dimanche 15 février 2015

One-shot de St Valentin

Bonsoir tout le monde !

A l'occasion de la Saint Valentin, la célibataire que je suis a décidé de ne pas se laisser abattre et de partager avec tous un petit one-shot basé sur mes tourtereaux préférés.

Il s'agit de trois scènes de rencontre qui mettent en scène Gabrielle, Lizzie, Cinaed, Ael, Azela et Nathanaël, les héros de Eros et Thanatos. Je vous conseille d'avoir lu le roman avant de vous attaquer au one-shot, surtout qu'il contient pas mal de spoils.

Je n'ai plus qu'à vous souhaiter une très bonne lecture…

Une année, dans un lycée vide de passé… 

-                J’y vais, Nat’ !
Ael repoussa le portail du jardin de son ami et le salua d’un large signe de main auquel répondit timidement le jeune homme. Le lycéen se mit à courir dans les rues encore ensommeillées de Honeda, soucieux d’arriver à l’heure pour cette nouvelle rentrée qui annonçait des années plus calmes et colorées que celles tout en vrac de sa vie collégienne.
Alors qu’il arrivait en vue d’un imposant bâtiment, il fut accueilli par la rumeur bruissante de vie des étudiants agglutinés devant les grilles. L’adolescent sentit une soudaine nervosité gigoter dans sa poitrine et il ralentit le pas. Voilà un nouveau monde qui s’ouvrait devant lui… Un monde où il n’était qu’Ael, et pas Ael, le gamin instable qui jouait des poings, ni Ael, le pote du gars qui aurait tué sa sœur.
Il s’avança d’un pas timide et intimidé dans la cour de récréation, impressionné malgré lui par l’immensité du lieu où régnait une activité de fourmi. Un peu perdu dans l’œil de cette tumulte juvénile nouvelle, Ael demeura un moment bras ballants, tentant de prendre quelque repère dans ce décor étranger. Alors qu’il s’apprêtait de nouveau à se mettre en marche, un rugissement le cloua sur place.    
-                Gabrielle !!
Un rire de nymphe libertine fit écho à la voix masculine. Ael vit alors bondir près de lui un être aux cheveux roux coupés courts. Il capta, le temps d’un instant, un regard pétillant de vitalité et perçut l’éclair blanc d’un sourire. Il sentit son cœur rater un battement à la vue de cette apparition qui, déjà, s’éloignait de son pas mi courant, mi sautillant.
Sa silhouette fut bien vite masquée par la venue d’une personne à la carrure masculine. Le satyre à visage humain abandonna la poursuite de la nymphe, visiblement fatigué de cette course inutile, et passa une main agacée dans ses cheveux blonds. Il dut sentir sur sa nuque le poids du regard d’Ael car il se tourna vers lui, un sourcil haussé et un sourire moqueur gravé sur le coin de sa lèvre. Un fumet de feu de bois enveloppa alors les sens du nouvel élève. C’était étrange, les traits de cet inconnu ressemblaient à ceux de la fuyarde… 
Ael ressentit un curieux fourmillement à l’intérieur de son ventre, comme un frisson de chaleur diffus. Troublé plus que de raison par cet homme à la boucle d’oreille en forme de griffe, l’adolescent décida de s’éloigna le plus rapidement possible pour tenter de se défaire de l’étrange attraction qui l’habitait.  
-                Hé, le vilain petit canard !
Cette interjection provenait évidemment de l’inconnu. En une seconde, la drôle de sensation s’évanouit, chassée par un profond agacement. Ce type… Il venait tout juste d’arriver et, déjà, il le prenait pour cible ? Ce n’était pas parce qu’il portait de grosses lunettes qu’il se laissait marcher sur les pieds ! Ael fit alors volte face et planta son regard dans celui de son adversaire auto proclamé.
-                Quoi, l’affreux crapaud ?
Il le vit écarquiller les yeux, ne s’attendant visiblement à ce qu’on lui réponde sur ce ton. Satisfait de son petit effet, Ael s’éloigna d’un pas tranquille. Pour qui il se prenait, celui-là ? “Jamais je ne pourrai être ami avec un type pareil ! Quel con…”
Comment aurait-il pu se douter qu’il venait d’ouvrir la page sur une telle histoire d’amour ?

