mardi 1 juillet 2014

FICTION PARTICIPATIVE, CHAPITRE 7

 Le chapitre 7 est enfin arrivé !


 
Plusieurs jours étaient passés depuis cette série d’évènements agités. Finalement délivrée et congédiée, Marlyne s’était retrouvée à la rue, sans but et sans biens, désœuvrée et complètement hagarde. Dania s’était sentie prise de pitié pour elle et avait demandé sans détour à Arzhel de la prendre à son service. Des “S’il te plaît, s’il te plaît, s’il te plaît…” geignards avaient cassé les oreilles de tous les habitants du domaine jusqu’à ce que le maître des lieux cède, usé.
Marlyne avait donc été enrôlée, bon grès, mal grès. Elle n’avait révélé aucun talent particulier, si bien que le vampire avait renoncé à l’inclure dans le harem. Sa cuisine était limitée et elle avait refusé de s’abaisser, selon ses propres dires, au rang de femme de ménage. Mais, curieusement, elle savait lire, écrire et possédait apparemment une culture plutôt fournie.
-                Allez, hop, c’est décidé ! Tu t’es infiltrée ici en tant qu’almée, alors almée tu resteras !
La nymphe n’avait pas eu réellement le choix, mais ne s’en plaignait pas. Elle donnait depuis lors une à deux heures de cours aux femmes du harem. Arzhel en était satisfait ; cela lui faisait un problème de réglé. Le suivant était autrement plus épineux et tenait en un nom : Jack.
Soit cet individu était le meilleur menteur que la terre n’est jamais porté, soit il croyait en ses propres bobards et, l’un dans l’autre, cela ne plaisait pas au vampire. Autre solution, et pas des moindres, il lui disait la vérité quand il prétendait ne pas comprendre comment il avait atterri dans sa cuisine, et ledit problème prenait alors une toute autre dimension.
-                Il m’énerve, il m’énerve, il m’énerve… 
Assis à son bureau, son pot de griottines sur les genoux, le vampire les mangeait une à une sans s’interrompre, tout en maugréant à propos de Jack qu’il ne parvenait à cerner. Soupirant, Arzhel finit par repousser le bocal qui lui faisait de l’œil et fixa le plateau de son bureau tout en ruminant.
-                Je devrais m’en débarrasser, comme ça, je serais plus tranquille… Mais en même temps, je déteste qu’on me prenne pour un idiot et j’ai la singulière impression qu’il se paie ma tronche !
Un croassement sonore lui répondit. Le vampire jeta un regard courroucé au corbeau (encore une lubie de Dania) qui avait osé lui répondre de
puis son perchoir doré. 
-                Toi le poulet, tu la boucles. J’ai rien contre un peu de sang de piaf, alors fait gaffe.
On frappa alors à sa porte.
-                Entrez !
Torja poussa le battant.
-                Je vous ai amené Jack, comme vous l’aviez demandé, indiqua-t-il de sa voix sans âme.
-                Merci, tu peux nous laisser.
-                Bien.
Son secrétaire poussa devant lui le jeune homme. Celui-ci lui jeta un regard courroucé avant de se tourner vers son interlocuteur. Ce dernier lui fit signe de s’asseoir d’un mouvement de tête. 
-                Bien, Jack, jouons cartes sur table, je ne sais pas quoi faire de toi.
-                … OK, répondit l’intéressé, ne semblant pas savoir quoi dire d’autre.
-                Comment tu as perdu ton doigt, au fait ?
-                Le couteau a ripé alors que je me découpais du salami.
-                Menteur ! aboya le vampire.
Jack sursauta à peine sous la brusque hausse de ton. Il posa sur Arzhel un regard assez froid.
-                Ça ne vous ai jamais venu à l’esprit que je n’avais envie de vous le dire ?
-                Pas vraiment non, répondit le vampire, moqueur. Maintenant, tu vas être prié de me dire la vérité.
-                Sur mon doigt ?
-                Sur ce que tu fais ici, sinistre idiot, siffla le maître des lieux.
-                Sinon ? le provoqua le jeune homme.
-                Crois-moi, tu n’as pas envie de le savoir.
Jack se rencogna dans son siège. Fichu ancêtre avec un sixième sens. Mais pouvait-il réellement lui dire ? Lui-même n’y comprenait pas grand chose…  Arzhel le rappela brusquement à l’ordre en claquant ses paumes sur le plateau de son bureau.
-                On ne rêvasse pas ! Alors, d’où viens-tu ?
-                Etats-Unis, répondit du tac au tac le jeune homme.
-                Quoi ?
-                Etats-Unis.
