Bien le bonjour ! Voici le premier chapitre de la réécriture du mythe de Médée. Au passage, un petit mot sur le dessin qui illustre la nouvelle. Il s'agit du travail d'une amie qui a accepté de me faire ce dessin rien que pour vous (bande de veinards !). Elle possède une page facebook appelée Mikka Keehl ART (auquel vous pouvez accéder en cliquant sur le nom). Je vous conseille vraiment d'aller y jeter un coup d'œil, elle a vraiment de l'or dans les mains et ses dessins sont de toute beauté.
En attendant, voici le premier chapitre, je vous souhaite à tous une bonne lecture !
Médée, un monstre d’humanité
Au centre
d’une chambre ovale se trouvait un lit à baldaquin. Les soieries qui ornaient
l’armature de fer se balançaient mollement dans une brise rafraîchissante qui
provenait des volets écartés. Le jour commençait à poindre à l’horizon,
déversant une douce lumière dorée sur la ville de Corinthe encore ensommeillée.
Mais, au
centre des draps froissés, témoins d’une nuit agitée, un corps était en proie à
de terribles tourments. Il s’arquait, la peau rendue luisante par un voile âcre
de transpiration. Son front était barré de rides, sa bouche tordue dans une
supplique muette. Dans son esprit se fracassaient des images issues du passé,
d’un passé empli de douleur et de sang. Empli de mains suppliantes dont les
doigts tordus agrippaient une robe au bas ourlé de boue et de viscères. Des
yeux… Ah, tant haïs ! Terrifiants, ils fixaient sans ciller leur
victime avec cette impassibilité qu’ont les morts. Le poids de leur regard
pesait sur ses membres, lestés du plomb de leurs reproches.
Le cauchemar
se poursuivait, torturant avec un lent plaisir son être. Il y inscrivait au fer
rouge ses crimes, labourait ses chairs avec des aiguilles de feu. Une lente
litanie broyait ses tempes avec des mots perfides pour ne cesser de lui
remettre en mémoire ses fautes, ses péchés, ses meurtres, ses massacres…
Puis, il y eut
comme une libération. Son corps se délivra enfin de toute cette souffrance qui
hantait la moindre parcelle de sa peau. Cela jaillit de sa gorge sous l’aspect
d’un cri terrible, presque inhumain. Ses paupières se soulevèrent, révélant des
yeux qui roulaient, billes folles, comme s’ils voulaient s’expulser de leurs
orbites. La respiration erratique faisait écho à l’agitation mentale du sujet.
Ce dernier dû attendre de nombreuses minutes encore pour que les palpitations
affolées de cet organe de chair, appelé couramment un cœur, se calment,
s’espacent. Le temps s’égrenait autour de son front barré avec une lenteur tout
aussi fascinante qu’exaspérante. Des brides de folie continuaient à hanter ces
orbes qui fixaient le plafond avec un calme inquiétant.
Le corps se
libéra peu à peu de cette toxine mentale pour finalement se mouvoir. Ses longs
cheveux, d’un jais plus sombre que les ténèbres qui vivaient sous le ciel
dépourvu d’astres, balayèrent la peau nue de ses bras et de son dos.
Le sang plein
l’âme, Médée se débarrassa des étoffes qui enveloppaient son corps gracile. Un
léger râle franchit ses lèvres quand elle sentit le froid ambiant s’emparer de
son être. Son regard courut à travers la chambre, à la recherche d’un être
aimé, mais elle était seule. La jeune femme frissonna. Où était donc son
époux ? Elle aurait tant voulu sentir ses bras d’homme autour d’elle
l’enferrer dans cet ferme étreinte que son âme d’enfant réclamait. Sonnée par
ces visions qui empoisonnaient encore sa raison, elle enroula ses propres bras
autour de ses épaules, comme pour broyer en son sein ses fautes passées.
Elle finit par
retrouver un semblant de conscience et se dirigea vers la salle d’eau qui
avoisinait sa couche. Là, nulle esclave ne vint s’occuper d’elle, aucun n’ayant
voulu entrer à son service quand elle avait pris ses quartiers au palais de
Créon, roi de Corinthe. Par crainte, non, par terreur, chacun s’était empressé
de décliner l’offre de leur souverain qui ne leur en avait pas tenu rigueur.
Alors, seule, Médée fit couler son bain. Quand l’eau fut suffisamment chaude,
elle s’y glissa avec volupté pour s’asseoir sur les marches du bassin, ses
seins affleurant à peine la surface. Dans un frisson malsain, elle vit
semblable salle à l’eau rougie par le sang. A sa place, sur des marches
similaires, avait gi le corps tronçonné d’Apsyrtos, son frère, massacré de sa
propre main…
-
Qu’as-tu, ma sœur ? Ton trouble ne cesse de croître au
fil du temps…
Médée leva ses
orbes de feu sur ces soudaines apparitions. Trois femmes à la beauté cruelle. A
leur longue chevelure s’entremêlaient des serpents à la peau cuivrée. Ils se
mouvaient en silence, et parfois, leur langue fourchue dépassaient de leurs
bouche.
