Ah oui, j'oubliais ! Avant de nous lancer, je voulais vous annoncer que les éditions Robert Laffont m'avait… refusé ! Oui, encore… Dommage, j'adore cette édition, cela aurait été un bonheur d'être prise chez eux. Tant pis, continuons d'espérer ! Fini les bavardages, place à l'écrit !
Au premier coup d’œil, Lizzie comprit qu’elle
rêvait. Peut-être parce qu’elle était en chemise de nuit au beau milieu de la
forêt et qu’elle ne se rappelait pas comment elle était arrivée là. Elle
observa autour d’elle avec inquiétude. Elle pouvait sentir la sensation
agréable de la terre humide sous ses pieds. La quiétude qui régnait au cœur de
ses arbres apaisa son âme livrée aux interrogations.
-
Jeune
maître ! Jeune maître !
La jeune fille poussa un soupir agacé. Allons bon,
qui venait donc troubler son… Elle aperçut un buisson bouger et une
silhouette s’en extirper. Un jeune garçon, vêtu d’un beau costume tâché de
terre, jeta un regard par-dessus son épaule, un sourire espiègle sur les
lèvres.
-
On dirait
que je l’ai semée…
-
Gilles !
s’étrangla la duchesse.
L’héritier Phamvarna était méconnaissable !
Ses cheveux, d’un châtain presque brun, atteignaient le creux de ses reins en
une longue, longue tresse. Ses yeux bleus riaient, étincelant d’innocence.
Autour de son cou pendait un médaillon en forme d’étoile. C’était
incontestablement Gilles, mais il était si différent de celui que Lizzie
connaissait ! Il lui fallut quelques instants pour mettre le doigt sur ce
qui la dérangeait. Pourtant, c’était bien simple…
Le
Gilles en face d’elle souriait.
Elle
suivit Gilles à travers les arbres. Le garçon chantonnait une mélodie tout en
sautillant entre les arbres, rêveur. Il s’arrêta soudain, comme s’il avait
entendu quelque chose. Intriguée, Lizzie tendit l’oreille. Il lui parvint alors
une voix… douce, chaude et fluide… Une voix belle et tellement
agréable… Quand elle vit son fiancé se diriger vers la source de cette
voix, elle réalisa avec horreur quelque chose.
-
Gilles !
Ne va pas par là ! cria-t-elle.
Elle
essaya de l’attraper par le coude, mas sa main passa à travers du garçon.
Gilles continua son chemin, insensible à sa détresse, inconscient du
basculement de son destin. Il cherchait la voix, s’arrêtant de temps à autre
pour s’assurait qu’il suivait le bon chemin et reprenait sa marche. Il finit
par se figer, attentif, subjugué par cet ton doux et chantant. Il se laissa
glisser sur une pierre, comme hypnotisé.
Il
lui sembla qu’il ne s’était écoulé que quelques minutes quand la voix se tut.
Déçu, il se leva.
-
Tu as aimé
l’histoire ?
Gilles
et Lizzie sursautèrent et de se retournèrent. Cette dernière hoqueta. Devant
eux se tenait une jeune fille pauvrement vêtu, un livre à la main. Elle était
maigre, comme une enfant des rues, mais elle était… attractive. Elle
tendit le bouquin à son auditeur.
-
Candide.
Belle leçon, non ? “Il faut cultiver notre jardin”.
Gilles,
toujours silencieux, baissa la tête vers l’ouvrage puis la releva pour
détailler les traits de la lectrice. Elle avait un visage anguleux, creusé,
mais doux. Ses yeux brillaient de curiosité. Elle portait sur la tête un
chapeau en cuir usé, sans forme. Lizzie se précipita entre les deux
protagonistes.
-
Gilles
va-t-en ! Cette fille va te
mener à ta perte !
Mais
tout cela était inutile. L’histoire était déjà écrite.
Elle
ne pouvait plus changer le cours de cette destinée.
-
Tu as une
belle voix, complimenta le garçon.
-
Merci,
c’est gentil. Je m’appelle Rima Rami, enfin, c’est comme cela que l’on
m’appelle en tout cas. Et toi ?
-
Gilles,
Gilles Phamvarna.
