Marlyne
suivait docilement ladite Jaide. Quand celle-ci lui fit signe de patienter
alors qu’elle pénétrait l’univers odorant des cuisines, l’almée s’adossa à un
mur et observa autour d’elle avec application, notant avec soin chaque détail
dans un coin de sa mémoire.
-
J’ai enfin réussi à me rendre dans l’antre de la bête,
murmura-t-elle avec un mauvais sourire.
Elle poussa un
soupir de soulagement. Heureusement qu’elle avait croisé cette almée sur sa
route… Si elle n’avait pas pris sa place, pénétrer le territoire du
terrible seigneur Arzhel se serait révélé bien plus ardu. Peut-être que cela
lui aurait pris des années encore !
“J’ai entendu
dire que le roi en personne devait venir ce soir”, analysa-t-elle, sourcils
froncés. “Ils devraient tous être bien occupés… Alors je dois le trouver avant
demain et prendre la poudre d’escampette aussi vite que possible.” Elle jeta un
coup d’œil aux portes closes de la cuisine. Jaide semblait occupée… Elle
trouverait bien une excuse plus tard. Sans plus hésiter, Marlyne se détourna et
commença son exploration.
Dans les
cuisines, Jack Cadillac, jeune héritier plein aux as, propriétaire d’une magnifique
propriété en Californie… avait une spatule à la main. Il considérait
l’instrument avec des yeux ronds, se demandant encore comment il en était
arrivé là.
-
Jack, retourne-moi cette viande, nom de Dieu ! Cesse de
rêvasser mon garçon !
-
Heu, oui !
“Pourquoi je
suis obligé de faire ça, moi !?” Jaide, qui s’était assise sur le plan de
travail pour l’observer, s’amusait vraiment des gestes maladroits du jeune
homme. Bien que les cuisiniers aient tenté de la déloger, elle était décidée à
ne pas bouger de son perchoir.
-
Tu n’étais pas censée t’occuper de l’almée toi ? lui
demanda Séchar, le maître des lieux.
-
Mon cher petit chef, lui répondit Jaide avec un sourire
moqueur, c’est une almée, justement. Je déteste ces filles…
-
Excusez-moi, mais c’est quoi une almée ?
Jack était
interpellé par ce terme. Il ne se souvenait pas de l’avoir entendu auparavant.
L’aide du cuisinier en chef soupira devant tant d’ignorance.
-
Une almée est une femme chargée d’en instruire d’autres, lui
expliqua Séchar en hachant un oignon. Ces enseignements portent sur la couture,
la danse, la poésie…
-
Et les clientes sont soi des femmes aristocrates, soi des
femmes de harem, comme nous, souffla Jaide. Je hais ce genre de personnes.
-
Pourquoi ? s’étonna Jack, captivé presque malgré lui.
-
Pourquoi ? ricana la jeune femme. Parce qu’elles nous
traitent toujours avec condescendance. Nous ne sommes rien pour elles. C’est
d’autant plus vrai maintenant que nous sommes devenues des putains de haute
gamme.
-
Jaide, gronda Séchar. Nous en avons déjà parlé. Vous n’êtes
pas des putains. Vous formez toujours un harem. C’est juste que le seigneur
Arhzel n’a plus assez d’argent pour toutes vous entretenir correctement.
“Le seigneur
Arzhel… murmura Jack pour lui-même. Mon ancêtre… ? Mais que
dois-je faire ? Suis-je vraiment… dans le passé ?”
-
Tu sembles songeur, s’amusa la jeune femme en s’approchant de
lui. Pour un voleur de pacotille, tu sembles bien élevé.
-
J’ai été bien élevé, rétorqua sèchement l’intéressé en
fronçant les sourcils.
-
Oh…
Séchar, le
voyant inactif, vint lui tirer l’oreille pour qu’il se remette au travail. Jack
allait protester contre un tel un traitement, mais il se ravisa quand Séchar le
foudroya du regard quand il ouvrait la bouche. Il se renfrogna et retourna
s’occuper de la viande dans le four enfumé en grommelant. Jaide le suivit du
regard. Ses yeux aigus glissèrent sur sa silhouette.
-
Ce n’est pas un voleur, murmura-t-elle.
-
Tu es sûr ? lui chuchota Séchar.
