imbibé de sueur était glacé. Je n’avais qu’un seul désir : que tout s’arrête. J’en avais assez ! Je voulais rentrer chez moi ! Pitié, qu’on me laisse rentrer chez moi !

Je parvins enfin au sommet des marches. Autour de moi s’étendait une vaste étendue rouge, piquetée de gigantesques disques noirs. A un certain endroit, le sol s’inclinait en une pente abrupte. J’étais bel et bien sur le toit de cette attraction cauchemardesque. L’espoir me faisait baver, à moins que ce soit ma cavalcade. Je n’arrivais plus à réfléchir, je mettais juste mes pieds l’un devant l’autre.

J’allais enfin être libre.

C’est là que leur chasseur m’a abattue. Je suis tombée dans la poussière qui recouvrait le toit. Mes membres se sont engourdis rapidement. Et j’ai rendu mon dernier souffle.

   Voilà la fin de cette histoire, la mienne.  

Marine Lafontaine

mardi 16 août 2016

CARTE 3, LE JOUR OÙ L'HUMANITÉ DISPARUT


Bien le bonjour, tout le monde. 

Aujourd'hui, nouvelle carte. Le texte est toujours une improvisation de 1000 mots, je n'ai pas pu aller vraiment en profondeur dans le sujet, mais j'espère que ça vous plaira !


 
Le projet “revitalisation” a été mis en place il y a maintenant bien des années. Tout d’abord, personne n’y croyait. L’idée qu’une science eût été assez avancée pour permettre de rajeunir les êtres humains, jusqu’à la moindre petite cellule, c’était totalement irréaliste, irréalisable ! Pourtant, dans les rues, les affiches s’étaient multipliées. Je me le rappelle encore, je n’étais alors qu’une toute petite fille. Sur ces affiches orangées absolument immenses, on voyait un sablier gigantesque en verre. En haut, enfoncée jusqu’à la taille dans du sable très jaune, une vieillarde affichait un visage d’une grande tristesse. Mais le sable fuyait, s’échappait et de là naissait une jeune fille radieuse qui écartait les bras, comme sous le charme de quelque enchantement. Son sourire était tellement beau qu’il avait fait bondir mon cœur d’enfant dans ma poitrine menue.

C’est alors qu’elles sont apparues. Les premières personnes “revitalisées”. Une célèbre émission télévisée avait suivi leur parcours. On avait regardé ça avec maman, je m’en souviens. Sur l’écran, trois honorables vieillards au visage doux et au regard usé avaient parlé longuement avant de disparaître dans l’institut de “revitalisation”. Et quand ils étaient revenus, rayonnants, ils avaient retrouvé leur jeunesse d’autrefois. L’un d’entre eux était devenu un champion de marathon.

Ma mère s’est aussitôt insurgée en tant que fervente défenseuse du cours de la nature. Pourtant, ses mains tremblaient et ses yeux brillaient de convoitise. Moi, je ne savais pas quoi penser. C’était étrange de voir des êtres humains être recyclés comme de vulgaires objets. Le corps ressemblait étrangement à un emballage qu’on pouvait remplacer. Sauf qu’on ne le remplaçait pas, on le… réparait.

La technique de “revitalisation” a fait le bonheur des riches. Heureusement, ou malheureusement, cela s’est très vite démocratisé. Les hôpitaux en ont acheté en quantité affolante pour pouvoir soigner des cancers, des peaux calcinées et des blessures graves. On parvint même à réveiller des personnes plongées dans des comas prolongés. De par tout le monde, la “revitalisation” fit des miracles absolument prodigieux. L’être humain était maintenant capable de vaincre Dieu en personne.

Bien entendu, certains s’y opposèrent farouchement. Il y eut d’abord les religieux. Le pape discourut longuement à ce propos. Les termes “abomination” et “contre nature” revenaient très souvent dans ses paroles. Pourtant, quand il fut sur le point de mourir de vieillesse, sa foi vacilla soudainement. En pleine crise de croyance, il se tourna vers la science. La science le sauva. Il refusa de paraître de nouveau face aux fidèles.