La
jeune fille sursauta violemment. Elle remarqua alors les longs cheveux tressés
et le pendentif autour du cou de son interlocuteur, symbole de l’héritier de la
famille Phamvarna. De plus, seuls les hommes de caste supérieure étaient
autorisés à porter les cheveux aussi longs…
Et
puis, il y avait ces yeux, de ce bleu si intense, hypnotique… On les disait
d’une couleur unique, sans pareil, plus belle que n’importe quelle autre.
C’était
bien un Phamvarna.
-
Excusez-moi,
mon Seigneur, railla-t-elle, mauvaise. Je ne me serais jamais permise de vous
tutoyer si j’avais su plus tôt à qui j’avais à faire.
-
De quoi
parles-tu ? Oh… je vois… C’est mon nom, n’est-ce pas ?
Un
air déçu, triste même, passa sur le visage du jeune comte. Rima s’en étonna.
Mais qu’est-ce que… Elle se sentait presque coupable du visage misérable
qu’affichait le garçon.
-
Je suis
désolé, s’excusa-t-il finalement. Je vais te laisser.
-
At…
Attendez ! l’arrêta Rima en le saisissant par le poignet.
Elle
retira prestement sa main, comme si elle avait peur que le simple fait de
toucher l’héritier plaçait son poignet sous une lame. Gilles prit ses doigts et
les plaça doucement, mais fermement, contre sa peau.
-
Oui ?
-
Je… Vous… bafouilla
la lectrice. Heu… Vous aimez les histoires ?
Le
visage de Gilles s’illumina.
-
J’adore
ça ! s’exclama-t-il en battant des mains comme un enfant. Je m’échappe
souvent du manoir pour pouvoir lire tranquillement !
-
Vous vous…
échappez ?
-
Oui. La vie
est très agréable là-bas, les domestiques sont vraiment gentils avec mon frère,
mes sœurs et moi. Mais j’ai beaucoup de responsabilités, aussi… C’est un
peu pesant à force, ria-t-il nerveusement. Je suis l’héritier Phamvarna, après
tout ! Mais, quand je lis, là, je suis Gilles et seulement Gilles.
“C’est
parfois plus facile de se confier à une inconnue qu’à une amie”, songea Lizzie
avec un petit sourire. Un appel fit sursauta les trois protagonistes.
-
Jeune
Maître ! Jeune Maître Gilles !
L’intéressé
prit un air embêté.
-
C’est ma
nourrice, confia-t-il. Il faut que j’y aille.
-
Au revoir,
Seigneur, s’inclina légèrement Rima.
-
Au revoir,
Rima ! J’ai été ravi de faire ta connaissance et, qui sait, peut-être
pourra-t-on se revoir.
Rima
ne répondit pas, muette de stupéfaction. Un sourire de loup finit par étirer
ses lèvres alors que la silhouette de l’héritier disparaissait entre les
arbres. Elle tourna les talons et s’enfonça dans la forêt. Après quelques
hésitations, Lizzie choisit de la suivre.
-
Un
Phamvarna ?
-
Ouais,
confirma Rima, les mains enfoncées dans les poches de son manteau. T’imagines
tout l’argent qu’on peut se faire ? Ce Gilles est un blanc bec doublé d’un
naïf. Je n’aurai aucun mal à l’embobiner.
-
C’est une
bonne idée, approuva Wait d’un air carnassier. Ça vous dit, vous autres ?
-
Ouais !
Lizzie
avait d’abord eu du mal à le reconnaître. Plus mince, d’une saleté repoussante,
il abordait un crâne pratiquement rasé, sûrement pour éviter que des poux ne
viennent s’y loger. La duchesse observa autour d’elle, curieuse. Ils se
trouvaient dans une ancienne bibliothèque, visiblement abandonnée. Des tables
aux pieds pourris semblaient sur le poids de s’effondrer, des étagères
éventrées avaient cédé sous le poids trop lourd de leurs entrailles qui étaient
maintenant répandues sur le sol, amalgame de papier et d’encre. Lizzie continua
son exploration en examinant les personnes qui entouraient Wait. Elle reconnut
sans peine Léna et son air hautain. Toboré était très facilement identifiable
également avec son visage rougi par l’alcool. Par contre, il y avait un petit
garçon parmi eux, à peine âgé d’une douzaine d’années. Elle ne se souvenait pas
de l’avoir vu au manoir… Il prit soudainement la parole :
-
Les
Phamvarna ne sont pas de mauvaises personnes !
