Bien le bonjour, tout le monde !
Nous voici repartis un chapitre qui sera beaucoup moins joyeux que le précédent. Je tiens à vous prévenir tout d'abord, car il aborde notamment un thème grave qu'est la violence domestique… Ça n'a pas été facile à écrire, mais ce passage est important pour comprendre l'un des personnages de la série.
Je vous souhaite tout de même une bonne lecture !
Bendy avait abandonné Boris dans leur
chambre pour sortir en solitaire. Une soirée sans son petit frère ! Cela
faisait une éternité que le mécanicien n’avait pas goûté aux joies des plaisirs
adultes. Après s’être promené un moment dans les rues ensommeillées de la
ville, le malade fut attiré par l’enseigne prometteuse d’un bar. Il en repoussa
la porte et se dirigea vers le comptoir derrière lequel un barman essuyait
tranquillement un verre.
- Un verre de martini et faîtes-le vite,
commanda-t-il en claquant des doigts.
- Ça arrive tout de suite, lui répondit
tranquillement le garçon.
Le mécanicien s’accouda au bar avec un
soupir d’aise. Il laissa son regard courir sur l’ensemble de la pièce qui
s’offrait à lui. Un lieu bien agréable ! Ses yeux furent attirés par la présence
de deux gentes dames qui conversaient à une table, non loin de lui. Il reconnut
la jolie petite infirmière oiseau à qui il avait confié Cuphead à l’hôpital.
Tiens, et qui était avec elle ? Une lapine ? Bendy eut un sourire de
prédateur à sa vue. Voilà un bien joli brin de fille… Ces deux jeunes
femmes formaient vraiment un charmant tableau.
- Je ne peux pas croire que je n’ai rien
tenté quand je l’ai vue pour la première fois… ricana-t-il à sa propre
intention. Il est temps de réparer cette erreur.
Sans plus hésiter, le mécanicien
abandonna le bar pour se diriger vers les deux clientes. Ces dernières levèrent
un regard interrogateur sur lui quand il se posta devant elle, un sourire
charmeur sur les lèvres. Ce fut l’infirmière qui le reconnut tout d’abord.
- Oh, c’est vous ! s’exclama-t-elle,
ravie. Votre ami va mieux que jamais, je peux vous l’assurer. Il a quitté
l’hôpital cet après-midi même.
- Oh, je sais, lui assura le malade en
songeant à la folle soirée qu’il avait vécu à cause de l’ami en question.
Merci, mademoiselle… ?
- Dovil Feathertin, répondit l’oiselle en
lui tendant son aile.
Bendy saisit délicatement les plumes afin
d’y déposer un léger baiser. L’infirmière sourit, charmée par les manières du
mécanicien.
- C’est un plaisir de vous rencontrer,
monsieur… ?
- Oh, tout le plaisir est pour moi !
lui assura l’intéressé en parfait gentleman. Et pour le nom, c’est Bendy.
Dovil rit légèrement. Elle se tourna
alors vers sa voisine qu’elle se chargea d’introduire.
- Et voici mon amie, Francine Cottontail,
mais nous l’appelons juste Fanny.
Bendy répéta son manège, mais il garda un
peu plus longtemps la main de la lapine dans la sienne.
- Mademoiselle, la salua-t-il.
- Charmée, répondit Fanny, bien que rien ne
l’indique sur son visage.
L’oiselle sourit.
- Vous voulez vous joindre à nous ?
demanda-t-elle. Nous attendons juste l’arrivée de mon petit ami.
Bendy ne put cacher son étonnement, mais
il parvint à dissimuler sa déception. Oh, l’infirmière était prise… Bon, de
toute manière, la lapine l’intéressait plus. Mais celle-ci mit très rapidement
fin à ses illusions.
- Avant que vous ne tentiez quoique ce
soit, sachez que vous vous adressez à une femme mariée, très cher.
Mauvaise pioche pour le mécanicien…
Celui-ci prétexta devoir aller chercher sa boisson pour se sortir de cette
situation des plus gênantes. Il remercia Dovil pour l’avoir renseigné à propos
de Cuphead puis regagna le comptoir. Il se hissa sur un haut tabouret puis
poussa un profond soupir.
- L’une a un copain, l’autre est mariée… Pourquoi
pas ? grommela-t-il.
Le barman revint alors vers lui pour lui
tendre sa consommation.
- Voilà pour vous !
Mais avant même qu’il n’ait achevé sa
phrase, Bendy avait descendu son martini d’une traite.
