Bien le bonjour, tout le monde !
Nouveau chapitre ! Chapitre un peu spécial car il contient, à mes yeux, l'une des plus belles et fortes scènes du webcomic. J'espère que j'ai réussi à vous retranscrire toute l'émotion de ce passage que je trouve important dans la construction de nos deux héros principaux. Si tel est le cas, n'hésitez pas à me le dire en commentaire !
Bonne lecture !
Quand Mugman et Cuphead rejoignirent
leurs compagnons de route, Félix leur jeta à chacun une pomme. Les deux frères
les rattrapèrent habilement, surpris par cette soudaine offrande. Le chat
croqua dans son propre fruit.
- Où est-ce que vous traîniez, les gars ?
leur demanda-t-il, taquin.
Boris, de son côté, mangeait
tranquillement, profitant du soleil. Bendy croqua à son tour dans la pomme. Il
s’attendait à ce qu’une saveur acidulée explose dans sa bouche, mais, au lieu
de cela, ce fut le goût de l’encre qui envahit sa langue. Un long frisson
parcourut son corps alors qu’il comprenait avec horreur que l’Inkness avait
lancé son nouvel assaut.
Précipitamment, le mécanicien dissimula ses
lèvres noircies. Il laissa tomber le fruit afin de nul ne voit la chair poissée
par l’encre.
- Monsieur F… Félix, balbutia-t-il d’une
voix faible, p… pouvons-nous prendre une pause, s… S’il vous plaît ?
- Déjà ? s’étonna le chat.
Au regard du malade et à sa respiration
sifflante, l’écrivain comprit instantanément de quoi il en retournait.
- Oh ! Je veux dire, bien sûr,
s’empressa-t-il de se rectifier.
Bon sang, il avait déjà oublié… Bendy le
remercia d’un signe de tête avant de se mettre à courir pour s’éloigner le plus
vite possible. Boris lui emboîta aussitôt le pas en lui criant de l’attendre. Mugman,
qui était en train de manger sa pomme, les regarda s’en aller d’un air surpris.
Bah ? Qu’est-ce qui leur prenait, tout à coup ?
- Où est-ce qu’ils vont ?
demanda-t-il.
- Ils reviendront, lui répondit
douloureusement Félix en suivant les deux frères du regard. Attendons-les
simplement…
Boris venait de sortir de son champ de
vision en disparaissant derrière un rocher. Là, il retrouva son frère, appuyé
contre la paroi pierreuse, ahanant. L’encre avait commencé à couler le long de
son visage et sur son corps tremblant, agité de soubresauts incontrôlables. Le
louveteau se précipita vers lui, terriblement inquiet. Il n’osa pas le prendre
dans ses bras, comme s’il avait peur de le voir s’effondrer au moindre toucher.
Quand il vit son frère tenter de s’éloigner encore de leurs compagnons, il ne
put le laisser faire.
- Bendy, on est assez loin, s’il te
plaît, repose-toi ! le pria l’apprenti mécanicien. Tu ne peux plus
marcher !
Le malade répondit par une horrible
quinte de toux. Salive, larmes et encrs se mêlaient sur son visage dans un
cocktail des plus répugnants. Bendy s’agrippait de toutes ses maigres forces au
rocher, tremblant, apeuré. Non… Non, non ! La douleur le frappa au
niveau de l’estomac et le mécanicien se laissa glisser à terre en gémissant.
- Pitié, Boris ! le supplia-t-il.
Emmène-moi encore loin d’ici ! Je veux que personne ne me voit dans cet
état, surtout pas monsieur Félix !
*
Félix, Mugman et Cuphead s’étaient
installés en attendant les deux mécaniciens. Le nervi du Diable croquait
tranquillement sa pomme sans se préoccuper de l’écrivain qui tentait depuis
plusieurs minutes déjà d’engager la conversation.
- Alors, essaya-t-il, une nouvelle fois, on
m’a dit que vous pouvez tirer des lasers avec vos… doigts ?
- Ouais ! répondit avec enthousiasme
Mugman.
Oh, pour de vrai ? Incroyable !
- Ça vous dérangerait de me montrer ?
leur demanda le chat avec un sourire d’enfant émerveillé.
- Montre-lui, frangin ! s’exclama
Mugman en s’adressant directement à son aîné.
- Pourquoi moi ? grogna l’intéressé.
Quel ennui…
Il sut qu’il n’avait pas le choix en
constatant que ces deux compagnons ne le lâchaient pas du regard, tous deux
tout sourire. Il poussa un soupir, mais consentit à céder à leur requête. Il se
redressa et pointa un doigt devant lui. Une lumière bleue apparut au niveau de
son ongle alors qu’il se concentrait. Ne
pense à rien, s’enjoignit Cuphead, ne
pense à… rien… Dans un flash rouge, le corps perforé de Mugman lui revint à
l’esprit. Ses yeux éteints, son sang qui formait des rigoles entre les pavés,
son corps qui reposait sur le sol, poupée de chiffon déchirée.