-
La
ferme ! le rembarra Wait sans ménagement. Ce ne sont que des pourris gâtés
qui se prélassent dans leur manoir avec leurs serviteurs pendant que nous on
crève la dalle ! Et pourquoi donc ? Le sang, la naissance, voilà
pourquoi !
-
Mais…
Wait
sauta à terre, l’air mauvais, appréciant peu qu’on le contredise. Personne ne
fit mine de venir en aide à cet enfant qui tremblait maintenant de peur.
Lizzie, pétrifiée, le vit le saisir par le col.
-
Tu devrais
pourtant comprendre, toi aussi, qu’il y a certaines différences qu’on ne peut
combler. De part la naissance, nous possédons un certain statut qui nous
enchaîne à une condition. La nôtre est d’être des miséreux tout juste bon à
servir de paillasson à ces enflures de riches ! Alors il est normal qu’on
fasse pencher la balance de temps à autre, tu ne crois pas ?
Son
vis-à-vis choisit prudemment de ne pas répondre et il fit bien. Wait, après une
dernière grimace, le relâcha brutalement. Il se tourna vivement vers Rima.
-
Tu sais ce
qu’il te reste à faire.
Le
lendemain, Lizzie repartit avec Rima dans la forêt dans l’espoir de revoir
Gilles. La lectrice s’assit au même endroit que la veille, mais elle n’eut même
pas le temps d’ouvrir le livre qu’une silhouette sautait d’un arbre ! Elle
se reçut souplement sur ses pieds, un grand sourire aux lèvres.
-
Salut,
Rima ! Tu lis quoi, aujourd’hui ? l’interrogea Gilles avec curiosité.
La
jeune fille lui offrit son sourire le plus hypocrite. Elle dénota sa belle
tenue et serra les dents. Dieu qu’elle haïssait ces riches !
-
Vous vous
êtes encore enfuis ?
L’héritier
haussa les épaules avec désinvolture.
-
Si cela
peut attirer l’attention de mes parents, éluda-t-il.
Rima
n’insista pas. Gilles l’observait avec attention et attendait, impatient,
qu’elle commence sa lecture. Doucement, la voix de la jeune fille s’éleva. Elle
se surprit à aimer lire pour cet auditeur si attentif et si passionné. Gilles
était tellement concentré que rien ne semblait pouvoir le troubler. Seule la
voix comptait…
-
Comme celle
d’une sirène, murmura Lizzie pour elle-même, impuissante.
La
lectrice s’interrompit soudainement pour dévisager l’héritier.
-
Qu’est-ce
qu’il y a ? voulut savoir Gilles, déçu qu’elle s’interrompt. Et
qu’arrive-t-il après au héros ?
-
Heu…
je… Je voulais m’excuser de mon comportement de la veille. Il était très
déplacé. Je vous ai repoussé alors que vous n’aviez rien fait de mal. Ai-je
votre pardon ?
-
Non, pas
tant que tu me vouvoieras !
-
Hé bien,
comme vo… tu voudras, Gilles.
-
Merci,
Rima !
Son
sourire était sincère qu’il fit oublier un moment à Lizzie vers quelle
situation cette rencontre allait mener. Elle se mordit la lèvre inférieure,
furieuse de sa propre impuissance. Rima et Gilles s’étaient mis à bavarder
gaiement. La duchesse reporta son attention sur eux, surprise. La lectrice
semblait si détendue… On voyait clairement qu’elle prenait plaisir à
parler avec l’héritier. Comment une amitié, pourtant bien démarrée,
s’était-elle changée en haine ?
La
voix de la veille leur parvint soudainement.
-
Jeune
Maître Gilles !
-
Déjà,
ronchonna l’intéressé. Désolé, Rima, je vais devoir y aller…
Alors
que les appels se rapprochaient, Rima agit presque instinctivement, son corps
agit avant sa tête.
-
Reste, s’il
te plaît !
L’héritier
la dévisagea sans comprendre. Lizzie, elle, passa une main sur son visage,
désespérée. Gêné par cette demande inattendue, Gilles hésita avant de lâcher
son approbation. Ils se turent le temps que les appels s’éloignent. Puis la
conversation reprit comme si de rien n’était et dura jusqu’à tard dans la nuit.
