Le voilà enfin, le chapitre 8 ! Le prochain sera le dernier. En attendant, bonne lecture !
- Mademoiselle est souffrante ? répéta Gilles avec étonnement.
-
Voui,
M’sieur Gilles, mentit Sanal sans sourciller. E’ va pas bien, la M'amzelle.
-
Ah,
d’accord… Puis-je faire quelque chose pour l’aider ?
-
Non, c’est
bon. Faut jus’ qu’e’ do’me.
-
Je vois. Je
la confie à vos bons soins, alors.
-
Me’ci,
M’sieur Gilles.
Songeur,
Gilles délaissa son invité. Lizzie, malade ? La jeune fille lui avait
pourtant parue de solide constitution. Aurait-elle attrapé du mal avec tous les
courants d’air du manoir ? La chose ne l’étonnerait guère. Un soupir
franchit ses lèvres alors qu’il pénétrait une salle tout en longueur où
siégeait Wait en bout de table. Ce dernier ne fit pas attention à lui, tout à
sa fureur.
-
Où
est-elle ?! hurla-t-il de nouveau. Où est passé cette fille ?!
-
Je… Je
l’ignore, balbutia Toboré, cible principale de la colère de son chef. Je la
surveillai, mais elle m’a échappé…
Il
se recroquevilla lamentablement sous le regard incendiaire de son chef alors
que Léna demeurait parfaitement stoïque. Wait se tourna alors vers Gilles.
-
Où est
cette garce de Rima ?! beugla-t-il en frappant du poing sur la table.
-
Je ne sais
pas, répliqua l’intéressé. En quoi cela me concerne-t-il ?
-
Si le
moindre agent de l’ordre se pointe ici, je descend Holly, tu es prévenu !
-
Oui…
-
Bien !
C’est aujourd’hui que nous devons rencontrer le couturier, non ? Où est
passée l’autre pimbêche ?
-
Elle est
souffrante.
-
Tant pis,
nous irons sans elle. Léna, Gilles, vous m’accompagnez. Toboré, tu te charges
de la demoiselle. Rend-toi utile pour une fois et fais en sorte qu’elle n’aille
pas fouiner dans les alentours.
-
Compte sur
moi, acquiesça rapidement le garçon, soucieux de bien faire.
Plus
tard, alors que Gilles aidait Wait à enfiler une veste brodée de fils d’argent,
l’usurpateur sembla réfléchir intensément.
-
Qu’y
a-t-il ? le questionna le jeune homme, surpris par son silence.
-
J’étais en
train de me demander comment je réagirai si j’étais à ta place. Je crois que je
descendrai celui qui m’humilie de la sorte. Toi, non… Tu es docile comme
un chien, c’est écœurant.
-
Je n’ai pas
le choix si je veux préserver la vie de ma famille, répliqua Gilles d’un ton
amer. Si je t’éliminais, Léna tuerait les miens.
-
Alors
pourquoi ne pas s’occuper d’elle ?
Gilles
ne répondit pas tout de suite, il prit son temps, lissa la veste. Puis il leva
son unique œil sur son ennemi et souffla :
-
Parce que
je ne suis pas comme toi.
Une
fois que les chevaux eurent quitté la propriété, emportant avec eux leurs
cavaliers, Sanal retourna auprès de sa jeune maîtresse. Il la trouva en
cuisines, en compagnie d’Holly qui chantonnait doucement, une carotte à la
main. Dans un coin de la pièce, Toboré ne les lâchait pas du regard, comme s’il
avait peur que la duchesse ne s’envole sous son nez.
A
l’arrivée de son serviteur, Lizzie eut un grand sourire.
-
Te voilà,
Sanal ! Quand tes frères arriveront-ils ?
-
Ils
dev’aient pas ta’der, M'amzelle.
-
Houlà !
les interrompit sèchement Toboré. C’est quoi cette histoire, quels
frères ? Wait ne m’avait pas parlé de ça !
-
Sanal… Je
crois que notre ami a besoin d’une sieste.
-
Oui, M'amzelle.
Sanal
n’eut pas besoin de se faire prier, au contraire ! Il leva une main grande
comme un battoir et l’asséna de toute sa force d’ours sur la joue de Toboré.
Celui-ci tourna sur lui-même sous l’impact et s’effondra sur le sol sans un
cri. Lizzie vit Holly s’accroupir près du garçon, les yeux écarquillés. Un
sourire tordu vint s’inscrire sur ses lèvres alors que son regard halluciné
allait de Toboré à la duchesse.
-
Tout va
bien, lui assura doucement Lizzie en lui prenant la main. Tout ira bien
désormais, Holly…
Sanal
souleva Toboré qu’il jeta sans ménagement sur une chaise où il prit le soin
minutieux de l’attacher avec des nœuds marins comme lui avait appris son père
autrefois. Satisfait, il se tourna vers sa jeune maîtresse.
