lundi 17 juin 2013

EROS ET THANATOS, CHAPITRE 21

Scène finale




Ael enfila rapidement sa veste.
-                Allez, Cin’ ! le pressa-t-il.
-                On vient à peine de rentrer, j’ai sommeil, marmonna Cinaed avec une moue d’enfant boudeur.
-                Lizzie nous a dit que c’était important.
-                Papa, on va où ? voulut savoir Antoine.
-                Chez Lizzie, mon cœur.
-                La jolie madame ?
-                Oui, la jolie madame à qui tu n’as pas arrêté de tirer la robe pour qu’elle danse avec toi. Où est ton manteau, toi ?
-                Veux pas !
-                Ton manteau, Antoine !
-                Non ! trépigna l’enfant.
-                Ton manteau, tout de suite, ordonna Cinaed d’un ton qui n’admettait pas de réplique.
Antoine bouda, mais obéit. Ael remercia son amant d’avoir un semblant d’autorité sur leur infernal petit bout. Finalement, il hissa leur fils dans ses bras et la petite famille descendit au parking. Dix minutes plus tard, ils se garaient dans la rue de Lizzie. Arra les attendait à l’entrée. 
-                Alors, votre week-end ? demanda-t-elle alors qu’ils montaient les escaliers.
Ael ne répondit pas, mais le sourire rêveur qui s’était dessiné sur ses lèvres à l’énonciation de la question était plus qu’éloquent. Riant, Arra les conduisit à travers plusieurs couloirs. 
-                Nous aussi, nous avons eu un excellent week-end.
Et elle poussa la porte. Le couple se figea sur le seuil d’une chambre, les yeux écarquillés et la bouche ouverte. Dans son lit, Gabrielle quitta son livre des yeux alors que Lizzie se levait de sa chaise. Un immense sourire vint orner les lèvres de l’alitée.
-                Cinaed ! Ael !
-                GAB’ !
Deux bras puissants l’arrachèrent à ses draps pour la faire tournoyer dans les airs. Cinaed écrasa sa sœur dans une étreinte possessive alors qu’il plongeait son nez dans ses cheveux pour respirer son odeur à pleins poumons.
-                Tu es réveillée… Tu es réveillée… Putain, enfin !
Il la tint ainsi serrée contre lui longtemps encore, refusant de la laisser partir. Il finit par l’asseoir dans son lit pour qu’Ael puisse à son tour la prendre dans ses bras (avec plus de retenue tout de même).
-                Je suis contente que tu sois enfin réveillée, lui sourit-il tendrement.
-                Et moi donc ! Bon, j’ai un corps qui ne répond à aucune de mes attentes pour le moment, mais ça fait du bien de se sentir vivre !
-                Je me doute… 
-                Merci pour tout, Ael. Lizzie m’a un peu raconté. Merci de t’être occupée de moi pendant tout ce temps… 
-                C’est normal.
Antoine s’avança timidement. Quand Cinaed le remarqua, un tendre sourire naquit sur ses lèvres et il le souleva par les aisselles pour l’installer près de sa sœur. 
-                Antoine, je te présente Gabrielle, ma sœur jumelle, lui déclara-t-il.
-                Bonjour, sourit gentiment l’intéressée.
Intimidé, Antoine se cacha derrière le bras de Cinaed. Puis, il sortit la tête et demanda innocemment :
-                C’est ma tata ?
-                Quoi ? s’étrangla Gabrielle alors qu’un sourire lui montait aux lèvres.
-                Antoine est mon fils adoptif, lui précisa Ael. Du coup, Cinaed est son deuxième papa.
-                Rôh, il s’en est passé des choses, dis donc ! Quelle belle famille !
Arra interrompit momentanément les retrouvailles en introduisant deux nouvelles personnes dans la chambre. Cinaed se tendit comme un ressort quand il aperçut la face brûlée de son père.
-                Monsieur et madame Helldi, les accueillit Ael en se levant. Cela faisait longtemps.
-                Bonjour, Duncin, répondit le père des jumeaux en lui serrant la main.
La mère se précipita pour embrasser ses enfants. Elle les prit tous les deux contre son sein et les serra dans ses bras avec force.
-                Oh, mes bébés, murmura-t-elle avec une voix emplie de tendresse.
-                On peut dire que vous nous avez fait peur, dis donc ! tonna son mari, faussement fâché au vu du sourire sur ses lèvres.
Il embrassa tendrement son fils avant de serrer très fort sa fille contre lui.
-                Ne nous faites plus des frayeurs de ce genre, leur murmura-t-il. On est d’accord, hein ?
Ael voyait parfaitement l’incompréhension totale que ressentait Cinaed. Ses parents l’avaient renié… Ils l’avaient rejeté, de leur foyer, de leur vie, de leur cœur… Alors, pourquoi… lui souriaient-ils ainsi ? Avant qu’il puisse ouvrir la bouche, Ael posa une main sur son avant-bras. Son regard lui demandait d’attendre, son regard lui assurait qu’il lui expliquerait. Perdu, Cinaed sursauta quand il reçut une claque sur l’épaule de la part de son géniteur.
-                Alors, mon grand, je vois que tu as toujours le même amoureux ! Tu le gardes, celui-là ?
-                P… Peu… Quoi ? ne parvint qu’à balbutier Cinaed.
-                A quand le mariage ? le taquina sa mère. Bon, j’ai un petit-fils, c’est déjà ça, reprit-elle en câlinant Antoine qui se laissait faire, tout content des papouilles. 
Les jumeaux échangèrent un regard halluciné. Depuis quand leur mère était-elle aussi… joyeuse ? Ouverte ? Souriante ? Que s’était-il passé pour qu’ils acceptent l’homosexualité de leur fils et qu’ils aillent même jusqu’à le taquiner à ce sujet ?
… C’était quoi ce bordel ?!