Le malade reposa brusquement son verre
vide. L’alcool lui monta rapidement à la tête, colorant ses pensées de nuances
sombres. Le mécanicien porta une main fatiguée à son visage, envahi par un
profond sentiment de solitude.
- Pourquoi j’ai même essayé ? murmura-t-il
pour lui-même. Je n’avais aucune chance… Et même si j’en avais eu une, je
ne pourrai pas toujours être là pour une fille… Je vais mourir bientôt, de
toute manière.
Prononcer ces mots à voix haute, ces mots
qui résonnaient avec une telle force, lui fit l’effet d’une étreinte glacée. Il
allait mourir… Ah, quelle farce. Lui qui avait toujours rêvé de mourir dans
les bras d’une jolie fille ! Et non… Il allait crever, le corps
entièrement couvert d’encre. Crever aux pieds de son petit frère qui pleurerait
certainement toutes les larmes de son corps.
Quelle
merde…
- Barman, un autre ! exigea-t-il.
Boire, juste boire, ce soir. Oublier,
tout diluer dans l’alcool, effacer ce destin, effacer ces souvenirs, effacer
cette peur qui lui bouffait la tête. Tout cela, il y repenserait demain…
*
Le docteur Puphead, un médecin qui
travaillait également à l’hôpital, avait fini par rejoindre les deux
infirmières. Il avait embrassé doucement Dovil et salué Fanny avant de
s’installer, ravi d’enfin se changer les idées après une lourde journée de
travail. Tous trois avaient passé un bon moment : la lapine avait
allégrement critiqué chaque client du bar, son amie l’avait gentiment grondé,
bref, une soirée ordinaire et agréable.
Finalement, ils avaient pris la décision
de rentrer chez eux. Dovil était pendu au bras de son petit ami, les joues
délicatement rosies par l’alcool. Tous deux flirtaient gentiment sous le regard
exaspéré de Fanny. Quand ils parvinrent enfin dans la rue de la lapine, cette dernière
hésita un instant, mais elle ne laissa rien transparaître et continua sa route.
Arrivée à sa porte, elle fit un signe de main à sa collègue.
- A demain, ma puce ! lui cria l’oiselle,
heureuse d’enfin se retrouver seul avec son « Pupsy ».
Fanny les salua à son tour avant de
refermer la porte. Son cœur battait fort contre ses tempes. Comment serait-il
ce soir… ? L’infirmière fit taire ses angoisses d’un froncement de
sourcils et s’engagea dans le couloir qui poursuivait son entrée. Elle vit
alors surgir du salon la silhouette imposante de Brute, son mari. Sans
s’arrêter à sa hauteur, elle lui adressa vaguement la parole.
- Salut, chéri.
Fanny se dirigea rapidement vers les
escaliers dans l’intention d’aller se coucher, mais la voix de Brute la
retint :
- Tu ne trouves pas ça bizarre que ce soit
à l’homme de la maison de faire son
propre repas pendant que tu passes la nuit à t’amuser avec ta salope
d’amie ?
Fanny s’enjoignit au calme. Ce n’était
rien, comme remarque, rien de bien méchant. Elle se retourna, circonspecte, et
répondit :
- Hum, je suis à peu près sûr de t’avoir
fait à manger. Tu avais juste à le faire réchauffer.
Brute croisa les bras sur son torse velu
et toisa l’infirmière.
- Désolée, chérie, mais j’ai eu une dure
journée au travail et j’étais trop fatigué pour faire ça.
La lapine ne put retenir un soupir. Elle
était heureuse d’avoir un mari qui avait un travail stable et un salaire, mais,
parfois, elle ne parvenait à le comprendre.
- Je sais, Brutsy, mais j’ai eu une journée
compliquée aussi, alors, si tu n’y vois pas d’inconvénient, j’aimerais me
détend…
Son mari ne lui laissa pas finir sa
phrase. Le visage transfiguré par la colère, il attrapa Fanny par les oreilles
et lui tira violemment la tête en arrière. La lapine poussa un cri de douleur
et de peur mêlées. Il lui faisait mal ! Brute approcha son visage du sien,
dangereux, mauvais…
- Très bien, écoute-moi maintenant, sale
garce ! cracha-t-il. J’ai faim, alors, dans ton intérêt, je veux voir mon
repas servi rapidement, d’accord ?
Fanny se mit à sangloter, terrifiée par
ce nouvel accès de cruauté de son mari. Celui-ci tira d’avantage sur ses
oreilles, obligeant la pauvre lapine à se mettre sur la pointe des pieds.
