Ael enfila rapidement sa veste.
-
Allez,
Cin’ ! le pressa-t-il.
-
On vient à
peine de rentrer, j’ai sommeil, marmonna Cinaed avec une moue d’enfant boudeur.
-
Lizzie nous
a dit que c’était important.
-
Papa, on va
où ? voulut savoir Antoine.
-
Chez
Lizzie, mon cœur.
-
La jolie
madame ?
-
Oui, la
jolie madame à qui tu n’as pas arrêté de tirer la robe pour qu’elle danse avec
toi. Où est ton manteau, toi ?
-
Veux
pas !
-
Ton
manteau, Antoine !
-
Non !
trépigna l’enfant.
-
Ton
manteau, tout de suite, ordonna Cinaed d’un ton qui n’admettait pas de
réplique.
Antoine bouda, mais obéit. Ael remercia
son amant d’avoir un semblant d’autorité sur leur infernal petit bout.
Finalement, il hissa leur fils dans ses bras et la petite famille descendit au
parking. Dix minutes plus tard, ils se garaient dans la rue de Lizzie. Arra les
attendait à l’entrée.
-
Alors,
votre week-end ? demanda-t-elle alors qu’ils montaient les escaliers.
Ael ne répondit pas, mais le sourire
rêveur qui s’était dessiné sur ses lèvres à l’énonciation de la question était
plus qu’éloquent. Riant, Arra les conduisit à travers plusieurs couloirs.
-
Nous aussi,
nous avons eu un excellent week-end.
Et elle poussa la porte. Le couple se
figea sur le seuil d’une chambre, les yeux écarquillés et la bouche ouverte.
Dans son lit, Gabrielle quitta son livre des yeux alors que Lizzie se levait de
sa chaise. Un immense sourire vint orner les lèvres de l’alitée.
-
Cinaed !
Ael !
-
GAB’ !
Deux bras puissants l’arrachèrent à ses
draps pour la faire tournoyer dans les airs. Cinaed écrasa sa sœur dans une
étreinte possessive alors qu’il plongeait son nez dans ses cheveux pour
respirer son odeur à pleins poumons.
-
Tu es
réveillée… Tu es réveillée… Putain, enfin !
Il la tint ainsi serrée contre lui
longtemps encore, refusant de la laisser partir. Il finit par l’asseoir dans
son lit pour qu’Ael puisse à son tour la prendre dans ses bras (avec plus de
retenue tout de même).
-
Je suis
contente que tu sois enfin réveillée, lui sourit-il tendrement.
-
Et moi
donc ! Bon, j’ai un corps qui ne répond à aucune de mes attentes pour le
moment, mais ça fait du bien de se sentir vivre !
-
Je me
doute…
-
Merci pour
tout, Ael. Lizzie m’a un peu raconté. Merci de t’être occupée de moi pendant
tout ce temps…
-
C’est
normal.
Antoine s’avança timidement. Quand Cinaed
le remarqua, un tendre sourire naquit sur ses lèvres et il le souleva par les
aisselles pour l’installer près de sa sœur.
-
Antoine, je
te présente Gabrielle, ma sœur jumelle, lui déclara-t-il.
-
Bonjour,
sourit gentiment l’intéressée.
Intimidé, Antoine se cacha derrière le
bras de Cinaed. Puis, il sortit la tête et demanda innocemment :
-
C’est ma
tata ?
-
Quoi ?
s’étrangla Gabrielle alors qu’un sourire lui montait aux lèvres.
-
Antoine est
mon fils adoptif, lui précisa Ael. Du coup, Cinaed est son deuxième papa.
-
Rôh, il
s’en est passé des choses, dis donc ! Quelle belle famille !
Arra interrompit momentanément les
retrouvailles en introduisant deux nouvelles personnes dans la chambre. Cinaed
se tendit comme un ressort quand il aperçut la face brûlée de son père.
-
Monsieur et
madame Helldi, les accueillit Ael en se levant. Cela faisait longtemps.
-
Bonjour,
Duncin, répondit le père des jumeaux en lui serrant la main.
La mère se précipita pour embrasser ses
enfants. Elle les prit tous les deux contre son sein et les serra dans ses bras
avec force.
-
Oh, mes
bébés, murmura-t-elle avec une voix emplie de tendresse.
-
On peut
dire que vous nous avez fait peur, dis donc ! tonna son mari, faussement
fâché au vu du sourire sur ses lèvres.
Il embrassa tendrement son fils avant de
serrer très fort sa fille contre lui.
-
Ne nous
faites plus des frayeurs de ce genre, leur murmura-t-il. On est d’accord,
hein ?
Ael voyait parfaitement l’incompréhension
totale que ressentait Cinaed. Ses parents l’avaient renié… Ils l’avaient
rejeté, de leur foyer, de leur vie, de leur cœur… Alors,
pourquoi… lui souriaient-ils ainsi ? Avant qu’il puisse ouvrir la
bouche, Ael posa une main sur son avant-bras. Son regard lui demandait
d’attendre, son regard lui assurait qu’il lui expliquerait. Perdu, Cinaed
sursauta quand il reçut une claque sur l’épaule de la part de son géniteur.
-
Alors, mon
grand, je vois que tu as toujours le même amoureux ! Tu le gardes,
celui-là ?
-
P…
Peu… Quoi ? ne parvint qu’à balbutier Cinaed.
-
A quand le
mariage ? le taquina sa mère. Bon, j’ai un petit-fils, c’est déjà ça,
reprit-elle en câlinant Antoine qui se laissait faire, tout content des
papouilles.
