dimanche 12 mai 2013

CHAPITRE 8

Le voilà enfin, le chapitre 8 ! Le prochain sera le dernier. En attendant, bonne lecture !


-                Mademoiselle est souffrante ? répéta Gilles avec étonnement.
-                Voui, M’sieur Gilles, mentit Sanal sans sourciller. E’ va pas bien, la M'amzelle.
-                Ah, d’accord… Puis-je faire quelque chose pour l’aider ?
-                Non, c’est bon. Faut jus’ qu’e’ do’me.
-                Je vois. Je la confie à vos bons soins, alors.
-                Me’ci, M’sieur Gilles.
Songeur, Gilles délaissa son invité. Lizzie, malade ? La jeune fille lui avait pourtant parue de solide constitution. Aurait-elle attrapé du mal avec tous les courants d’air du manoir ? La chose ne l’étonnerait guère. Un soupir franchit ses lèvres alors qu’il pénétrait une salle tout en longueur où siégeait Wait en bout de table. Ce dernier ne fit pas attention à lui, tout à sa fureur.
-                Où est-elle ?! hurla-t-il de nouveau. Où est passé cette fille ?!
-                Je… Je l’ignore, balbutia Toboré, cible principale de la colère de son chef. Je la surveillai, mais elle m’a échappé…  
Il se recroquevilla lamentablement sous le regard incendiaire de son chef alors que Léna demeurait parfaitement stoïque. Wait se tourna alors vers Gilles.
-                Où est cette garce de Rima ?! beugla-t-il en frappant du poing sur la table.
-                Je ne sais pas, répliqua l’intéressé. En quoi cela me concerne-t-il ?
-                Si le moindre agent de l’ordre se pointe ici, je descend Holly, tu es prévenu !
-                Oui… 
-                Bien ! C’est aujourd’hui que nous devons rencontrer le couturier, non ? Où est passée l’autre pimbêche ?
-                Elle est souffrante.
-                Tant pis, nous irons sans elle. Léna, Gilles, vous m’accompagnez. Toboré, tu te charges de la demoiselle. Rend-toi utile pour une fois et fais en sorte qu’elle n’aille pas fouiner dans les alentours.
-                Compte sur moi, acquiesça rapidement le garçon, soucieux de bien faire.
Plus tard, alors que Gilles aidait Wait à enfiler une veste brodée de fils d’argent, l’usurpateur sembla réfléchir intensément.
-                Qu’y a-t-il ? le questionna le jeune homme, surpris par son silence.
-                J’étais en train de me demander comment je réagirai si j’étais à ta place. Je crois que je descendrai celui qui m’humilie de la sorte. Toi, non… Tu es docile comme un chien, c’est écœurant.
-                Je n’ai pas le choix si je veux préserver la vie de ma famille, répliqua Gilles d’un ton amer. Si je t’éliminais, Léna tuerait les miens.
-                Alors pourquoi ne pas s’occuper d’elle ?
Gilles ne répondit pas tout de suite, il prit son temps, lissa la veste. Puis il leva son unique œil sur son ennemi et souffla :
-                Parce que je ne suis pas comme toi.