Une autre année, dans une maison construite sur des cendres de poussières… 

-                Allez, s’il te plaît, Nestor !
-                Non, Lizbeth. Je préfère gérer ça seul.
-                Mais elle va peut-être être ma nourrice ! J’ai envie de savoir avec qui je risque de passer mes journées !
-                Il vaut mieux éviter le contact au maximum. je suis trop souvent absent, il faut que quelqu’un soit là pour que tu puisses te nourrir, je le sais bien, mais imagine qu’elle te découvre et te dénonce… 
-                Je serai prudente, promis, promis, promis !
Lizzie joignit ses mains d’os dans une attitude de supplique qui fut loin d’attendrir son tuteur.
-                Non, c’est non, asséna-t-il.
Il claqua la porte sur ses mots, comme pour leur donner plus d’impact et les imprimer dans le crâne d’oiseau de sa protégée. Celle-ci étouffa un cri de rage alors qu’elle se laissait tomber de dépit dans son lit. Bon sang, elle n’avait jamais rien demandé à Nestor ! Même quand elle n’était encore qu’une enfant, jamais elle n’avait osé quémander ne serait-ce un jouet ou un câlin.
A quoi cela aurait-il servi, de toute manière ? J’ai la mort au bout des doigts… 
Elle entendit une voix féminine résonner dans la maison. Se redressant, Lizzie s’approcha d’un pas hésitant de la porte. Une fille… ? Quelqu’un de son âge ? A quoi ressemblait-elle ? Est-ce qu’elle avait des points communs avec Azela ? Elle allait dans le lycée de la ville ? Une famille ? Est-ce qu’elle en avait ?
Une cri étranglé lui échappa quand le battant se mit soudain à se décomposer sous ses yeux. Elle avait dû l’effleurer sans s’en rendre compte. Le couloir s’ouvrait dorénavant devant elle, mais jamais il ne lui avait paru aussi grand.
-                Si ça, ce n’est pas un signe, murmura l’adolescente.
Timidement, elle effectua un pas hors de sa chambre. Quand elle parvint enfin à l’escalier, elle s’arrêta un court instant, tiraillée entre sa curiosité et sa peur de l’inconnu. Mais très vite, avant même qu’elle-même de s’en rende compte, elle s’était mise à descendre les marches avec une extrême prudence pour ne pas faire grincer le bois sous ses pieds nus. Elle pouvait percevoir des voix dans le salon. Prenant garde à ne pas être vue, Lizzie se glissa dans la pièce, dissimulée derrière les paravents qui lui offraient un couloir protecteur rassurant. Entre deux battants, Lizzie trouva une interstice où glisser son regard instigateur.
De là où elle se trouvait, elle ne pouvait percevoir qu’une chevelure flamboyante coupée court, comme si le soleil lui-même y avait déversé son sang. Un silence lourd semblait peser sur la nuque des deux interlocuteurs. Soudain, leur invitée prit la parole, d’un ton plutôt sec.  
-                Si vous me demandez si je m’y connais en opéra, j’ai déjà assisté à deux, trois représentations. Mais je ne suis pas fan, je préfère encore lire les pièces moi-même.
-                Ah oui ? émit Nestor en haussant un sourcil. Vu votre… dégaine, je ne m’étonne pas que vous ne sachiez pas apprécier la pureté d’un opéra.
Lizzie écarquilla les yeux, le souffle coupé par la surprise. Son tuteur ne  jugeait jamais les personnes selon leur apparence, pourquoi disait-il une chose pareille ? Indignée par un tel comportement, la jeune fille s’apprêtait à intervenir quand l’interlocutrice du grand-père d’Azela lança sa réplique avec mordant :
-                Si vous jugez les gens sur leur apparence, vous devez être une personne bien étroite d’esprit.
Lizzie vit le visage de son tuteur passer du blanc au rouge en une fraction de seconde. Il avait l’air tellement surpris qu’elle ne put retenir un gloussement. Elle plaqua aussitôt ses doigts osseux contre sa bouche, surprise d’avoir produit un son dont elle ne s’était plus cru capable depuis la disparition d’Azela. Elle vit alors la jeune fille se tourner vers elle, surprise de se savoir espionnée. Lizzie ne put alors détacher son regard de ce visage d’ange aux yeux d’une couleur étrangement proche du sépia. Des lentilles ? Malheureusement, elle fut brutalement arrachée de sa contemplation par la voix indignée de Nestor. 
-                Mademoiselle, je vous avais demandé de ne pas assister à l’entretien ! Vous devriez remonter dans votre chambre !
-                Désolée, Nestor, s’excusa-t-elle rapidement. Je n’ai pas pu m’en empêcher.
Elle s’attendait à recevoir un autre sermon quand la fille aux yeux étranges éleva de nouveau la voix, apparemment incapable de rester silencieuse plus de quelques secondes. 
-                Elle a bien raison ! Si j’étais à sa place, je préférais rencontrer celle qui va passer ses journées avec moi avant qu’elle ne soit embauchée. Vous imaginez si c’est quelqu’un que je ne peux carrer ? L’horreur !
Lizzie ne put s’empêcher de rire une nouvelle fois, plus franchement encore. Elle vit un sourire soulever les lèvres de la jeune fille.
-                Je m’appelle Gabrielle, se présenta celle-ci. Et toi ?
Il y eut un instant de silence durant lequel Lizzie osa à peine respirer. Gabrielle… C’était vraiment un très beau prénom… Chaud comme un rayon de soleil… 
-                Je m’appelle Lizbeth.
La même semaine, dans des ténèbres insondables… 