Tous deux se séparèrent à contre cœur et se fixèrent un nouveau rendez-vous
pour dans le courant de la semaine. Lizzie, cette fois-ci, décida de suivre son
fiancé.
Si
Lizzie attendait avec impatience à quoi ressemblait le domaine Phamvarna, elle
ne fut guère déçue. Le bâtiment était… magnifique. Trapu, il était
rehaussé de délicates fenêtres en vitrail et ceint de haies mouchetées de roses
blanches, reprenant la teinte éclatante des murs qui contrastait avec la
noirceur des tuiles. Gilles ouvrit la porte doucement et jeta un coup d’œil
dans le hall d’entrée vide de toute présence. La voie était libre ! le
garçon s’élança dans les couloirs, un grand sourire aux lèvres. Lizzie,
surprise par ce brusque départ, se mit à courir à son tour pour ne pas se
laisser distancer. Ses yeux s’écarquillèrent alors qu’elle reconnaissait les
lieux au fur et à mesure de leur course. Gilles s’engouffra soudainement dans
une pièce et referma la porte derrière lui. Il tourna alors sur lui-même en
riant, sa tresse volant autour de sa tête. Il sautilla jusqu’à un tableau
devant lequel il s’inclina respectueusement. Lizzie, curieuse, s’en approcha.
La surprise lui coupa le souffle. Il s’agissait d’un portait… Elle s’en
souvenait encore… Les longues heures de pose qu’elle avait détesté de tous
les pores de son être.
-
Mademoiselle,
la salua Gilles ironiquement. Hé, tu as vu ! Elle était là !
-
Gilles…
-
C’est une
fille chouette, Rima ! Je pense qu’on va devenir bons amis. Mais n’oublie
pas ! C’est un secret ! ajouta-t-il avec un clin d’œil en posant un
doigt sur ses lèvres.
-
Gilles !
appela soudain une voix. C’est l’heure !
-
J’arrive,
Holly !
Gilles
prit le temps de se changer avant de filer. Il descendit l’escalier en glissant
sur la rampe et sauta à terre. Holly fronça les sourcils, faussement sévère.
-
Allons,
jeune homme ! Vous êtes en retard !
-
Mais ce
n’est même pas la peine de s’exercer ! protesta Gilles. Tu es tellement douée
que toute répétition s’avère inutile !
-
Si les
parents viennent, c’est essentiellement pour te voir, toi, leur héritier, lui
rappela doucement son aînée.
Le
visage de son frère se ferma. Lizzie vit Holly poser ses deux mains blanches
sur les épaules de son benjamin comme pour le réconforter. Elle respirait le
calme et la dignité. Sa maladie l’avait donc tant changée ?
Lizzie
les suivit dans un salon chargé de tentures. Assise près d’un piano, les
jumeaux jouaient un morceau ensemble. La mélodie, complexe et rythmée, ravit
Gilles qui applaudit sans retenue, une fois les deux musiciens levés. Les
quatre enfants Phamvarna se mirent à discuter sans tabous, calmes, tranquilles
et enjoués. Une scène de famille croquée au fusain, aquarellée avec tendresse et
délicatesse. La duchesse, le cœur serré, se recula. Elle avait l’impression
d’espionner, d’être un vulgaire voyeur. Quand tout cela se
terminerait-il ? Quand pourrait-elle enfin se réveiller ? Alors que
la musique s’élevait de nouveau, une lumière jaillit et éblouit Lizzie. Quand
elle put de nouveau voir ce qui se passait autour d’elle, elle constata avec
stupéfaction qu’elle était de nouveau dans la bibliothèque abandonnée.
-
Alors, que
décides-tu ? demanda une voix avec une certaine agressivité.
Inquiète,
la duchesse s’empressa de trouver la source de cette tension. Elle tomba sur
Rima, face à face avec l’enfant qui avait osé défier Wait, auparavant. La jeune
femme émit un drôle de rictus.
-
Je relance,
décida-t-elle.
Elle
piocha quelques pièces dans sa bourse qu’elle déposa avec d’autres au centre
d’un livre qui leur servait de tapis de jeu.
-
Pas mal,
admit son adversaire. Mais…
-
Ne me dis
pas que tu as encore gagné !
-
Et
si !