Une fois que les chevaux eurent quitté la propriété, emportant avec eux leurs cavaliers, Sanal retourna auprès de sa jeune maîtresse. Il la trouva en cuisines, en compagnie d’Holly qui chantonnait doucement, une carotte à la main. Dans un coin de la pièce, Toboré ne les lâchait pas du regard, comme s’il avait peur que la duchesse ne s’envole sous son nez.
A l’arrivée de son serviteur, Lizzie eut un grand sourire.
-                Te voilà, Sanal ! Quand tes frères arriveront-ils ?
-                Ils dev’aient pas ta’der, M'amzelle.
-                Houlà ! les interrompit sèchement Toboré. C’est quoi cette histoire, quels frères ? Wait ne m’avait pas parlé de ça !
-                Sanal… Je crois que notre ami a besoin d’une sieste.
-                Oui, M'amzelle.
Sanal n’eut pas besoin de se faire prier, au contraire ! Il leva une main grande comme un battoir et l’asséna de toute sa force d’ours sur la joue de Toboré. Celui-ci tourna sur lui-même sous l’impact et s’effondra sur le sol sans un cri. Lizzie vit Holly s’accroupir près du garçon, les yeux écarquillés. Un sourire tordu vint s’inscrire sur ses lèvres alors que son regard halluciné allait de Toboré à la duchesse. 
-                Tout va bien, lui assura doucement Lizzie en lui prenant la main. Tout ira bien désormais, Holly… 
Sanal souleva Toboré qu’il jeta sans ménagement sur une chaise où il prit le soin minutieux de l’attacher avec des nœuds marins comme lui avait appris son père autrefois. Satisfait, il se tourna vers sa jeune maîtresse.
-                Mes f’èwes ne de’waient plus êt’ loin, M'amzelle. Je vais les che’cher.
-                Merci, Sanal.
Lizzie encouragea Holly à s’asseoir sur une chaise alors qu’elle se tournait vers Toboré. Un sourire cruel vint ourler ses lèvres. Elle voulait lui faire payer… Sa morale et son honneur réclamaient vengeance.
Et elle était entièrement disposée à les écoutait…
Elle se saisit d’une bouteille qui traînait dans un coin de la cuisine. Elle la déboucha rapidement avant d’en balancer une partie à la tête du sous-fifre de Wait. Ce dernier s’éveilla en sursaut, hoqueta et papillonna des yeux, surpris. Quand il eut repris ses esprits, il fixa la duchesse avec des yeux ronds.   
-                Comment oses-tu, sale… !
-                Tut, tut, tut… l’interrompit doucement Lizzie avec un sourire. Il vaut mieux éviter d’être mon ennemi, Toboré. Je peux être encore plus cruelle que Wait quand je le veux.
Sa voix était devenue mielleuse alors qu’un éclat froid luisait dans ses yeux. Elle se mit à tourner autour de la chaise de Toboré qui s’était figé, attendant avec fébrilité la prochaine action de la jeune duchesse. Cette dernière ne se fit pas attendre. Lizzie cueillit avec délicatesse un couteau qu’elle fit tourner entre ses doigts graciles. Puis son sourire s’agrandit.
-                Toboré, j’aimerai que tu répondes à quelques unes de mes questions.
-               
-                Pour commencer, qu’avez-vous fait de Kanvre ?
-                Comment… ? hoqueta le garçon.
-                Ici, c’est moi qui pose les questions. Alors ?
-                … 
Lizzie fit la moue. Mais dès qu’elle fit mine d’approcher le couteau de sa victime, cette dernière glapit pitoyablement et se recroquevilla sur elle-même.
-                Je vais parler, je vais parler ! Ne me fais rien !
-                Cela dépendra de tes réponses, répondit Lizzie avec un soupir contrit.
-                Il a été enfermé dans le sous-sol, le sous-sol !
-                Merci. Les papiers, maintenant.
-                Les papiers ?
-                Oui, les droits de noblesse que vous avez lâchement arrachés à cette famille.
-                Je ne sais pas.
-                Toboré… susurra Lizzie alors que le couteau effleurait doucement sa joue.
-                Je l’ignore, c’est vrai ! cria Toboré. Je n’en ai aucune idée ! Wait a toujours refusé de nous en parler !
-                Je vois.
La duchesse délaissa sa victime et jeta le couteau avec répulsion. Dieu qu’elle détestait la violence… Elle prit la main d’Holly pour qu’elle la suive et l’emmena loin de son bourreau. L’aînée des Phamvarna se laissa faire, docile comme une poupée. Lizzie lui offrit un sourire rassurant quand la porte du vestibule s’ouvrit sur Sanal et ses frères. L’un d’eux se précipita sur Holly. 
-                Je m’occupe d’elle, assura-t-il avec un sourire. Ne vous inquiétez pas, mademoiselle, la médecine peut vaincre les maladies les plus graves.
-                Merci, docteur.
-                M'amzelle, j’emmène mon f’èwe où ? questionna Sanal.
-                 Je vais vous guider.
Elle prit les devants. Son cœur battait la chamade alors qu’elle parcourait les couloirs. La porte qui menait aux geôles n’était même pas fermée. En la poussant, Lizzie fut accueillie par les rires des seigneurs Phamvarna qui dansaient dans leur cellule, un air extatique sur le visage. Sanal se tourna vers sa jeune maîtresse, les yeux écarquillés par la surprise. 
-                M'amzelle, qu’est-ce que…
-                Je t’expliquerai après, Sanal, fais-moi confiance pour le moment, je t’en prie.
-                … Bien.
-                Merci.
La jeune fille se tourna vers la cellule où Black et Green dormaient à poings fermés. Elle les appela doucement pour les tirer de leur sommeil. Ce fut la jumelle qui s’éveilla en premier et qui secoua son frère pour lui désigner la duchesse.
-                Lady Elizabeth, que faites-vous ici ? s’étrangla Lando. Si Wait vous surprends ici… 
-                Il n’en sera rien, je peux vous l’assurer, s’empressa de le rassurer la jeune fille. De toute manière, tout sera bien vite fini.
-                Comment cela ?
-                On va vous sortir de là.
-                Mais…
-                Pas de discussion. Vous allez partir au manoir secondaire des Nemurine avec Holly et le médecin. Sanal, je te laisse gérer ici.
-                Où vous allez, m’amzelle ?
-                Chercher un ami.