Rouge,
rouge, rouge !
La lueur s’évanouit aussi vite qu’elle
était apparue. Cuphead recula d’un pas et s’efforça de cacher son trouble de
son mieux. Il trouva la force de sourire de manière suffisante.
- Tu sais quoi ? Le mien est déjà
plutôt incroyable. Pourquoi tu ne travaillerais pas le tien, Mug ? le
taquina-t-il.
- Oh, allez, râla son benjamin.
Cependant, il ne protesta pas longtemps
car c’était là pour lui l’occasion de démontrer l’étendue de ses talents !
Mugman se posta à la place de son aîné et tendit un bras devant lui. Sa main
libre se posa dans le creux de son coude pour qu’il verrouille sa position. Qu’est-ce
qu’il allait viser ? Ah, la pierre là-bas ! Le plus jeune des deux
frères ferma un œil afin de se concentrer puis fit glisser un bout de sa langue
hors de ses lèvres. Il souffla afin de faire le vide dans son esprit, comme lui
avait appris Cuphead quand il lui avait donné des leçons de tirs. Vise, vois la
cible… et tire !
Le rayon bleu explosa au bout de son
index et fila à toute vitesse ! Il atteignit la pierre ciblée qui éclata
sous l’impact. Son aîné, qui s’était recroquevillé sur lui-même lors du tir,
effrayé par la violence de la détonation, fit une nouvelle fois de son mieux
pour sourire à son benjamin qui était particulièrement fier de sa démonstration
de force.
- Beau t… tir, le complimenta-t-il en
maudissant sa voix chevrotante.
Heureusement pour lui, Félix détourna
l’attention de Mugman en le complimentant de vive voix, fasciné par son
pouvoir. Il se mit à le questionner vivement. Comment avait-il acquis ce
don ? Comment faisait-il pour tirer ? Suffisait-il qu’il se
concentre ? Il avait tant de questions, c’en était étourdissant !
Cuphead en profita pour s’éloigner de quelques pas, au bord de la nausée. L’image
du corps de son benjamin ne quittait pas son esprit. Bon sang, et si… !
Et s’il n’était plus jamais capable
d’utiliser son pouvoir ?
*
Boris avait obligé Bendy à s’asseoir et à
se déshabiller afin qu’il puisse s’occuper de lui. L’encre avait presque
entièrement recouvert l’entièreté de son visage sous son flot noir et visqueux,
formant une sorte de masque mouvant. Le louveteau avait installé une bassine
d’eau savonneuse près de lui afin de nettoyer cet amas de matière épaisse. Ses
mains tordirent le linge afin d’en enlever l’excédent d’eau. En entendant le
liquide ruisseler, Bendy poussa un soupir.
- Pas besoin de ça, Boris, déclara-t-il
d’une voix fatiguée. Je vais t’en mettre partout… Attends juste que ça se
nettoie tout seul.
Le louveteau leva les yeux au ciel.
Qu’est-ce qu’il ne fallait pas entendre… Il passa un bras autour des
épaules de son frère pour l’obliger à se rapprocher de lui.
- Est-ce que ça a réellement de
l’importance, maintenant ? Arrête de dire des idioties pareilles et viens
ici.
Il passa le tissu humide sur le visage du
mécanicien afin de le laver. Bendy, au contact du linge froid, gémit
légèrement. Boris sentit son cœur se serrer. A travers le textile, il pouvait
sentir la chaleur excessive qu’émettait le corps du malade.
Doucement, avec des gestes qu’il avait
perfectionné à mesure des crises, il nettoya les méfaits de l’Inkness. L’eau de
la bassine devint rapidement noire comme une nuit sans lune. Quand, enfin, la
douleur se calma, l’encre cessa de couler. La respiration de Bendy s’apaisa à
son tour. Epuisé, le mécanicien ferma les yeux pour se laisser dorloter par son
benjamin. Celui-ci se glissa dans son dos et l’obligea, d’une pression sur les
épaules, à s’appuyer contre son torse. Ses bras enlacèrent le corps menu du
malade pour le bercer, le temps d’une étreinte. Un silence cotonneux s’installa
entre les deux frères unis par des liens tellement plus forts que celui du
sang.
Le louveteau prit une profonde
inspiration. Ça y est, le pire était une nouvelle fois derrière eux. Ce ne
serait pas pour aujourd’hui, pas encore.
Bendy avait encore vaincu.
- B… Boris ?
La voix du mécanicien était faible,
amenuisée par la lutte. L’intéressée répondit par un simple bruit de gorge,
juste pour signaler qu’il était à l’écoute. Bendy rouvrit alors les yeux,
encore étourdi par ce qu’il venait de traverser.
- Tu peux me promettre quelque chose ?
souffla-t-il.
- Quoi donc ?
- Promets-moi que tu continueras à chercher
les pièces de l’Ink Machine, même après ma mort.
