Bien le bonjour, tout le monde !
Aujourd'hui, carte un peu spéciale car elle signale notre entrée dans l'ère des nombres à deux chiffres ! Hé oui, ça y est, nous y sommes, c'est la dixième carte ! En espérant que vous l'apprécierez, je vous laisse à votre lecture…
Aujourd’hui, mon ampoule est morte. Ou
bien hier. Cela doit paraître idiot, une ampoule, et c’est vrai que cela n’a
pas vraiment d’importance en soi. L’objet n’a guère de signification pour moi.
Mais ce n’était pas le cas du petit
magicien qui vivait à l’intérieur.
Si j’avais été un cliché, je pense que
j’aurais été une pauvre fille de conte de fées. Une petite vendeuse d’allumette
paumée, une gamine que les parents ont choisi d’abandonner dans un cabanon. Une
enfant qu’on préfère laisser et partir. Je ne sus jamais vraiment pourquoi mes
parents avaient décidé d’agir ainsi. Pourquoi ils ont emporté les autres petits
et ils m’ont laissée seule. Mais c’était ce qui s’était passé.
Je me suis réveillée un matin et toute ma
famille avait disparu. J’étais seule, dans le grand lit que je partageais avec
mes frères et sœurs, dans cette minuscule baraque perdue au cœur des bois. Mon
père, ma mère, tous les autres… Ils s’étaient volatilisés.
Je n’ai pas ressenti de tristesse, juste
une immense, écrasante et écœurante solitude. Je me suis mise à vivre sans
l’aide de personne, mais comment une fillette de dix ans peut-elle survivre
toute seule ? J’ai essayé, pourtant. J’ai nourri nos chèvres, j’ai cultivé
le potager, j’ai même réparé le toit. Mais mes mains étaient petites et mes
bras faibles. Je ne savais pas manier une houe correctement, ni traire les
chèvres et j’ignorais où mon père rangeait ses outils.
Je ne pouvais pas me qualifier de
personne vivante. Je mourrais à petit feu. Mes parents, en m’abandonnant si
cruellement, m’avaient infligé le pire des supplices. J’ai pourtant tenté de
survivre, j’ai vraiment essayé ! Mais, quoique que j’ai pu faire, je n’y
suis pas parvenu. Alors, j’ai peu à peu sombré dans une apathie poisseuse.
Jusqu’à ce qu’une lueur me tire de ma
souffrance. J’étais allongée sur mon lit, ce lit bien vaste pour une personne,
quand un éclat a attiré mon œil. Sur une étagère, une lumière venait de naître.
Je suis montée sur une chaise pour pouvoir l’observer de plus près, curieuse.
Ne pouvant parvenir à la bonne hauteur, je me suis mise sur la pointe des pieds
et j’ai tendu la main afin de la recueillir. Quelle n’a pas été ma surprise
quand j’ai compris ce qui émettait cette étrange petite chaleur…
A l’intérieur d’une ampoule plus grosse
que la paume de ma main, il y avait un être minuscule qui tenait entre ses
doigts une sorte de soucoupe où brûlait une bougie. Il était vêtu d’un manteau
étoilé avec de gros boutons dorés et d’un chapeau pointu décoré de semblables
motifs stellaires. Et il me souriait tendrement, comme s’il m’avait attendue,
non… Comme s’il était né pour moi. Je n’avais vu de visage humain depuis bien
des mois, à ce moment-là… Alors j’ai fondu en sanglots amers.
J’ai pleuré des heures durant en serrant
contre moi ce petit magicien. Lui, il s’était assis, tenant toujours sa bougie
à deux mains, tout en chantant. Peut-être était-ce une berceuse car je me suis
endormie, apaisée, épuisée.
Le lendemain, tout a recommencé. J’ai mis
à terre le sablier gelé et j’ai piétiné le bloc figé pour que le sable
s’éparpille de nouveau. J’ai accroché l’ampoule à un cordon de cuir pour le
porter en collier. Et, avec le petit magicien, j’ai repris ma vie. Même si je
ne parvenais pas à l’entendre, mon tendre ami me parlait tout le temps. Avec de
grands gestes et des sourires, il m’indiquait certaines choses, me prodiguait
des conseils. Ensemble, nous avons réparé cette vieille maison et mis à l’abri
nos chèvres du froid de l’hiver naissant. Puisque j’avais un peu de place, nous
nous sommes mis à faire pousser des pommes de terre à même le plancher de la
maison, en ramenant de la terre de la forêt afin de créer un nouveau jardin.
J’ai même grossi ! Je n’y croyais
plus. Mon magicien m’a paru très heureux de cette nouvelle, lui aussi. On en a
ri beaucoup. Je n’avais plus besoin de famille, je n’avais même plus besoin de
pays. Tant que j’avais ce petit être avec moi, je pouvais affronter le monde
entier. Et j’ai cru alors que ce bonheur durerait jusqu’à la fin.
Sauf que cette fin est arrivée bien plus
tôt que je ne l’aurais cru. Un jour, j’ai remarqué que la flamme de sa bougie
s’était amenuisée. Mon petit magicien lui-même semblait très fatigué. J’ai bien
essayé de lui parler, inquiète, mais nous ne parvenions toujours pas à entendre
la voix de l’autre. Il tenta bien de m’expliquer son malheur, mais aucun son ne
me parvenait. Je lui indiquai que j’allais briser son ampoule car je crus que
c’était là le seul moyen de le sauver.
Mais il me l’interdit.
Alors je l’ai vu dépérir. J’ai essayé de
l’aider du mieux que je pouvais en lui parlant, lui souriant. J’ai même dansé
avec lui, mais rien n’y fit… Un matin, il s’est éteint, en même temps que
sa petite bougie. Pourquoi m’a-t-on donné cette fée d’ampoule si c’était pour
me la retirer aussi vite ?
J’ai délicatement effeuillé le verre de
l’ampoule pour tenir dans le creux de ma paume le petit corps. Mon magicien
semblait dormir doucement comme un enfant sage. J’ai pleuré, de nouveau, et mes
larmes ont recouvert le vêtement étoilé de mon ami. Je me suis roulé dans un
creux de matelas, abasourdie de douleur, étourdie et engourdie par la perte. Je
suis demeurée immobile dans le noir, les yeux écarquillés, les mains serrées
autour du magicien, liées l’une à l’autre par mes doigts entremêlés.
Au matin, il n’existait plus aucune trace
de mon minuscule sauveur. Je n’ai pas pleuré. Pourtant, j’aurais voulu hurler,
me débattre, tout fracasser. Mais je n’ai rien fait.
On a frappé à ma porte. Je ne sais pas où
j’ai tiré la force de lever mes membres plus lourds que le plomb. J’ai écarté
le battant.
Marine Lafontaine
2 commentaires:
mon préféré...
Merci Sonia !:)
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