Après quelques précisions gracieusement fournies par Toboré, Lizzie trouva l’accès aux sous-sols. Elle frissonna lorsqu’un courant d’air glacé passa sur sa peau. Dans quel état allait-elle trouver Kanvre ? Etait-il seulement en vie ? Armée d’une torche et de sa détermination comme seules armes, la jeune duchesse entreprit une longue descente dans les entrailles de la terre. Les murs de pierres succédèrent à ceux de terre nue et les marches se firent plus inégales, de bois. Après s’être tordue plusieurs fois les chevilles, l’héritière des Nemurine arriva enfin dans une sorte de corridor humide. Les murs suintaient et des stalactites armaient le plafond de dents acérées. Intriguée par ce changement de décor, Lizzie balaya son environnement du faisceau de lumière. 
-                 Kanvre ! appela-t-elle. Kanvre, où es-tu ?
Elle n’obtint nulle réponse. Le ventre serré par l’appréhension (elle se jura d’arrêter de lire des romans d’épouvante), la jeune fille parcourut lentement le corridor qui s’élargissait à mesure de son avancée. Finalement, elle déboucha sur une large salle qui puait la mort. Quand elle découvrit un premier cadavre de rat, Lizzie recula d’un bond en poussant un cri de surprise.  
-                Retourne d’où tu viens, Rima, je n’ai pas besoin de ta pitié ! cracha soudain une voix dans les ténèbres.
Lizzie ravala la peur qui l’avait envahi et se dirigea vers une partie plus basse de la salle. Là, elle trouva un garçon recroquevillé sur lui-même. Il mangeait quelque chose qu’il cachait avec ses mains.
-                Kanvre ? appela la jeune fille.
Elle vit son dos se raidir. Après un temps d’hésitation, il se redressa, la main en visière pour tempérer la dose de lumière qui s’attaquait à ses rétines.
-                Qui êtes-vous ? articula-t-il.
-                Je suis Elizabeth de Nemurine.
-                L’héritière Nemurine, s’étrangla le garçon. Que faites-vous ici ?
-                Je suis venue te chercher.
Elle voulut s’approcher, mais Kanvre la repoussa.
-                Les Phamvarna le paieront si vous faites ça !
-                Tout ira bien, Kanvre, cesse de t’inquiéter. Tout ira bien.
Elle l’aida à se maintenir debout sur ses faibles jambes. Le pauvre était dans un état de maigreur épouvantable. Il s’accrocha désespérément à la duchesse pour ne pas tomber, trop épuisé pour marcher seul. Lizzie l’encouragea doucement à se redresser, lui souriant presque tendrement. L’ascension des marches fut une étape plus pénible, mais, à force de patience et de paroles encourageantes, ils parvinrent enfin au rez-de-chaussée où Kanvre fut très vite pris en charge par le médecin.  
-                Comment va Holly ? l’interrogea Lizzie avec inquiétude.
-                Ne vous en faites pas, demoiselle, lui sourit le docteur. Les médicaments qui lui étaient fournis étaient la raison de son état : ils la plongeaient dans une torpeur hallucinogène qui provoquaient des troubles dans son cerveau. Avec du repos et du calme, elle devrait se remettre plutôt rapidement.
-                Quel soulagement…
Une fois les Phamvarna délivrés, ils furent installé dans une carriole avec Kanvre. Lando se pencha à la fenêtre.  
-                 Nous vous devons tout, Lady… murmura-t-il, un sourire triste dans la voix. Jamais nous ne pourrons nous acquitter de notre dette.
-                Commencez par vous remettre de votre captivité, lui sourit Lizzie. Après, nous en reparlerons.
-                Merci.
Sa jumelle saisit la main de la duchesse pour la presser entre les siennes. Ses yeux valaient tous les discours du monde. Le médecin et le forgeron prirent les rênes et saluèrent leur frère.
-                Que comptez-vous fai’, maint’nant ? voulut savoir Sanal alors que la carriole s’éloignait.
Lizzie prit une profonde inspiration alors qu’un sourire appréhensif venait ourler ses lèvres.
-                On va arrêter l’imposteur.         

Marine Lafontaine     

3 commentaires:

Daviiiid a dit…

On reste sur notre faim :(

Marine Lafontaine a dit…

Oui, désolée, la suite devrait venir assez vite, pas de problème !

Jelisbcp a dit…

j'ai beaucoup aimé !