Le projet de “revitalisation” comptait de plus en plus de partisans et de moins en moins d’adversaires. A l’heure où je vous écris, je suis l’une des dernières humaines qui ai exigé qu’on la laisse vieillir. J’ai vu autour de moi tous mes amis rajeunir, ma famille payer pour une nouvelle jeunesse. Au final, à l’approche de la mort, peu sont ceux qui résistent à la tentation de prolonger le séjour sur cette terre. L’inconnu est un gouffre abyssal où réside tout l’imaginaire des hommes. Ce qu’il y a de l’autre côté terrifie tant que l’imagination ne cesse de travailler, effrayant les plus vaillants, ébranlant les plus croyants.

Je suis fière de pouvoir dire que je n’ai pas failli. Rajeunir ? Mais que ferais-je ? J’ai vécu une vie merveilleuse, remplie d’amour et de fragments de bonheur. Bien sûr, j’aurais souhaité faire plus, évidemment, qui ne souhaiterait pas ? Mais cela me semblait absurde. En me promettant de ne pas vivre une nouvelle fois, j’avais profité pleinement de chaque instant. Combien de fois ai-je du faire la leçon à mes enfants pour qu’ils respirent à plein poumons chaque minute de leur temps limité ? Combien de fois m’ont-ils répondu qu’ils le feront “la prochaine fois” ?

La “revitalisation”, je l’ai refusée jusqu’au bout. J’étais déterminée à partir tranquillement, j’avais même préparé chaque membre de mon entourage. Je ne me serais alors jamais doutée que ce serait lui qui me tirerait vers le passé. Tous ont refusé de me laisser m’élever. Alors que je mourrais, ils m’ont placé en institut de “revitalisation”. A l’heure où je vous écris, vous, les générations futures, je suis une petite fille maladroite, furieuse.

Quand je me suis réveillée dans ce sarcophage de verre, baignée d’un liquide amer et bleu, j’ai cru devenir folle. Ils m’ont rajeunie contre ma volonté. Ils s’en sont excusés en pleurant. Comment pourrais-je leur pardonner ? Ils étaient tous là, rassemblés autour de moi, pitoyables et faibles d’esprit. Ils n’avaient même plus conscience de ce qu’était la volonté propre d’une personne.

J’ai sauté par une fenêtre. Je suis certaine d’être morte. Personne ne peut survivre d’une telle chute. Pourtant, je suis toujours là. Ils m’ont ramené à la vie. Nous ne pouvons même plus rejoindre l’au-delà. Qu’allons-nous devenir sur cette terre ? Nos ressources sont déjà amoindries. L’eau et la nourriture vont bientôt manquer. A moins qu’ils ne parviennent à nous priver de ce besoin primitif. Ils en sont capables.

Ils sont déjà parvenus à nous enlever notre statut d’être humain.

Le sablier continue de couler dans le mauvais sens. Pas après pas, nous nous éloignons de ce que nous chérissions. La morale s’étiole à mesure que nous parcourons la voie de la “revitalisation”. Le temps n’a plus d’importance, le temps n’a plus de sens. Autour de moi, j’ai perdu la trace de ma mère. Elle n’est plus que le vague reflet de la femme que j’ai tant aimée. Mes enfants, aussi, se sont évanouis, comme s’ils n’avaient été que d’épais nuages de fumée. J’ai peur… J’ai peur, j’ai peur, si vous saviez comme j’ai peur.

Alors, avant que je ne disparaisse à mon tour, voilà ce que je vous lègue, à vous, au monde. Pour que ne vous ne vous enfonciez pas dans notre voie. Ceci est mon dernier message. Car je vais enfin mourir. Aujourd’hui, je m’arme contre l’institut de “revitalisation”. Je vais donc disparaître. L’ennemi est trop grand pour moi.
 
Mais pour vous, il y a encore de l’espoir. Alors adieu… et merci pour votre beau courage.
  Marine Lafontaine   

lundi 15 août 2016

ARTICLE SHAMPOING

   Bien le bonjour, tout le monde !