-
Kanvre, tu
es un tricheur !
-
Mauvaise
perdante !
Kanvre
accompagna sa réplique par un petit bout de langue rose qui vint pendre hors de
ses lèvres, ce qui alimenta la colère de Rima. Le gagnant s’apprêtait à
empocher la mise quand un hululement de chouette leur parvint soudain. Kanvre
pâlit et coula un drôle de regard à Rima.
-
Heu… Ça,
ça doit être une chouette blessée ! Je vais voir !
Il
se leva si précipitamment qu’il en oublia son argent ! Rima haussa les
épaules. Comme si une chouette pouvait émettre un tel son…
-
Wait, je
sors, indiqua-t-elle en coinçant un livre sous son bras.
L’intéressé
ne répondit pas, absorbé par quelque tâche. La lectrice quitta leur refuge et
se dirigea d’un pas tranquille vers la forêt. Dans les ruelles mal famées de la
cité, elle croisa quelques gamins pouilleux qui couraient se réfugier dans les
pattes de leurs mères alors que des hommes venaient caresser leurs seins. Rima
les ignora, son chapeau enfoncé sur sa tête. Elle aurait fini comme ça si Wait
ne l’avait pas pris sous son aile, il y a de ça maintenant cinq ans… Elle
lui devait la vie.
Elle
gagna le couvert des arbres avec soulagement. La tranquillité de ce lieu
l’apaisait. Pourtant, aujourd’hui, il y régnait une tension à couper au
couteau… Intriguée, Rima s’arrêta. Qu’est-ce que… Elle tendit
l’oreille, interloquée. C’est alors qu’elle perçut de faibles sanglots entre
les arbres. Rima se tendit. Elle connaissait cette voix… Elle lâcha son
livre alors qu’elle se mettait à courir.
-
Gilles !
s’époumona-t-elle.
Lizzie,
tout aussi inquiète, s’empressa de la suivre à toute vitesse. Elles débouchèrent
sur une clairière où elles trouvèrent l’héritier assis dans la poussière, vêtu
d’un costume déchiré. Ses cheveux étaient défaits et il tenait entre ses mains
jointes son médaillon, tête basse, les épaules secouées de sanglots. Lizzie ne
comprenait pas… Qu’était-il arrivé au jeune garçon ? Rima sembla
hésiter.
-
G…
Gilles ? finit-elle par l’appeler tout doucement.
L’intéressé
sembla prendre brusquement conscience de sa présence et se redressa vivement,
le feu aux joues, honteux d’avoir été surpris dans une telle position de
faiblesse.
-
Bon…
Bonjour, Rima ! la salua-t-il avec empressement. Comment vas-tu ?
Il
réajusta maladroitement sa tenue, tâchant d’avoir l’air un peu plus
présentable. Rima s’avança.
-
Qu’est-ce
qui se passe ? lui demanda-t-elle vivement ? Quelque chose est
arrivé ?
-
Oh, ce
n’est rien, une chute ! lui assura-t-il.
-
Tu saignes…
En
effet, une tâche sombre avait fleuri sur le costume du jeune homme. L’héritier
posa une main sur son bras et le serra, espérant ainsi bloquer ses tremblements.
-
Je suis
juste tombé de l’arbre, souffla-t-il, le regard fuyant.
-
Tu
mens !
Le
garçon sursauta devant la violence du ton de Rima. Un rictus nerveux joua sur
ses lèvres alors que son regard se faisait lointain, désormais.
-
Je ne vois
pas de quoi tu parles, je suis juste tombé. Oui, je suis juste tombé…
Rima
avait déjà eu à faire à des traumatismes. Des gamins violés, elle en avait déjà
rencontré dans sa vie, des femmes battues, des témoins de mort
violente… Elle savait que, dans ces cas-là, mieux ne valait pas brusquer
le sujet au trauma. Alors, doucement, mais fermement, elle attira Gilles dans
ses bras. Ce dernier sursauta et leva un regard étonné sur elle.
-
Rima ?
-
Qui t’as
fait ça ? Tu peux me le dire, tu sais…
Gilles
voulut se dégager, mais Rima le tenait fermement entre ses bras. Elle le
sentait trembler contre lui et resserra son étreinte. Doucement, alors, le
garçon se mit à parler.