-
Que me vaut cette visite, furies ?
Les trois
sœurs eurent un sourire à glacer le sang dans les veines de n’importe quel
mortel. Mais la magicienne se contenta d’attendre, impassible, revêtu de ce
masque désabusé qu’elle s’obligeait à porter de plus en plus souvent pour ne
pas qu’on retourne ses émotions contre elle.
Combien de
fois avait-elle été trahie par ces choses forts futiles ?
Les furies se
penchèrent sur elle et leurs serpents se dressèrent pour auréoler leurs visages
d’un disque mouvant incroyablement laid et effrayant.
-
C’est l’heure, Médée, chère sœur. Bientôt, ta supplique
résonnera dans les abîmes sombres de la vengeance. C’est l’heure, Médée, chère
sœur. Aujourd’hui, le glas sonne pour toi.
Pollux mit
pied-à-terre avec soulagement, fatigué de cette longue chevauchée. Alors que
des esclaves accouraient pour s’occuper de son cheval, il se dirigea avec
empressement vers la cour intérieure dans l’espoir de l’y trouver. Il n’eut pas
à chercher fort longtemps. A peine eut-il fait quelques pas qu’une silhouette
accourut vers lui. Le voyageur délaissa ses affaires alors qu’un sourire venait
étirer ses lèvres.
-
Jason !
-
Pollux !
Les deux amis
tombèrent dans les bras l’un de l’autre. Ils s’étreignirent avec force, riant
de leur attitude, riant pour dissimuler en dessous la peine d’avoir été séparés
aussi longtemps. Tous deux avaient été autrefois ces fières Argonautes, partis
triompher des mers sur l’Argo, à la recherche de la fabuleuse toison d’or. Puis
leurs destins s’étaient séparés, chacun ayant choisi de suivre sa propre voie.
Mais une lettre de Jason avait poussé les pas de Pollux vers Corinthe.
Les deux
compagnons se séparèrent pour mieux se détailler. Les yeux de Pollux couraient
sur le corps bien en chair de son ami. De la joie pétillait dans ses yeux, son
sourire témoignait également de ses sentiments bienheureux.
-
Tu m’as l’air de fort bien te porter, sourit-il tendrement.
Les nouvelles que tu m’as donné m’ont plus que réjoui, je peux te
l’assurer !
-
Je suis heureux de te savoir auprès de moi en ces belles
heures !
-
Un mariage… Décidemment, je te croise toujours marié,
mais jamais avec la même ! Qu’est donc devenue Médée ? Cette affreuse
sorcière aurait-elle enfin succombée ?
-
Médée ? Par les Dieux, non ! Elle est en vie !
Pollux se
recula, sourcils froncés. Il s’apprêtait à ouvrir la bouche quand il l’aperçut.
Sa silhouette sombrement vêtue, elle marchait dans l’ombre des colonnes, de ce
pas lent et mesuré qui lui donnait des airs de reine ténébreuse. Ses cheveux
libres de tous liens flottaient sur ses épaules. Et l’espace d’un instant,
Pollux aurait juré apercevoir des reptiles se mêler aux mèches noires. Il
frissonna et, attrapant son ami par le coude, il le força à s’approcher de
lui.
-
Que cela signifie-il ? siffla-t-il d’une voix basse et
fiévreuse. Tu te maries, mais Médée est toujours là ! Dois-je te rappeler
que tu l’as épousée ? Dois-je te rappeler de quoi elle est capable ?
-
Que crains-tu ? soupira Jason, un sourire moqueur sur les
lèvres. Médée est une femme comme une autre. Tout comme ma première épouse,
elle pansera ses plaies et m’oubliera.
-
Cette femme a tout fait pour toi. Que la crois-tu capable de
faire si tu l’abandonnes ? Je l’ai vu démembrer son frère de ses propres
mains pour permettre notre fuite de Cholchide alors que la flotte de son père
nous poursuivait pour nous reprendre la toison d’or. Son frère, Jason !
T’en rends-tu seulement compte ?
-
J’accommode ma flamme aux besoins de mes affaires, cher ami.
Rien de plus.
-
De quoi parlez-vous ?
Pollux poussa
un cri de frayeur et de surprise mêlées. Médée, tranquille, souriait
simplement.
-
Pollux ! se réjouit-elle de sa voix suave. Quel plaisir
de te revoir !
Ses yeux
démentaient cette simple phrase. Elle couvait son mari telle une lionne et ne
tolérait guère qu’on l’approche. L’ancien Argonaute se recula encore, comme si
le simple fait d’être trop proche de Médée le maudirait à jamais. Jason, lui,
sourit à cette femme qui ne serait bientôt plus sienne.
