jeudi 8 juin 2017

CARTE 16, FANTAISIE FANTOME

Bien le bonjour, tout le monde ! 

Cela faisait longtemps qu'on n'avait pas eu de carte Dixit, n'est-ce pas ? Celle d'aujourd'hui est l'une des préférées du créateur du jeu, Jean-Louis Roubira. Comment je le sais ? Hé, hé… Je vous le dirai une prochaine fois, cela ! 

Pour le moment, je vous laisse découvrir la carte tirée de la dernière extension, la septième. Bonne lecture… 



Depuis mon plus jeune âge, je suis fasciné par les dinosaures. A mes yeux, il n’existe pas de créatures plus extraordinaires ! Tout est incroyable, chez elles ! Dire que ces êtres étaient le premier pas de l’évolution est une sornette. Ils sont au sommet de tout ! Ah, si seulement cette maudite comète n’avait pas percuté la terre… Mais je vais changer tout cela !

C’est en visionnant le chef d’œuvre de Robert Zemeckis que l’idée m’est venue, il y a des années de cela. Pourquoi je ne construirai pas une machine à voyager dans le temps afin d’empêcher cette monstrueuse catastrophe ? Impossible, dîtes-vous ? Sûrement ! Mais je suis d’un optimisme à toute épreuve ! Et quand j’ai une idée derrière la tête, impossible de l’avoir ailleurs, comme on dit.

J’ai consacré ma vie à cette soit disant rêverie utopiste. On m’a de nombreuses fois demandé de renoncer. De très… nombreuses fois. Mais, rien à faire. Plus je vieillissais, plus mon désir de rencontrer de véritables dinosaures croissait. Monter sur le dos d’un Barosaurus, contempler le vol d’un Dimorphodon, jouer avec un Mussaurus, avoir la possibilité d’assister à une course de Syntarsus… Ah… Rien que d’y penser, ça me met en émoi !

Et comme quoi, j’ai bien fait de ne jamais renoncer. Car j’y suis arrivé. Ce message en est la preuve la plus probante. Au bout de longues, très longues années de recherche, j’y suis parvenu. J’ai perdu tous mes amis, dilapidé ma fortune, vendu mes biens les plus précieux. Mais je sais que tous ses sacrifices ont été récompensés. Alors… Qu’importe. Toute ma vie durant, j’ai fait ce que j’ai aimé. Vous pouvez donc continuer à me traiter d’illuminé si cela vous chante. Je sais que j’ai apprécié chaque jour de mon existence. Pouvez-vous en dire autant ?

Sans en parler à personne, j’ai entamé alors une formidable chevauchée du temps. De toute manière, à qui aurais-je pu en parler ? Mon propre père m’a renié… C’est bien dommage pour lui. Qu’il demeure planqué dans ses chantiers de fouille. Moi, je vais voir pour de vrai ce monde perdu qui me fait tant fantasmé.

Qui m’avait fait tant fantasmé…

Si j’écris ce message aujourd’hui, c’est parce que ma machine a fonctionné. Pour être foncièrement honnête, elle a même marché à merveille. Je suis, à l’heure actuel, un dinosaure. Un splendide Deinonychus, pour être précis, à la robe cuivrée avec des motifs absolument incroyables. Comment je le sais ? Grâce à mon téléphone ! Hé oui, j’ai réussi à emporter ce bijou de technologie avec moi. Mes tissus organiques ont évolué afin de s’adapter à l’époque dans laquelle je me rendais, mais mon smartphone est demeuré intact, fort heureusement. Cela m’a permis de prendre des photos d’enfer ! J’avais tellement hâte de les montrer à mon père… 

Cependant, j’ai un peu menti quand j’ai affirmé que ma machine avait parfaitement fonctionné… Je ne suis pas remonté assez loin dans le temps. En réalité, je ne suis arrivé que trois jours avant le crash de la comète. Autant dire que mes plans pour tenter de la dévier sont complètement compromis. J’aurais bien voulu faire un autre saut dans le passé, mais la machine est tombée en panne de carburant. C’est tellement idiot que j’en ai ri pendant des heures. Sûrement un coup de Dieu qui n’avait pas envie que je joue moi aussi aux créateurs…

Puis j’ai baissé les bras. Revenir était impossible ? Hé bien, alors, ainsi soit-il. Je vais mourir avec les dinosaures. Mais je voulais laisser ce message tout de même. Ce téléphone, je l’enterre profondément dans un sachet plastique afin qu’on puisse un jour le retrouver. Si j’ai atterri exactement au même endroit que celui où j’étais au départ, alors, d’ici quelques millions d’années, mon lieu d’atterrissage deviendra mon jardin. Je l’espère… Parce que cela voudra dire que j’ai encore une chance.

Hé, à moi-même, d’une autre ligne temporelle… Le rêve qu’on a partagé était absolument génial. Si tu as réussi à récupérer les données de cet appareil, alors peut-être as-tu trouvé les photos. Je suis magnifique en dinosaure, n’est-il pas ? Alors, toi, que vas-tu faire ? Tu vas suivre mon chemin ou tu vas en emprunter un autre ? Je n’aurai jamais la réponse, mais penser que tu es prévenu me suffit.

Signé, Henri Ostrom

J’effaçai le message, sourcils froncés. Mais qui était donc cet illuminé qui se faisait passer pour mon fils ? Je trouvais la farce de très mauvais goût.

Je me levai et indiquai rapidement à mes collègues que je rentrai à la maison. Je quittai le bureau sans un regard en arrière. Au passage, je jetai le téléphone dans une poubelle. Mon fils ? Voyager dans le temps pour rencontrer des dinosaures ? Quand l’absurde n’a pas de limite…

Le temps était doux dehors. On sortait enfin de ce pénible hiver ! J’avais hâte de voir de nouveau les fleurs sortir de terre. J’allais enfin repartir sur certains sites pour effectuer de nouvelles fouilles. J’avais hâte…    

En passant devant un magasin de jouets, je fus interpellé par des figurines en plastic. Des dinosaures… ? L’un d’entre eux était en train de se prendre en photo avec un téléphone. Il souriait à l’objectif en dévoilant sa large dentition. Quelle étrange coïncidence avec le message complètement fou que je venais de lire ! Sans réellement savoir pourquoi, j’entrai dans la boutique et achetai le jouet.

Pourvu qu’il plaise à Henri…

Je rentrai rapidement à la maison. Ma femme travaillait tard aujourd’hui, mais la nounou était restée s’occuper du petiot. Quand elle me le mit dans les bras, j’embrassai avec amour cette adorable bouille et lui donnai la figurine.

Ma femme posa sa main sur mon bras. Je parlai encore tout seul, me disait-elle. Nous n’aurions pas du garder l’urne, disait-elle. Pourquoi achètes-tu encore des jeux, disait-elle. Je ne sais pas…

Ah… 

J’aurais aimé que la farce prenne vie… Juste pour voir mon garçon grandir, devenir vieux et fou. 

Marine Lafontaine

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