Les jumeaux échangèrent un regard
halluciné. Depuis quand leur mère était-elle aussi… joyeuse ?
Ouverte ? Souriante ? Que s’était-il passé pour qu’ils acceptent
l’homosexualité de leur fils et qu’ils aillent même jusqu’à le taquiner à ce sujet ?
… C’était quoi ce bordel ?!
-
Tu as
hypnotisé mes parents ?!
-
Pas moi,
Greuz.
-
Sur ta demande !
-
Oui.
Cinaed passa une main fatiguée sur son
visage. Parfaitement calme, Ael était assis dans leur lit et attendait la
suite. Qui ne tarda pas.
-
Mais…
pourquoi ?
-
Parce que
je voulais que tu aies une famille sur laquelle tu pouvais compter.
-
…
-
Tu m’en
veux ?
-
Un
peu… J’avais l’impression de me retrouver avec des inconnus, tout à
l’heure.
Ael se pencha sur son amant qu’il prit
doucement dans ses bras.
-
Pourtant,
ce sont bien tes parents, lui assura-t-il en souriant. Greuz n’a effacé aucun
de leurs souvenirs. Il a juste fait en sorte d’élargir l’esprit de ton père et
de donner plus d’indépendance et de volonté à ta mère. Ce sont eux… Et ils
t’aiment.
-
Mais…
-
Je ne te
présenterai pas d’excuses, car j’ai fait ce qui me paraissait le plus juste, ce
qui pouvait te rendre le plus heureux. Je ne voulais pas que tu revives ce qui
s’est passé, il y a sept ans… quand ils t’ont dénoncé à la brigade.
-
… C’est
définitif ?
-
Non, cette
action est réversible. Si c’est vraiment ce que tu souhaites, tu pourras
toujours demander à Greuz de te rendre tes parents d’avant.
Cinaed sut à la voix de son amant qu’il
n’était pas en colère, comme il l’avait craint. Non, il acceptait simplement
son choix… Il sourit et se tourna vers lui.
-
Merci…
-
Pas de
quoi, Salamèche.
-
Depuis
quand je suis un pokémon ?
-
Depuis que
tu as fait voir ce manga débile à mon petit bout. Ce matin, il s’est jeté sur
moi en criant “Pikachu, attaque éclair !”
Cinaed se mit à rire. Ael voulut le faire
taire en l’embrassant, mais son amant continua de rire contre sa bouche. Puis
il se tut et passa ses bras autour du cou de son amoureux pour approfondir
l’échange. Les mains d’Ael en profitèrent pour s’infiltrer sous son tee-shirt.
Les caresses commençaient à être plus poussées quand…
-
Papa !
Papa ! Vous faites quoi ?
-
Antoine !
Ses pères s’écartèrent brusquement.
Intrigué, l’enfant s’approcha du lit.
-
Qu’y
a-t-il, Antoine ? finit par demander Ael.
-
J’ai envie
de dormir avec vous !
-
Ah, heu,
ben… viens…
-
Ouais !
Il sauta sur le lit et se pelotonna entre
ses deux pères. Ces dernières rabattirent la couette sur eux puis Cinaed
éteignit la lumière.
-
Papa…
chuchota Antoine au bout d’une minute de silence.
-
Oui ?
grognèrent les intéressés.
-
Tu peux
refaire ton truc avec les flammes ?
-
Il est
tard, Antoine…
-
S’il te
plaît !
-
… Bon,
OK.
Antoine s’assit entre les jambes croisées
en tailleur d’Ael alors que Cinaed se positionnait en face d’eux. Doucement, il
souffla sur ses paumes. Alors naquirent des flammes. Elles dansaient dans le
creux de ses mains, petites silhouettes féminines ardentes. Lentement, Cinaed
fit naître trois autres personnages. Il y avait tant de détails qu’on pouvait
même distinguer les traits des danseurs enflammés. Fascinés, Ael et Antoine
virent les minuscules silhouettes se saluer avant de se mettre à valser
ensemble, deux par deux. Un bal miniature se déroulait sur la chair du jeteur
de feu. Les couples se séparaient pour mieux se retrouver ensuite.
Lentement, Ael ferma les yeux. Les
silhouettes dansaient sous ses paupières dans une vaste salle de bal. Elles se
débarrassèrent de leur gangue de feu pour paraître sous un jour plus humain.
C’était sept ans plus tôt… Six adolescents. Lizzie avec ses longues
tresses rouges, Gabrielle et ses cheveux courts, Azela qui balançait son
bandeau dans les airs, Nathanaël dont le visage resplendissait. Ael se revoyait
également, avec ses cheveux aux éclairs violets grâce à la teinture de Cinaed
et ses lunettes en cul de bouteille. Puis il le retrouvait, lui… blond,
avec son étrange boucle d’oreille en forme de griffe, son sourire éclatant… La
joie se lisait sur tous les visages, un sourire béat, des rires purs, des yeux
étincelants.
Des amours au pluriel. Fraternité, amitié,
sensualité. Parfois douloureuse, toujours délicieuse, c’est la plus douce et la
plus dure des drogues.
Et la danse continue alors qu’en fond
sonore s’élève une vieille chanson d’amour d’Edith Piaf pour six êtres qui
s’aiment.
3 commentaires:
Bien joué pour les parents ! J'ai doré ton histoire ! J'espère que tu gagneras ton concours ;)
adoré pardon * ^^'
T'as un pb avec Edith Piaf -_- Sinon, très bonne hist
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