-                Etrange nom pour une ville.
-                … 
-                Bon, suivant. Comment t’appelles-tu ?
-                Jack.
-                Nom complet !
-                Jack Richemont.
-                Menteur.
-                Lafontaine ?
-                Menteur. Troisième et dernier essai. Nom complet.
-                … Cadillac.
Un silence pesant frappa le bureau. Arzhel fronça les sourcils.
-                Je connais les Cadillac, il n’y a aucun Jack parmi eux.
-                Et pourtant.
-                … Bon, tu n’as pas l’air de mentir. Qui est ton père ?
-                Richard Cadillac…
“Encore un nom inconnu, songea le maître des lieux. De plus en plus étrange, je suis sûr d’à peu près connaître tous les membres de la famille de ma fiancée, pourtant…”
-                Tu serais donc un Cadillac… 
-                Ouais… 
-                Tu vis au domaine familial, en Dordogne ?
-                Pas du tout.
-                Les Etats-Unis sont un village des alentours ?
-                Heu, non… 
-                Hum ?
-                Non, rien. Heu, Arzhel, si je vous dis un truc complètement dingue, vous allez me croire ?
-                Je pense être bien placé pour savoir que les trucs dingues existent, répliqua le vampire avec suffisance.
-                Bien, alors, en fait… Je suis votre descendant.
Un silence pesant frappa le bureau. Arzhel se massa les tempes. D’accord, d’accord… Oui, il était bien placé pour savoir que “les trucs dingues”, ils existaient. N’en était-il pas le parfait exemple ? Mais que ce gamin soit son propre descendant, venu d’un âge plus ou moins lointain… Là, il avait du mal.
Pourtant… 
-                Arzhel… Vous le savez, non ? Je ne vous mens pas.
-                Tu n’en as pas l’air, en effet.
-                Je vous la vérité. J’ai atterri ici sans le vouloir, alors que je contemplais un portrait de vous.
-                Un portrait de moi ?
-                Oui. Un membre de ma… enfin, notre famille me l’a, hum… comment dirai-je… Donné ? Ouais, il me l’a donné et je l’ai mis dans ma chambre. 
-                Un tableau… Etrange.
-                De quoi donc ?
-                Je n’ai jamais fait faire un portrait de moi. J’ai promis à Dania de poser avec elle le jour de nos fiançailles.
Jack cligna des yeux, surpris.
-                Vous voulez dire que… murmura-t-il.
-                Ah, tu ne l’avais pas remarqué ? s’amusa Arzhel. Dania, Cadillac Dania. Ton… ancêtre, je présume.
-                Mais… Elle est vraiment jeune.
-                Ça te choque ?
-                Je suis surpris, pas choqué, répliqua le jeune homme en fronçant les sourcils.
-                Hum… 
Alors ce satané gamin serait son descendant. Etait-il un vampire, lui aussi ? Il n’en avait pas l’impression. Il choisit alors de garder sous silence sa véritable nature. Maintenant, le tout était de savoir ce qu’il allait faire de lui… Car, bien qu’ils soient apparemment liés, Arzhel ne ressentait pas d’attachement spécial envers ce jeune homme qui, pour le moment, l’encombrait plus qu’autre chose.
-                Bon, la question est maintenant de savoir comment tu retournes chez toi, soupira le maître des lieux.
-                Dis-le tout de suite si je suis un boulet, émit froidement Jack, soudainement passé au tutoiement.
-                Tu es un boulet.
-                Sympa…
-                Soyons honnêtes, Jack. T’as atterri ici je ne sais comment, alors maintenant, tu vas me faire le plaisir de déguerpir. Je n’ai pas besoin d’hommes dans mon harem.
-                J’aimerais bien repartir, rétorqua Jack en se levant, furieux. Mais je n’ai pas la moindre idée du comment dans l’histoire, alors ce n’est pas la peine de me prendre de haut ainsi !
Tous deux se défièrent un moment du regard. Ils allaient se lancer dans une dispute des plus houleuses quand Torja apparut miraculeusement.
-                Arzhel, les clients sont arrivés, ils vous attendent.
-                T’ch ! Très bien, j’arrive, bougonna le vampire. Et toi, reprit-il en pointant son descendant du doigt, on reprendra cette conversation demain !