-                Tu as hypnotisé mes parents ?!
-                Pas moi, Greuz.
-                Sur ta demande !
-                Oui.
Cinaed passa une main fatiguée sur son visage. Parfaitement calme, Ael était assis dans leur lit et attendait la suite. Qui ne tarda pas.
-                Mais… pourquoi ?
-                Parce que je voulais que tu aies une famille sur laquelle tu pouvais compter.
-                … 
-                Tu m’en veux ?
-                Un peu… J’avais l’impression de me retrouver avec des inconnus, tout à l’heure.
Ael se pencha sur son amant qu’il prit doucement dans ses bras.
-                Pourtant, ce sont bien tes parents, lui assura-t-il en souriant. Greuz n’a effacé aucun de leurs souvenirs. Il a juste fait en sorte d’élargir l’esprit de ton père et de donner plus d’indépendance et de volonté à ta mère. Ce sont eux… Et ils t’aiment.
-                Mais… 
-                Je ne te présenterai pas d’excuses, car j’ai fait ce qui me paraissait le plus juste, ce qui pouvait te rendre le plus heureux. Je ne voulais pas que tu revives ce qui s’est passé, il y a sept ans… quand ils t’ont dénoncé à la brigade.
-                … C’est définitif ?
-                Non, cette action est réversible. Si c’est vraiment ce que tu souhaites, tu pourras toujours demander à Greuz de te rendre tes parents d’avant.
Cinaed sut à la voix de son amant qu’il n’était pas en colère, comme il l’avait craint. Non, il acceptait simplement son choix… Il sourit et se tourna vers lui.
-                Merci…
-                Pas de quoi, Salamèche.
-                Depuis quand je suis un pokémon ?
-                Depuis que tu as fait voir ce manga débile à mon petit bout. Ce matin, il s’est jeté sur moi en criant “Pikachu, attaque éclair !”
Cinaed se mit à rire. Ael voulut le faire taire en l’embrassant, mais son amant continua de rire contre sa bouche. Puis il se tut et passa ses bras autour du cou de son amoureux pour approfondir l’échange. Les mains d’Ael en profitèrent pour s’infiltrer sous son tee-shirt. Les caresses commençaient à être plus poussées quand… 
-                Papa ! Papa ! Vous faites quoi ?
-                Antoine !
Ses pères s’écartèrent brusquement. Intrigué, l’enfant s’approcha du lit.
-                Qu’y a-t-il, Antoine ? finit par demander Ael.
-                J’ai envie de dormir avec vous !
-                Ah, heu, ben… viens… 
-                Ouais !
Il sauta sur le lit et se pelotonna entre ses deux pères. Ces dernières rabattirent la couette sur eux puis Cinaed éteignit la lumière.
-                Papa… chuchota Antoine au bout d’une minute de silence.
-                Oui ? grognèrent les intéressés.
-                Tu peux refaire ton truc avec les flammes ?
-                Il est tard, Antoine…
-                S’il te plaît !
-                … Bon, OK.
Antoine s’assit entre les jambes croisées en tailleur d’Ael alors que Cinaed se positionnait en face d’eux. Doucement, il souffla sur ses paumes. Alors naquirent des flammes. Elles dansaient dans le creux de ses mains, petites silhouettes féminines ardentes. Lentement, Cinaed fit naître trois autres personnages. Il y avait tant de détails qu’on pouvait même distinguer les traits des danseurs enflammés. Fascinés, Ael et Antoine virent les minuscules silhouettes se saluer avant de se mettre à valser ensemble, deux par deux. Un bal miniature se déroulait sur la chair du jeteur de feu. Les couples se séparaient pour mieux se retrouver ensuite.
Lentement, Ael ferma les yeux. Les silhouettes dansaient sous ses paupières dans une vaste salle de bal. Elles se débarrassèrent de leur gangue de feu pour paraître sous un jour plus humain. C’était sept ans plus tôt… Six adolescents. Lizzie avec ses longues tresses rouges, Gabrielle et ses cheveux courts, Azela qui balançait son bandeau dans les airs, Nathanaël dont le visage resplendissait. Ael se revoyait également, avec ses cheveux aux éclairs violets grâce à la teinture de Cinaed et ses lunettes en cul de bouteille. Puis il le retrouvait, lui… blond, avec son étrange boucle d’oreille en forme de griffe, son sourire éclatant… La joie se lisait sur tous les visages, un sourire béat, des rires purs, des yeux étincelants.
Des amours au pluriel. Fraternité, amitié, sensualité. Parfois douloureuse, toujours délicieuse, c’est la plus douce et la plus dure des drogues.
Et la danse continue alors qu’en fond sonore s’élève une vieille chanson d’amour d’Edith Piaf pour six êtres qui s’aiment.

3 commentaires:

Jelisbcp a dit…

Bien joué pour les parents ! J'ai doré ton histoire ! J'espère que tu gagneras ton concours ;)

Jelisbcp a dit…

adoré pardon * ^^'

Jacques a dit…

T'as un pb avec Edith Piaf -_- Sinon, très bonne hist