Tous les muscles du corps du louveteau se
tendirent. Q… Quoi ? Il avait mal entendu, n’est-ce pas ? Sans se
rendre compte du trouble qu’il venait de provoquer chez son jeune frère, Bendy
poursuivit :
- Nous faisons ça pour sauver tout le
monde, pas seulement moi.
- O… Ouais, bien sûr.
Non, non, non… Ils ne pouvaient pas
être en train d’avoir cette conversation. C’était impossible, l’apprenti
mécanicien s’y refusait de toutes ses forces. A ses yeux, plus rien
n’existerait après la mort de Bendy, non, plus rien. C’était normal, après
tout, son frère ne mourrait pas avant de longues, très longues
années !… N’est-ce pas ?
Bendy remua contre son torse. Il lui
adressa un regard fatigué, décontenancé par son manque de réponse.
- Alors, vas-y… Promets-moi,
l’encouragea-t-il.
- Tu iras bien.
Bendy fronça les sourcils. Ce n’était pas
la réponse qu’il attendait…
- Boris ! gronda-t-il.
- Tu ne vas pas mourir.
Le mécanicien se redressa brusquement
pour faire face à son benjamin. Non, pas cette fois-ci ! Cette fois-ci, il
la lui arracherait, cette promesse ! Il ne se laisserait par attendrir ni
par ses larmes, ni par ses protestations ! Il avait besoin de cette
assurance pour pouvoir partir un tant soi peu en paix.
- Boris ! Promet-moi ! lui
cria-t-il, un soupçon de désespoir dans la voix.
- Tu ne pas vas pas mourir ! hurla le
louveteau en réponse.
Les larmes dévalaient désormais les joues
de l’apprenti mécanicien. C’était trop cruel, bien trop cruel ! Jamais il
ne pourrait prononcer de tels mots. Bendy ne se rendait-il donc pas compte de
l’horreur de sa demande ?! Mais celui-ci était loin de vouloir céder.
- Tu as une équipe à guider !
tenta-t-il de le raisonner.
- « Nous » avons une équipe à
guider ! corrigea violemment le louveteau.
- Ce sera le cas une fois que… !
Une
fois que l’Inkness m’aura tué.
Non !
Non, non, non ! Il ne voulait rien
entendre ! Boris plaqua précipitamment ses mains sur ses oreilles. Il ne
l’entendrait pas, jamais !
- La, la, la, la ! Je n’entends
rien ! gueula-t-il pour gommer les mots de son frère, ces insupportables
petits couteaux.
Le mécanicien savait qu’il était inutile
de continuer dans cette voie. Plus il monterait le ton, plus Boris se
fermerait. Il tenta une autre approche, plus calme, plus douce.
- D’accord, je ne crierai plus, Boris, lui
assura-t-il d’une voix apaisante. Mais j’ai toujours besoin de savoir si…
Il s’interrompit lui-même, frappé par
l’image qui s’offrait à lui. Son petit frère s’était recroquevillé sur
lui-même, pleurant, tremblant. Un pauvre enfant, un simple gamin. Mais
qu’est-ce qu’il lui infligeait… ? Il n’avait que douze ans…
A son tour, le mécanicien sentit les
larmes lui monter aux yeux. Pourquoi devait-il faire tant souffrir la personne
qu’il aimait le plus au monde ? Bien sûr qu’il avait conscience de la
monstruosité de sa demande ! Mais il aurait tant aimé avoir l’assurance
qu’un jour, le jour fatidique de sa mort, Boris aurait quelque chose pour le
porter, l’aider à traverser son deuil. Qu’il parviendrait à réparer la machine
et ainsi empêcher que d’autres tragédies comme la sienne se produisent à
travers le monde !
Il avait besoin de le savoir… Mais
pas aujourd’hui. Aujourd’hui, il était encore là. Et il ne souhaitait pas
utiliser le temps qui lui restait pour blesser son frère. Il l’attira contre
lui et nicha sa tête dans le creux de son épaule.
- Mon petit frère… Je suis tellement
désolé…
Il ignorait pourquoi il s’excusait
exactement. Pour être malade ? Pour l’avoir entrainé malgré lui dans cette
quête insensée ? Pour avoir crié ? Peut-être tout cela à la
fois… Bendy resserra son étreinte et se mit à chuchoter des paroles douces
pour apaiser les pleurs de Boris. Ah… Son cher petit frère au cœur si
tendre… Qu’il l’aimait, ce loup trop sensible, trop pur pour ce monde.
- Ça va aller, lui promit-il. Chut, tout
ira bien, tu verras…
Au final, c’était toujours lui qui
finissait par faire des serments sur l’avenir. Peut-être, qu’ainsi, il
parviendrait à conjurer le destin. Peut-être, oui, peut-être, que c’était une
manière de repousser l’inévitable.
Alors… Promettons
ensemble, Boris. Demain, demain et encore demain, jurons que nous vivrons.
Et
vivons jusqu’à la fin des temps.
1 commentaire:
Beau chapitre, plein d'émotions
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