-
Crois-moi, j’étais une voleuse à la volée avant d’être arrêtée
et achetée par le père du seigneur Arzhel. Je sais reconnaître un semblable
quand j’en vois un. Je pense que si ce Jack devait avoir a volé quoique ce
soit, il se ferait remarquer immédiatement…
-
Alors que fait-il là ? questionna l’aide cuisinier,
sourcils froncés.
-
Je ne sais pas, Ridaö. Torja est sorti, mais dès qu’il
reviendra, je lui en parlerai… En attendant, surveille-le, OK ?
-
Bien.
Jaide se
laissa glisser sur le sol dans un soupir.
-
Bon allez, faut que je m’occupe de cette fichue almée, moi…
marmonna-t-elle.
Mais quand
elle ouvrit la porte…
-
Oh la connasse !
-
Qu’est-ce qui se passe ? s’inquiéta Ridaö.
-
Elle a filé ! Je vais me faire enguirlander par le
seigneur Arzhel si je ne la retrouve pas ! Ridaö, viens avec moi !
-
Heu, oui !
Séchar et Jack
se retrouvèrent seuls dans les cuisines en moins de temps qu’il n’en faut pour
le dire.
-
Bravo, mon garçon, te voilà monté en grade ! Tu es
maintenant aide cuisinier !
-
Hein, mais… !
-
Allez, arrête de traîner et viens me battre ces œufs !
Jack obéit en
grommelant. Alors qu’il se saisissait du fouet qu’on lui tendait, il faisait
fonctionner à toute allure les rouages de son cerveau. A en croire les dires
des trois personnes qu’il venait de rencontrer, il se trouverait chez un
seigneur nommé Arhzel, fiancé à une comtesse qui portait le même nom de famille
que lui. Que pouvait-il en conclure ? Comment avait-il atterri là ?
Il ne se souvenait pas d’avoir quitté sa chambre…
Et si… Et
s’il était réellement dans le passé ? Non, impossible. Il devait bien
exister une explication logique à tout ça !
-
Séchar !
Un nouvel
arrivant venait d’investir les cuisines. Décidemment, ce lieu était pire qu’un
moulin ! Il posa sur lui un regard parfaitement inexpressif.
-
J’ai croisé Jaide dans les couloirs, indiqua l’homme d’une
voix neutre. Elle m’a dit que vous aviez recueilli un voleur.
-
Recueillir est un bien grand mot, grogna le cuisinier en
continuant de faire monter sa crème. Mais je manque cruellement de main d’œuvre
alors j’ai pris ce que j’avais sous la main. On l’a surpris près de la
cave.
-
Et que fait-il là ?
-
Et si vous me demandiez plutôt que de parler comme si je
n’étais pas là ? coupa sèchement Jack.
Il n’ignorait
pas qu’il n’était pas du tout, mais alors pas du tout en position de force,
mais il n’aurait pas supporté bien plus longtemps que ces deux-là continuent de
casser du sucre sur son dos alors qu’il se trouvait à trois pas d’eux. Aron
avait toujours dit qu’il avait plutôt une fierté mal placée, surtout dans les
mauvais moments.
Séchar se
tourna vers lui, mauvais.
-
Tu ferais mieux de fermer ton bec, mon garçon. Torja pourrait
très bien te faire fouetter pour avoir été surpris à rôder sur le territoire du
seigneur Arzhel. N’aggrave pas ton cas.
-
Puisque je vous dis que je ne sais pas comment j’ai atterri
ici ! s’emporta Jack. C’est la pure vérité ! J’aimerai bien rentrer
chez moi, maintenant !
-
A t-il été fouillé ? questionna Torja.
-
Oui, bien sûr, répondit le cuisinier. Il semblerait qu’il
n’ait rien volé.
-
Il t’est utile, Séchar ?
-
Moyennement.
-
Alors renvoie-le chez lui. Nous passerons l’éponge pour
aujourd’hui vu que nous n’avons pas le temps de nous préoccuper de son cas.
Mais si on t’y reprends, toi, je ne serai pas aussi coulant.
Jack soutint
le regard de poisson mort du secrétaire sans sourciller. Séchar lui donna un coup
de coude pour qu’il arrête. Torja poussa un soupir.
-
Fais-le moi dégager, Séchar.
-
Bien.
Le cuisinier
saisit l’intrus par le coude pour le forcer à le suivre. Jack se dégagea
brutalement, mais consentit à le suivre. Quand ils atteignirent la sortie, Séchar
soupira.