Le Cadillac lui répondit par un grognement de mécontentement, mais laissa couler. Il sortit du bureau à la suite du vampire et s’enfonça dans la demeure, ayant peu envie d’être mêlé aux affaires de son ancêtre. Il se rendit dans le jardin qui était vide de présence à cette heure. Dans un soupir d’aise, le jeune homme s’assit sur un banc, ombragé délicieusement par un lilas fleuri. Il se demanda vaguement s’il y avait des coyotes dans le coin. Ceux de son domaine lui manquaient cruellement… 
-                J’espère qu’Aron ne s’inquiète pas trop, murmura-t-il. Et papa doit être au courant maintenant. Hum, ça va chauffer pour mon matricule en rentrant !
Deux pieds apparurent alors dans son champ de vision. Jack releva la tête et son regard accrocha celui de Marlyne. Il fronça les sourcils à sa vue.
-                Qu’est-ce que tu veux ? lui demanda-t-il avec froideur.
La nymphe fronça les sourcils à son tour.
-                On te dit ouvert en règle général.
-                J’ai du mal avec les personnes qui s’amusent à prendre les gens en otage.
-                Je ne l’ai pas fais pour m’amuser ! se rebiffa Marlyne.
-                Oui, oui, ce ne sont pas mes affaires… Sinon, qu’est-ce que tu fiches ici ?
La nymphe ne répondit pas. Elle finit par se laisser tomber sur le banc aux côtés du jeune homme et marmonna quelque chose qu’il ne saisit pas.
-                Qu’est-ce que tu dis ? grogna Jack, agacé par son comportement.
-                Je te présente mes excuses, voilà, heureux ?! Te prendre en otage était une action stupide, mais je n’avais pas d’autres moyens… Je suis désolée de t’avoir mêlé à mes histoires, ajouta-t-elle dans un murmure.
-                … Je peux te poser une question ?
Marlyne releva la tête, surprise.
-                Heu, oui, si tu veux.
-                … Que cherchais-tu ?
-                Ah ça… Hé bien… - elle sembla hésiter, mais, après tout, se confier ne pouvait que lui faire du bien. Il y a deux ans, un fabuleux rubis a été volé à ma famille. Dans notre clan, nous sommes les gardiens de cette relique. C’est pourquoi on m’a choisi pour que je parte en quête de notre pierre ô combien précieuse. Après tous ces efforts, toutes ces recherches, je parvines à savoir qui l’a entre ses mains.
-                Arzhel… n’est-ce pas ?
-                Oui, acquiesça-t-elle. Mais pour rénover sa stupide bâtisse, cet enfoiré a vendu mon rubis ! Jamais je ne pourrai le retrouver…
Elle en avait les larmes aux yeux. En proie à une violente colère, la jeune femme faisait de son mieux pour refouler ce sentiment qui l’étranglait. Elle sentit alors une main se poser sur son bras et releva les yeux. Jack lui offrit un beau sourire.
-                Tu devrais retourner auprès des tiens, Marlyne… Après tout, je n’ai pas vraiment l’impression que le rôle d’almée te plaise !
-                Comment tu peux dire ça ? répliqua la nymphe, mordante.
-                J’en parlais avec Jaide, l’autre jour. Elle me disait que tu n’avais pas l’air bien à l’aise dans ce rôle-là… 
La nymphe demeura silencieuse un moment.
-                Je ne veux pas rentrer, chuchota-t-elle.
-                Comment ?
-                Je ne veux pas rentrer. Je ne veux pas retourner dans ce clan. Et même si je ne suis pas encore habituée à ma nouvelle condition… J’aime ce que je fais aujourd’hui.
Jack ria un peu, amusé par sa réaction. Il fit courir deux doigts sous le menton de la nymphe et lui adressa un sourire charmeur.
-                Je ne doute pas que tu es un excellent professeur… 
Marlyne ne se recula pas, surprise. Mais, alors qu’elle ouvrait la bouche pour dire quelque chose, des cris déchirèrent l’atmosphère. Ils provenaient de la cour intérieure ! jack et Marlyne se levèrent d’un bond et, sans même plus réfléchir, ils se mirent à courir. Quand ils débouchèrent à toute allure dans la cour, ils découvrirent un spectacle qui les laissa sans voix.
Dania était à genoux dans une mare de sang. Le liquide à l’odeur douceâtre imprégnait sa robe, mais la jeune comtesse s’en moquait. Son visage était ravagé de larmes. A terre reposait un corps avec une lame, une lame fichée dans la poitrine.
-                Ouvre les yeux ! suppliait la jeune fille. Respire, respire, bon sang !
On venait de poignarder Arzhel en plein cœur. 

Marine Lafontaine
La suite prochainement ! 

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