-
Mes f’èwes
ne de’waient plus êt’ loin, M'amzelle. Je vais les che’cher.
-
Merci,
Sanal.
Lizzie
encouragea Holly à s’asseoir sur une chaise alors qu’elle se tournait vers
Toboré. Un sourire cruel vint ourler ses lèvres. Elle voulait lui faire payer…
Sa morale et son honneur réclamaient vengeance.
Et
elle était entièrement disposée à les écoutait…
Elle
se saisit d’une bouteille qui traînait dans un coin de la cuisine. Elle la
déboucha rapidement avant d’en balancer une partie à la tête du sous-fifre de
Wait. Ce dernier s’éveilla en sursaut, hoqueta et papillonna des yeux, surpris.
Quand il eut repris ses esprits, il fixa la duchesse avec des yeux ronds.
-
Comment
oses-tu, sale… !
-
Tut, tut,
tut… l’interrompit doucement Lizzie avec un sourire. Il vaut mieux
éviter d’être mon ennemi, Toboré. Je peux être encore plus cruelle que Wait
quand je le veux.
Sa
voix était devenue mielleuse alors qu’un éclat froid luisait dans ses yeux.
Elle se mit à tourner autour de la chaise de Toboré qui s’était figé, attendant
avec fébrilité la prochaine action de la jeune duchesse. Cette dernière ne se
fit pas attendre. Lizzie cueillit avec délicatesse un couteau qu’elle fit
tourner entre ses doigts graciles. Puis son sourire s’agrandit.
-
Toboré,
j’aimerai que tu répondes à quelques unes de mes questions.
-
…
-
Pour commencer,
qu’avez-vous fait de Kanvre ?
-
Comment… ?
hoqueta le garçon.
-
Ici, c’est
moi qui pose les questions. Alors ?
-
…
Lizzie
fit la moue. Mais dès qu’elle fit mine d’approcher le couteau de sa victime,
cette dernière glapit pitoyablement et se recroquevilla sur elle-même.
-
Je vais
parler, je vais parler ! Ne me fais rien !
-
Cela
dépendra de tes réponses, répondit Lizzie avec un soupir contrit.
-
Il a été
enfermé dans le sous-sol, le sous-sol !
-
Merci. Les
papiers, maintenant.
-
Les
papiers ?
-
Oui, les
droits de noblesse que vous avez lâchement arrachés à cette famille.
-
Je ne sais
pas.
-
Toboré…
susurra Lizzie alors que le couteau effleurait doucement sa joue.
-
Je
l’ignore, c’est vrai ! cria Toboré. Je n’en ai aucune idée ! Wait a
toujours refusé de nous en parler !
-
Je vois.
La
duchesse délaissa sa victime et jeta le couteau avec répulsion. Dieu qu’elle
détestait la violence… Elle prit la main d’Holly pour qu’elle la suive et
l’emmena loin de son bourreau. L’aînée des Phamvarna se laissa faire, docile
comme une poupée. Lizzie lui offrit un sourire rassurant quand la porte du
vestibule s’ouvrit sur Sanal et ses frères. L’un d’eux se précipita sur
Holly.
-
Je m’occupe
d’elle, assura-t-il avec un sourire. Ne vous inquiétez pas, mademoiselle, la
médecine peut vaincre les maladies les plus graves.
-
Merci,
docteur.
-
M'amzelle,
j’emmène mon f’èwe où ? questionna Sanal.
-
Je vais vous guider.
Elle
prit les devants. Son cœur battait la chamade alors qu’elle parcourait les
couloirs. La porte qui menait aux geôles n’était même pas fermée. En la
poussant, Lizzie fut accueillie par les rires des seigneurs Phamvarna qui
dansaient dans leur cellule, un air extatique sur le visage. Sanal se tourna
vers sa jeune maîtresse, les yeux écarquillés par la surprise.
-
M'amzelle,
qu’est-ce que…
-
Je
t’expliquerai après, Sanal, fais-moi confiance pour le moment, je t’en prie.
-
… Bien.
-
Merci.
La
jeune fille se tourna vers la cellule où Black et Green dormaient à poings
fermés. Elle les appela doucement pour les tirer de leur sommeil. Ce fut la
jumelle qui s’éveilla en premier et qui secoua son frère pour lui désigner la
duchesse.
-
Lady
Elizabeth, que faites-vous ici ? s’étrangla Lando. Si Wait vous surprends
ici…
-
Il n’en
sera rien, je peux vous l’assurer, s’empressa de le rassurer la jeune fille. De
toute manière, tout sera bien vite fini.