-
Tu m’as l’air d’être une sacrée tête de mule, mon garçon. Mais
ne reviens pas. Torja était préoccupé par la recherche d’un musicien et d’une
nymphe pour ce soir, donc il n’a pas fait attention à toi, mais il ne te
laissera pas repartir comme ça la prochaine fois.
-
Vous cherchez un musicien ? s’étonna Jack.
-
Oui. Jusque-là, aucun n’a su satisfaire le seigneur Arzhel.
Allez, je dois y retourner. Prends soin de toi.
-
Attends Séchar !
Jack l’attrapa
par le poignet. Une toute nouvelle idée venait de germer dans sa tête. Il ne
pouvait pas quitter cet endroit, pas encore, pas avant d’avoir trouvé un moyen
de rentrer chez lui.
Ni avant
d’avoir rencontré Arzhel…
Marlyne
referma précautionneusement la porte derrière elle. Encore une chambre
luxueuse. Pas de coffre, pas de sécurité. Il n’était sûrement pas caché là… La
jeune femme se mordilla l’ongle du pouce droit, sourcils froncés. Où pouvait-il
donc être ?
-
Quand même pas dans le bureau où Jaide m’a conduite tout à
l’heure ? murmura-t-elle. Si c’est le cas, je vais devoir attendre que
Arzhel en sorte pour m’y introduire…
Des bruits de
pas précipitèrent lui parvinrent. Marlyne s’empressa de se couler derrière des
rideaux pour ne pas se faire repérer. Elle jeta un coup d’œil à l’extérieur,
curieuse de savoir qui courait. Elle vit Jaide, accompagnée d’un garçon. Ils
devaient être à sa recherche… Elle attendit qu’ils soient sortis de son
champ de vision pour partir dans la direction inverse à la leur. Elle continua
à parcourir les nombreux couloirs qui transformaient la demeure en véritable
labyrinthe. Elle s’arrêta à un carrefour, soudainement prise de doutes.
-
Oh là là, s’exclama-t-elle en écarquillant les yeux. Est-ce
que je me serai perdue ?
Elle observa
autour d’elle, mais devait belle et bien le reconnaître : elle ignorait
totalement où elle se trouvait. Elle avança de quelques pas hésitants et son
visage passa de la totale et parfaite stupéfaction à la peur qu’une vague de
colère vint submerger.
-
C’est quoi cette connerie de palais ? cracha-t-elle,
furieuse. On n’a pas idée de construire de pareils bâtiments de nos jours,
franchement ! Saleté !
Elle piétina
un moment sur place comme une gamine en colère avant de se reprendre. Elle
observa les alentours avec calme. Après une courte hésitation, elle se décida
pour emprunter le couloir de gauche. Très vite, la lumière des candélabres
mourut et elle eut l’impression d’être immergée dans un autre monde. Quelle était cette partie du palais ?
Peut-être que
c’était ici qu’il le cachait…
Mais alors qu’elle
s’avançait, une main surgie de l’ombre des cariatides pour la tirer brutalement
en arrière. Marlyne porta la main à sa cuisse pour attraper le couteau qu’elle
avait dissimuler, mais des doigts froids saisirent son poignet pour le tordre
dans son dos.
-
Je l’ai attrapée, la petite menteuse…
Marlyne
hoqueta et ses yeux s’écarquillèrent. Devant elle se dressait un homme habillé
de rouge. Ses yeux de félin luisaient dans cette obscurité surnaturelle. Quand
un sourire vint ourler ses lèvres, il dévoila des crocs d’une blancheur qui
tranchait avec le noir qui poissait la peau de la jeune femme. Alors, un nom
lui vint à la bouche et, sans s’en rendre compte, elle le prononça dans un
murmure étranglé.
-
Vampire…
… Ne me lancez pas la malédiction d'Oyashiro-sama, pitié !
A très vite pour la suite ! Je vous la promets pour la semaine prochaine !
Marine Lafontaine
2 commentaires:
Même si je n'ai strictement aucune idée de qui est Oyashiro-sama… Je crois que tu mérites sa malédiction !
Oyashiro-sama, c'est la divinité du manga Higurashi. C'est du genre, toi t'as fait un truc qui m'a déplu, bah tu vas être écorché vif !
Bon chap. Veut la suiiite !
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