- J’ai dit, d’accord ? articula-t-il
soigneusement, l’œil fou.
- D’accord, d’accord, s’empressa de
répondre l’infirmière. Laisse-moi…
- Et ne joue plus aux insolentes avec moi,
compris ?
Tremblante, incapable d’articuler un mot,
Fanny ne put qu’hocher la tête. Brute la traîna jusque dans la cuisine en
l’agrippant toujours par les oreilles. Avec une violence inouïe, il la balança
dans la pièce.
- Maintenant, au travail !
gueula-t-il.
Dans sa chute, la tête de Fanny heurta
l’arête du plan de travail. Son arcade sourcilière explosa sous l’impact et le
sang envahit son champ de vision.
Dans un gémissement, l’amie de Dovil se
recroquevilla sur le sol. Elle plaqua ses deux mains contre son œil en espérant
contenir l’effusion de sang. Son mari lui jeta un regard dédaigneux.
- Oh, ça va, tu t’en sortiras, grogna-t-il.
Tu es infirmière, tu te rappelles ?
Il quitta la cuisine en maugréant contre
la faiblesse des femmes. Malgré la douleur qui pulsait de façon lancinante dans
son crâne tout entier, Fanny se redressa. Réchauffer le repas… D’abord
contenter Brute. Après, après, elle pourrait se soigner. Cela ne servait à rien
de pleurer. Pleurer rendait ses gestes plus maladroits.
Alors Fanny sécha ses larmes.
Luttant contre la nausée qui
l’envahissait, la lapine s’occupa du repas. Quand elle eut servi son mari, elle
eut enfin l’autorisation de se retirer.
Sans perdre un instant de plus, Fanny
alla s’enfermer dans la salle de bain. Là, elle put nettoyer la plaie qui se
découpait dans sa fourrure au-dessus de son orbite droit. Ah, sa paupière avait
gonflé… Doucement, avec des gestes rendus fébriles par la souffrance
l’infirmière parvint à bander sa tête. Puis elle planta son regard dans celui,
amoché, de son reflet.
- Ce n’est qu’une petite dispute,
asséna-t-elle à son double de glace. Ça arrive tout le temps, non ? Alors
ressaisis-toi, ma fille. Tu as trouvé un époux avec un travail décent, ce n’est
pas une petite dispute qui va mettre fin à tout cela.
Un éclair de douleur lui arracha une
grimace. La lapine s’agrippa au lavabo, le souffle court. Comme un mantra, elle
répéta cette phrase qui, peu à peu, était devenue sa logique, sa façon de
penser :
- Le mariage n’est pas une question d’amour
et de toute cette merde…
L’infirmière expira longuement. Les
battements de son cœur se calmaient enfin. C’était passé, la crise était derrière
elle. Rien de grave, n’est-ce pas ? Pas de quoi mettre en danger son
couple. C’était vrai qu’elle n’aimait pas Brute, mais quelle importance ?
Fanny songeait doucement, envahie par une
étrange nostalgie. Un jour, oui, un jour… Elle avait connu un homme
qu’elle avait aimé, aimé de tout son être.
Oswald.
Le grand, le magnifique Oswald…
Ah, oui, elle l’avait aimé ! Elle aurait
fait n’importe quoi pour lui plaire ! Mais lui, il avait repoussé son
amour, il avait réfuté ses sentiments. Il lui avait hurlé de le laisser en
paix, hors de lui. Il ne l’aimait pas, il ne l’aimait pas, qu’elle sorte de sa
vie, cette fille qui ne cessait de lui faire des avances ! Alors Fanny,
jeune lapine au cœur encore tendre, avait juré de ne plus se laisser prendre au
piège cruel de l’amour. C’était juste tellement douloureux, tellement plus que
tout ce que Brute ne pourrait jamais lui infliger.
Un soupir gagna les lèvres l’infirmière.
Finalement quelle différence existait-il entre ces deux-là ? Ils
détruisaient tout ce qui était à leur portée…
- Tous les hommes sont les mêmes…
Fanny se détourna de son miroir.
Silencieusement, elle rangea les compresses avec des gestes d’automate. Demain,
elle emporterait ses lunettes de soleil au travail, les plus grandes. Elle
nouerait un fichu autour ses oreilles, aussi. Comme ça, Dovil ne soupçonnerait
rien. Son amie mettrait son accoutrement sur le compte d’une de ses nouvelles
fantaisies. Oui… Tout irait bien.
Et la vie poursuivrait son cours.
2 commentaires:
Mais c'est horrible O_O
Chuis d'accord avec toi O∆O!
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