   Aujourd'hui, un petit article shampoing qui ravira les fans de grands romans et ceux de Léonardo Dicaprio. En effet, aujourd'hui, on va parler amour, on va parler richesse et on va parler Amérique. Aujourd'hui, nous entrons dans les années folles depuis le point de vue de Nick Carraway. Messieurs dames, c'est l'heure de Gatsby le Magnifique

   
Gatsby le Magnifique (ou The Great Gatsby pour la version originale) est un roman de Francis Scott Fitzgerald écrit en 1925. Personnellement, je n'ai pas lu l'oeuvre originale, mais la traduction de Philippe Jaworski qui est absolument délicieuse et que je vous recommande chaudement. 

   Cet article portera aussi sur le film où jouent Léonardo Dicaprio (Jay Gatsby) et Tobey Maguire (Nick Carraway). Il a été réalisé par Baz Luhrman en 2013. Deux en un, article shampoing, c'est parti ! 

   Partons tout d'abord du roman. Le narrateur est Nick Carraway, un homme qui a vu ses illusions être brisées en Amérique, à West Egg. Il est suivi par un médecin qui lui conseille d'écrire sur ce qu'il a vécu lorsqu'il était courtier. Nick va alors se lancer dans une chevauchée formidable vers le passé où on découvrira la vie de son voisin, le célèbre et très, très mystérieux Jay Gatsby, éperdument amoureux d'une femme mariée nommée Daisy qui n'est autre que la cousine de notre narrateur. 

   Ce roman est avant tout une incroyable histoire d'amour, mais que l'on suit intégralement depuis un point de vue extérieur. Nick ne va jamais s'introduire dans le couple ou dans leurs pensées, si bien qu'il ne rend compte que de certaines marques visibles de l'amour qui existe entre les deux personnages. Mais celui de Gatsby est tellement incroyable, magnifique et omniprésent que le lecteur le ressent au fond de son ventre. Après tout, Gatsby est un homme dont la moindre action est commandé par l'amour, ce qui est très beau, mais aussi très triste. 

   Je ne peux évidemment pas parler de ce roman sans parler du style absolument incroyable de Fitzgerald. La traduction est un chef d'oeuvre qui retranscrit une force d'écriture tout à fait magique. Je pense que je vais vraiment me pencher sur l'original, mais j'hésite car j'ai peur d'être un peu déçue tant j'ai été transportée par le point de vue de Jaworski

   Parlons un peu du film. Je l'ai vu l'année dernière et j'aimerais maintenant le visionner de nouveau à l'aune du livre. J'ai beaucoup aimé ce long métrage et je trouve que les acteurs ont superbement fait vivre les personnages de papier. Les décors sont impressionnants et on ressent parfaitement la folie des années 20 qui ressemblent plus à un monde suspendu qu'à une période de notre histoire. Même les musiques semblent habitées de frénésie. 

   J'aimerais maintenant venir un peu sur le personnage de Daisy qui a donné lieu à de multiples débats entre moi et mon entourage. Dans le film, le rôle de cette femme est incroyablement ambigu, je l'ai même trouvé plus subtile que dans le livre… ou non. Elle est déchirée entre ses émotions et ne sait la voie qu'elle doit emprunter. La scène de l'hôtel en est l'exemple le plus frappant. Cette scène, d'ailleurs, prend une tournure différente dans le roman où Daisy semble avoir un avis beaucoup plus tranché… ce qui la rend peut-être, en définitive, encore plus mouvante. Beaucoup de fans la détestent, moi, elle me fascine.  

   En résumé, un roman et un film très bons à l'histoire fascinante. A découvrir très vite. Par contre, dans le livre, ne vous attendez pas à un “Je suis Gatsby” aussi incroyable que dans le film. On passe très vite dessus, contrairement au film où la phrase est suivie de feux d'artifices. Personnellement, je l'attendais avec impatience, mais ce n'est pas du tout le même effet ! 

Voilà, ce sera tout pour cet article, j'espère qu'il vous a plu. En attendant de vous retrouver, merci de m'avoir écouté jusqu'au bout ! N'hésitez pas à commenter et à partager. Venez me rendre une petite visite sur les réseaux sociaux où je poste de nombreuses choses en dehors de mes articles. A très bientôt !

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Marine Lafontaine