-
De choses et d’autres. Ne devais-tu pas voir le roi en
entretien ?
-
Si, je m’y rendais justement. J’aurai aimé te parler avant,
Jason.
-
Tu m’en vois embarrassé, Médée. Pollux vient d’arriver et
j’aurai aimé profiter un peu de sa présence.
-
Très bien, alors je ne m’imposerai pas.
Elle s’inclina
humblement devant lui avant de se retirer sans un regard pour le second homme.
Ce dernier ne se permit de respirer librement qu’une fois Médée hors de sa vue.
-
Méfie-toi, Jason, méfie-toi, prédit-il d’un ton funeste. Cette
femme est capable du pire.
-
Tu ne cesses de te répéter ! ria l’intéressé. Viens avec
moi aux jardins ! Nous avons tant à nous dire !
Médée se
dirigea tranquillement vers la salle du trône. Si tout e son apparence la
faisait penser tranquille, une agitation sans précédent régnait dans son cœur.
Le cauchemar continuait à la hanter et il lui semblait encore apercevoir du
coin de l’œil les massacres qu’elle avait engendré au nom de l’amour.
Les gardes la
firent instantanément pénétrer dans la salle quand elle se présenta à eux,
ayant peu envie de se frotter à l’impatience de cette sorcière. Elle ignora
leurs visages apeurés et marcha dans l’allée qui menait au trône. Là, siégeait
Créon qui surplombait ses gens depuis son estrade. Il baissa brièvement les
yeux sur sa visiteuse avant de se tourner vers sa fille, Créuse, qui se tenait droite
sur le siège qui lui était attribué.
-
Médée, nous avons plusieurs décrets à t’annoncer, déclara
alors la princesse de Corinthe.
-
Je suis à votre écoute, acquiesça Médée avec un fin sourire.
Elle sentait
tout autour d’elle la peur qui émanait des corps. Quelles que soient ces dits
nouvelles, ils semblaient craindre sa réaction… Que passait-il donc ?
Créon prit la suite de sa fille.
-
Afin d’éviter tout conflit avec les autres provinces, il a été
décidé de te congédier des terres de Corinthe. Tu es invitée sans plus tarder à
quitter mon royaume avec tes enfants.
Un coup de
poignard aurait été moins douloureux. La magicienne sentit toutes sortes
d’émotions nouer les tripes de son ventre. Chassée… On la chassait !
Après tout ce qu’elle avait accompli, après n’avoir pu trouver que refuge dans
cette cité, la voilà expulsée de l’endroit où elle avait cru fonder son
bonheur. Pourtant, elle n’en montra rien. Son visage demeura inexpressif, alors
que sa douleur se diffusait dans son corps tel un poison.
-
Vous me condamnez à l’exil ? Dans ce cas, pourquoi mon
mari n’a-t-il pas semblable sentence ? Nous partageons les même crimes.
Qu’allez-vous faire de Jason ?
Un rire fusa,
ébranlant toute entière la volonté de Médée. Elle leva les yeux vers Créuse qui
s’amusait du trouble qu’elle laissait transparaître.
-
Jason n’a rien à craindre de quelque punition, lui assura la
princesse, goguenarde. Son seul crime est de t’avoir prise pour épouse, Médée !
Et je vais le laver de ce péché.
Elle se leva
et ouvrit grands les bras, comme pour prendre le monde à témoin.
-
Je vais devenir la nouvelle épouse de Jason !
La conscience
de Médée fut avalée par les ténèbres.
Le premier chapitre s'arrête là ! La suite devrait très vite arriver. Encore une fois, n'hésitez pas à aller sur la page de Mikka Keehl, vous ne le regretterez pas. Merci de continuer à me suivre et à très bientôt !
Marine Lafontaine
Le premier chapitre s'arrête là ! La suite devrait très vite arriver. Encore une fois, n'hésitez pas à aller sur la page de Mikka Keehl, vous ne le regretterez pas. Merci de continuer à me suivre et à très bientôt !
Marine Lafontaine
9 commentaires:
Super début ! Et l'illustration rend très bien !
J'adore le dessin, je vais aller sur la page tout de suite !
Très bon début au passage
Un début peu ragoûtant, on découvre peu à peu le perso de Médée, c'est pas mal
parfaits :p dessin et écriture
Elle aurait pas pris comme modèle yuno gasai par hasard ?
Tout à fait, c'est elle même ! Je trouvais que, mentalement, elle se rapprochait assez de Médée alors j'ai cherché le modèle par là. Puis avec quelques modifications, l'artiste a fait naître Médée ;)
J'adore ce chap ! vivement la suite !
Tu devais pas faire un article sur Médée avant pour qu'on sache qui c'est ?
Oui, bon, je le ferai plus tard…
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