-
Mes
parents… devaient venir exceptionnellement nous rendre visite au
manoir… puisqu’ils ne vivent pas avec nous… préférant leur résidence
secondaire à leurs propres enfants…
-
Et ils ont
annulé ? l’encouragea gentiment la jeune femme.
Gilles
eut un rire nerveux.
-
Non, ça
c’était la dernière fois… Mais… quand j’ai voulu prendre mes parents
dans mes bras… Ils m’ont repoussé. Mon père s’est mis à crier parce qu’il
trouvait mon comportement indigne d’un héritier et ma mère m’a giflé…
-
Quoi ?
-
Avec mes
sœurs et mon frère, nous leur avions organisé une représentation musicale, mais
ils ont refusé de l’écouter. Mes sœurs sont restées très dignes, mais Black, mon
frère, n’a pas pu s’empêcher de leur dire sa façon de penser… et c’est sur
moi que c’est retombé.
-
Il faut te
soigner !
-
Non… c’est
bon… L’habitude.
Lizzie
aurait tant aimé pouvoir changer la suite des évènements. Elle vit Rima
chuchotait quelque parole à l’oreille de celui qu’elle était censée détruire
avant de se pencher sur lui et d’effleurer ses lèvres des siennes. Elle
détourna les yeux, impuissante, se sentant terriblement faible. Mais cette
scène n’appartenait qu’à eux deux… Elle s’éloigna entre les arbres,
méditant sur le sens de tout cela, sur le sens de cet étrange rêve, déchirée
entre le désir de s’enfuir et celui de demeurer spectatrice jusqu’au bout.
Un
craquement sec la fit sursauter et elle redressa vivement la tête. Elle
reconnut alors une imposante silhouette qui se découpait entre les arbres.
-
Gilles !
rugit-elle d’une voix de stentor.
-
Le seigneur
Phamvarna, déglutit péniblement Lizzie. Oh, Gilles…
Elle
courut dans la direction des deux amants qui, eux aussi, avaient entendu la
voix. L’héritier, aussi pâle qu’un fantôme, se détacha à contre cœur de
Rima.
-
C’est mon
père, je dois y aller…
Rima
approuva silencieusement, sachant qu’ils ne pouvaient lutter contre un tel
homme. Gilles commençait à s’éloigner quand il sembla hésiter. Il fit
brusquement volte face pour arracher un dernier baiser à Rima. Il se sentit
rougir, surpris par sa propre audace et fuit sans laisser le temps à la jeune
femme de réagir. Mûe par quelque instinct, la lectrice lui emboîta
discrètement le pas. Dissimulée par le rideau de verdure, elle observa Gilles
courber l’échine devant un homme à la carrure impressionnante. Le premier coup
qu’il donna envoya son fils à terre. Rima retint difficilement un cri de colère
et de stupeur. Elle voulut intervenir, mais une main la saisit par le poignet
pour l’obliger à demeurer cacher.
-
Ne fais pas
ça, chuchota Kanvre près d’elle sans quitter le père des yeux. Il ne le
battrait que plus fort…
-
Kanvre, s’étrangla
Rima, mais…
-
Viens,
partons… Il ne faut jamais se mêler des affaires familiales des Phamvarna,
je l’ai promis à Holly…
-
Holly ?
Mais…
-
Viens, je t’expliquerai
tout à la bibliothèque.
Rima
fut obligée de le suivre, mais jetait fréquemment des coups d’œil par-dessus
son épaule. Lizzie, elle, ne parvenait à détacher son regard du corps
recroquevillé de son fiancé, choquée par cet acte de violence.
Jamais… Jamais ses parents n’avaient levé la main sur elle. Ils s’étaient
parfois montré injustes ou égoïstes, mais ils n’avaient jamais fait montre de
violence envers elle !
Les
larmes aux yeux, elle se détourna de ce pitoyable spectacle et s’empressa de
suivre Kanvre et Rima.
La suite, la prochaine fois ! Merci à tous pour vos visites de plus en plus nombreuses, cela me fait énormément plaisir ! Continuez de me lire, s'il vous plaît ! Je vous promets toujours de meilleurs articles !
J'en profite pour rappeler que le concours “A vous la suite !” va bientôt être lancé ! Attendez l'évènement avec impatience, s'il vous plaît !
A très bientôt !
Marine Lafontaine
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