-
Comment
cela ?
-
On va vous
sortir de là.
-
Mais…
-
Pas de
discussion. Vous allez partir au manoir secondaire des Nemurine avec Holly et
le médecin. Sanal, je te laisse gérer ici.
-
Où vous
allez, m’amzelle ?
-
Chercher un
ami.
Après
quelques précisions gracieusement fournies par Toboré, Lizzie trouva l’accès
aux sous-sols. Elle frissonna lorsqu’un courant d’air glacé passa sur sa peau.
Dans quel état allait-elle trouver Kanvre ? Etait-il seulement en
vie ? Armée d’une torche et de sa détermination comme seules armes, la jeune
duchesse entreprit une longue descente dans les entrailles de la terre. Les
murs de pierres succédèrent à ceux de terre nue et les marches se firent plus
inégales, de bois. Après s’être tordue plusieurs fois les chevilles,
l’héritière des Nemurine arriva enfin dans une sorte de corridor humide. Les
murs suintaient et des stalactites armaient le plafond de dents acérées.
Intriguée par ce changement de décor, Lizzie balaya son environnement du faisceau
de lumière.
-
Kanvre ! appela-t-elle. Kanvre, où
es-tu ?
Elle
n’obtint nulle réponse. Le ventre serré par l’appréhension (elle se jura
d’arrêter de lire des romans d’épouvante), la jeune fille parcourut lentement
le corridor qui s’élargissait à mesure de son avancée. Finalement, elle
déboucha sur une large salle qui puait la mort. Quand elle découvrit un premier
cadavre de rat, Lizzie recula d’un bond en poussant un cri de surprise.
-
Retourne
d’où tu viens, Rima, je n’ai pas besoin de ta pitié ! cracha soudain une
voix dans les ténèbres.
Lizzie
ravala la peur qui l’avait envahi et se dirigea vers une partie plus basse de la salle. Là, elle trouva un garçon recroquevillé sur lui-même. Il mangeait
quelque chose qu’il cachait avec ses mains.
-
Kanvre ?
appela la jeune fille.
Elle
vit son dos se raidir. Après un temps d’hésitation, il se redressa, la main en
visière pour tempérer la dose de lumière qui s’attaquait à ses rétines.
-
Qui
êtes-vous ? articula-t-il.
-
Je suis
Elizabeth de Nemurine.
-
L’héritière
Nemurine, s’étrangla le garçon. Que faites-vous ici ?
-
Je suis
venue te chercher.
Elle
voulut s’approcher, mais Kanvre la repoussa.
-
Les
Phamvarna le paieront si vous faites ça !
-
Tout ira
bien, Kanvre, cesse de t’inquiéter. Tout ira bien.
Elle
l’aida à se maintenir debout sur ses faibles jambes. Le pauvre était dans un
état de maigreur épouvantable. Il s’accrocha désespérément à la duchesse pour
ne pas tomber, trop épuisé pour marcher seul. Lizzie l’encouragea doucement à
se redresser, lui souriant presque tendrement. L’ascension des marches fut une étape
plus pénible, mais, à force de patience et de paroles encourageantes, ils
parvinrent enfin au rez-de-chaussée où Kanvre fut très vite pris en charge par
le médecin.
-
Comment va
Holly ? l’interrogea Lizzie avec inquiétude.
-
Ne vous en
faites pas, demoiselle, lui sourit le docteur. Les médicaments qui lui étaient
fournis étaient la raison de son état : ils la plongeaient dans une
torpeur hallucinogène qui provoquaient des troubles dans son cerveau.
Avec du repos et du calme, elle devrait se remettre plutôt
rapidement.
-
Quel
soulagement…
Une
fois les Phamvarna délivrés, ils furent installé dans une carriole avec Kanvre.
Lando se pencha à la fenêtre.
-
Nous
vous devons tout, Lady… murmura-t-il, un sourire triste dans la voix.
Jamais nous ne pourrons nous acquitter de notre dette.
-
Commencez
par vous remettre de votre captivité, lui sourit Lizzie. Après, nous en
reparlerons.
-
Merci.
Sa
jumelle saisit la main de la duchesse pour la presser entre les siennes. Ses yeux
valaient tous les discours du monde. Le médecin et le forgeron prirent les rênes
et saluèrent leur frère.
-
Que
comptez-vous fai’, maint’nant ? voulut savoir Sanal alors que la carriole
s’éloignait.
Lizzie
prit une profonde inspiration alors qu’un sourire appréhensif venait ourler ses
lèvres.
-
On va arrêter
l’imposteur.
Marine Lafontaine
3 commentaires:
On reste sur notre faim :(
Oui, désolée, la suite devrait venir assez vite, pas de problème !
j'ai beaucoup aimé !
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