Bien le bonjour, tout le monde !
Nouvelle carte avec un texte qui est parti dans une direction que je n'avais pas du tout, mais alors pas du tout prévu ! J'espère que cela vous plaira quand même !
Je me suis perdu. Alors que je me
baladais avec mon papa, il s’est éloigné un moment et n’est pas revenu. Je me
suis alors lancé à sa recherche et j’ai fini par m’égarer. Maman devait être
inquiète, mais je ne pouvais pas raisonnablement revenir sans papa. Elle en
pleurerait. Je devais continuer à marcher, au moins un petit peu.
Je sautais lestement au-dessus d’un tronc
d’arbre couché sur le sol. Au moins, la forêt était belle. Entourée d’une
nature si florissante, je ne ressentais même pas la peur. Papa disait toujours
que j’étais trop petit pour m’y aventurer seul. La preuve était que non puisque
c’était lui qui s’était perdu le premier, et non moi ! Ah, les adultes, ça
pense toujours mieux savoir que les autres, même quand ce n’est pas le cas. En
plus, entre nous deux, je suis sûr que c’est moi qui ai le meilleur sens de
l’orientation !
Je fermais un instant les yeux, fatigué
de courir dans tous les sens. Les sons de la nature berçaient mes oreilles.
C’était tellement agréable… Le chant du vent dans les feuilles, les
pépiements lointains des oiseaux, le bourdonnement des insectes, le craquement
de l’écorce des arbres centenaires, l’écoulement discret d’un ruisseau… Un
ruisseau ? Je redressai ma tête, tous sens aux aguets. Ma gorge était affreusement
sèche, un peu d’eau me ferait le plus grand bien !
Je me remis en route, me fiant au bruit
léger et rafraîchissant de l’eau. Je ne m’étais pas rendu compte jusqu’alors
que j’étais assoiffé. Même ma langue semblait lourde, comme si elle avait pris
la consistance d’un morceau de bois. Le désir de m’hydrater me poussa à
accélérer ma course. Cette envie, depuis que je l’avais réalisée, se faisait de
plus en plus pressante. Qu’est-ce que j’avais soif ! J’en étais même
étonné. Comment n’avais-je pas pu m’en rendre compte avant ?
Enfin, entre les fleurs exotiques aux
couleurs extraordinaires, émergea l’éclat d’un ruisseau doré par la lumière du
jour. Je m’y précipitais, heureux comme jamais. Enfin ! Pendant un moment,
j’ai bien cru que je n’allais jamais parvenir à destination. Je m’agenouillai
pour recueillir le précieux liquide. Mais, alors que je m’apprêtai à laper
cette denrée précieuse, quelque chose attira mon œil. Je ne saurais dire ce que
c’était exactement. Un flottement, peut-être, comme un fragment de matière
floue qui se meut dans l’atmosphère accompagnée d’un courant d’air froid
enroulé autour de tes os. Je me relevai, enchanté par cette sensation. Et c’est
là que je le vis.
Dans un creux de la terre, comme si elle
s’ouvrait d’elle-même pour m’inviter, se dressait une silhouette féline. Une
silhouette opalescente, presque… fantomatique. A moins que cela ne soit vrai.
En scrutant attentivement la forme, je me rendis compte que j’étais capable de
distinguer ce qui se trouvait de l’autre côté. Un spectre ? Stupéfait,
complètement subjugué par cette vision, je m’en approchai. A mesure que
j’avançais, les détails se précisaient et s’offraient à mes yeux écarquillés
avec une netteté effrayante. Je parvenais maintenant à distinguer sans fausse
note la robe opaline d’un lion dans toute sa splendeur. Il avait une crinière
absolument magnifique…
Il tourna lentement sa tête imposante
vers moi et planta son regard majestueux dans le mien. Ses yeux étaient emplis
d’une sagesse racée qui me coupa le souffle. Cet animal ressemblait à une
sentinelle de la nuit des temps, veillant sans relâche sur l’humanité depuis
les espaces secrets de sa forêt. L’apparition me fit soudain signe de
m’approcher. Intimidé, je n’osais désobéir. Mes parents m’avaient toujours dit
de ne pas obéir à des inconnus, surtout s’ils prenaient le trait
d’hallucinations, mais c’était le seul point sur lequel nous avions toujours
été en désaccord.
Après tout, les fantômes ne m’avaient
jamais causé de mal. Pas volontairement, tout du moins.
Je vins m’asseoir près de l’immense
félin. Dans une attitude respectueuse, je perdis mon visage dans son pelage
évanescent comme de la fumée blanche. Cela sembla lui plaire. Il me demanda de
venir plus près de lui. Il n’avait pourtant pas prononcé un seul mot, mais je
savais qu’il le souhaitait. Je vins me loger dans le creux de ses pattes, le
dos appuyé contre son ventre et son torse. Son corps était froid, mais ce
n’était pas désagréable.
Des sensations étranges se mirent à
courir dans mes chairs. Des frissons de joie et de tristesse. Des papillons de
solitude et des parfums de vieillesse. J’en avais les larmes aux yeux. Sans
échanger de paroles, le lion et moi étions entrés en communion. Je sus très
vite que je ne pourrais pas de nouveau le laisser seul dans cet antre végétal.
Que j’allais demeurer à ses côtés et que lui resterait aux miens. Il n’y avait
aucune autre voie que nous puissions envisager.
Alors, tout simplement, je suis demeuré
ici, jusqu’à devenir les racines de cet endroit, sa terre, son eau, son ciel et
son vent. Je suis incorporé au monde sans plus jamais songer à ma vie passée.
Aujourd’hui, cela fait des millénaires que nous sommes ensemble et je commence
à me demander ce qu’il est advenu de mon père. A-t-il pu retrouver le chemin
vers les bras de ma mère ? Ont-ils pleuré de absence ? Je n’en suis
même pas sûr.
Après tout, c’était mon père qui m’avait
abandonné en pleine forêt. C’était lui qui m’avait déposé sur le sol avec ce
bol de nourriture et ce récipient d’eau. J’ai tout renversé en essayant de le
rattraper, mais il était déjà parti. Je me suis berné alors moi-même de paroles
pour faire croire à mon esprit torturé qu’ils reviendraient me chercher, qu’ils
m’aimaient autant que je les aimais et que tout cela n’était qu’un affreux oubli.
J’ai enfin compris que c’était faux.
Le lion m’a trouvé. Ensemble, dans cette
forêt baignée de lumière, nous avons vécu heureux. Alors, je pense que je peux
pardonner et de nouveau aimer.
Marine Lafontaine
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