Azela jeta le livre qu’elle avait pris en main. Ahanante, elle dissimula ses yeux sous le voile protecteur de ses paupières alors qu’elle cherchait fébrilement à tâtons son bandeau. Quand elle parvint enfin à nouer ses doigts autour, elle ne parvint qu’avec difficulté à renouer le nœud. Tremblante de tous ses membres, la jeune fille se laissa glisser sur son lit où elle se recroquevilla en position fœtale.   
-                Elles sont toujours là, elles ne sont toujours pas parties… 
Peu à peu, sa respiration se calma, à mesure que les ténèbres les chassaient de sa vue. Azela secoua la tête doucement, le corps secoué de petits sanglots. 
-                Aidez-moi… Aidez-moi, geignait-elle.
La trappe située au bas de la porte s’ouvrit sur un plateau puis rabattue aussitôt. La jeune fille renifla avant de consentir à quitter sa posture défensive. A quatre pattes sur le sol, elle chercha le plateau. Ses doigts effleurèrent la porcelaine d’une assiette puis voyagèrent vers quatre petites pilules qui reposaient à côté du pichet d’eau. Méthodiquement, Azela les ramassa une à une puis se dirigea vers sa salle de bain. Accroupie près du lavabo, elle retira sans effort une latte pourrie du sol et se saisit d’une petite boîte. Les pilules tombèrent à l’intérieur rejoindre leurs sœurs.
-                Un jour, j’en aurais assez - un sourire triste étira ses lèvres gercées. Et je pourrais enfin partir d’ici…
La jeune fille quitta d’un pas leste sa chambre, réconfortée par la pensée d’avoir à sa portée le moyen d’échapper à cette situation qu’elle haïssait tant. Sa main droite effleurant à peine le mur, Azela se mit à marcher dans les couloirs noirs de cet asile noir. Dans son univers uniforme, elle perçut soudain quelques bruissements. Une odeur, des pas… Une voix.
-                …as le droit à une tous les deux jours, le soir, vers dix-neuf heures. 
Cet affreux parfum, marié à l’odeur de cigarette froide. Azela fronça le nez discrètement. Wiilez, le directeur de cet enfer, était apparemment en tournée. Le bruit des pas s’était tu, alors elle fit taire les siens également et para son visage de son plus agréable sourire.
-                Bonjour, monsieur le directeur.
“J’espère au moins avoir du pain frais, la prochaine fois…”. Une autre odeur vint chatouiller ses sens. Qui accompagnait donc Wiilez ? Elle ne parvenait pas à mettre de nom sur la fragrance. Intriguée, Azela inspira doucement, mais ne parvint pas à trouver à qui appartenait ce curieux parfum d’herbes…
-                Je ne connais pas cette odeur… - elle hésita un court instant. Tu es nouveau ici ?
-                Je viens d’arriver. Je m’appelle Nathanaël, et toi ?
Une voix grave et jeune, un léger accent du nord de la France. Un jeune homme à la présence chaleureuse… 
-                Azela, se présenta-t-elle, tâchant d’étouffer l’étrange sensation de bien être qui prenait corps dans son esprit, mal à l’aise.
-                Azela, tu pourrais l’accompagner ? intervint le directeur. C’est le nouveau pensionnaire qui va occuper la chambre voisine de la tienne.
La jeune fille haussa un sourcil moqueur. Tiens donc ? Un hybride de la section dangereuse ? Et on le lui refilait ? Elle avait connu le directeur plus courageux. 
-                Alors comme ça, il serait considéré comme aussi dangereux que moi ? émit-elle d’un ton ironique. Qu’a-t-il commis de si grave ?
-                Deux meurtres.
“Deux ? Petit joueur. On voit bien qu’il n’y a personne pour t’y pousser chaque jour, pas comme moi…”
-                Je vois. Suis-moi, Nathanaël.
-                Heu, oui…
Elle sentait de la surprise dans sa voix. Peut-être s’attendait-il à une autre réaction de sa part. Qu’elle réagisse comme quoi… Une fille ? Elle avait cessé de se considérer comme un être humain depuis de longues années… 
Elle se détourna sans un mot. Elle entendit aussitôt les pas du garçon suivre les siens. 
-                … Tu n’as pas l’air d’être folle, finit par émettre Nathanaël d’une voix hésitante.
C’est étrange… Elle avait ce sentiment inexplicable. Que cet hybride, soit disant si dangereux, pourrait être bien son ticket de sortie. Si elle l’utilisait correctement, peut-être qu’elle pourrait s’empoisonner dans la nature. Manger chacune des pilules au soleil sous le regard des cieux.
Ce qu’elle ignorait alors, c’était que ce n’était pas la mort qui l’attendait au creux de la paume de Nathanaël, mais bel et bien la vie.

Marine Lafontaine

1 commentaire:

Anne a dit…

Kya ! Sont trop choupinous !