Je vous souhaite une bonne lecture !
Jack eut un
réveil pénible. Un de ceux qui te
fait dire que tu aurais mieux fait de dormir encore quelques heures. De très
longues… heures…
-
Ah, notre héros se réveille ? grinça une voix près de
lui.
Le jeune homme,
n’ayant pas le courage de se redresser, tourna la tête sur le côté. Il aperçut
le profil fier de Jaide qui se découpait dans le contre jour d’une fenêtre.
-
J’ai été impressionnant, hein ? lui sourit-il.
-
Et pas qu’un peu, grogna la jeune femme en roulant des yeux.
Franchement, qu’est-ce qui t’as pris ? On t’a jamais dit de tenir
tranquille ?
-
Ouch, lamentable à ce point alors ?
-
Plus que ça, Jack, plus que ça.
-
T’es dure avec moi, ria-t-il.
Mais il arrêta
bien vite quand il sentit une douleur fulgurante traverser sa cage thoracique.
Ah ouais, quand même, elle ne l’avait pas loupé… Jaide s’approcha de lui
et s’assit au bord de son lit, sourcils froncés.
-
Seigneur Arzhel m’a ordonné de prendre soin de toi pour le
moment, alors tu vas me faire le plaisir de te tenir tranquille. Jouer les
nounous, ce n’est pas mon truc, mais je n’ai pas le choix.
-
Ah, bah si c’est toi, ça va, alors.
La jeune femme
lui asséna une gentille tape sur le front avant de se redresser.
-
Bon, tu restes là et tu ne bouges pas, on est clair ?
Seigneur Arzhel m’a demandé de le tenir au courant de ton réveil.
-
Ah…
-
J’y vais de ce pas, n’en profite pas pour faire le sagouin.
-
Quelle confiance !
A ces mots,
Jaide le foudroya du regard et quitta la pièce d’un pas énergique. Jack poussa
un soupir et contempla le plafond. Mais qu’est-ce qu’il fichait là ? Au
début, il avait été très excité de découvrir la vie de son ancêtre. C’était… un
rêve éveillé ! Quand il l’avait aperçu pour la première fois en chair et
en os, il avait senti ses membres être parcourus de fourmillements intenses,
comme s’il avait inconsciemment attendu cette rencontre toute sa vie.
Comme
si… D’une manière autrement plus forte que le sang, ils étaient liés.
-
Alors, c’est toi, le pianiste suicidaire ?
Jack eut un
sursaut quand il vit une jeune fille debout près de lui. Elle avait de belles
anglaises vaporeuses qui tombaient
sur ses épaules et d’immenses yeux bleus. Il y avait dans son regard une petite
étincelle malicieuse qui lui procurait un air curieusement espiègle et adulte à
la fois.
Avant qu’il ne
puisse réagir, elle avait saisi sa main gauche, celle à laquelle il manquait le
petit doigt.
-
Comment tu t’es fait ça ?
-
Je me le suis fait dévorer par un cannibale lors d’un voyage
dans une contrée lointaine.
-
C’est vrai ?
-
Evidemment !
-
Wha…
-
Menteur. Ne l’écoute pas, Dania.
Jack se
redressa. Le seigneur Arzhel venait de faire son entrée, toujours vêtu de son
somptueux manteau rouge. A sa vue, ladite Dania sauta du lit pour rejoindre le
vampire dont elle agrippa la main.
-
Il a menti ? s’enquit-elle avec étonnement.
-
En effet, s’amusa Arzhel. Tu es tellement naïve qu’on pourrait
te faire gober la lune, toi… Quant à toi, pourrais-tu répondre à sa
question, maintenant ?
-
OK, j’avoue tout ! Lors d’un kidnapping, un fou me l’a
découpé et l’a envoyé à mon père pour qu’il paie une rançon.
-
Tu vas continuer à te moquer de moi encore longtemps ?
-
Vous êtes plutôt bon pour détecter les mensonges, dis
donc !
Son humour ne
sembla pas affecter Arzhel qui se contenta d’un reniflement méprisant. Il prit
place sur une chaise, près de l’alité.
-
D’après les dires de mon cuisinier, il t’aurait pris la main
dans le sac en train de tenter de me dépouiller de quelque denrée alimentaire.
Le reconnais-tu ?
-
Pas le moins du monde ! se rebiffa l’intéressé en
fronçant les sourcils. Vous croyez vraiment que j’ai l’air d’un crève-la-faim
qui doit dérober de la nourriture pour subvenir à ses besoins ?
-
Tu marques un point… Alors que fais-tu sur mes
terres ?
-
Aucune idée, j’ai atterri là par erreur.
“Il ne ment
pas, constata le vampire avec surprise. Qu’est-ce que cela signifie ? Il
ignore comment il est arrivé dans mes cuisines ?” Il sentit Dania tirer
sur son manteau.
-
Quoi ? grogna-t-il.
-
Il ment ? l’interrogea-t-elle.
-
… Non, admit le vampire à contre cœur. Il dit la vérité.
C’est assez étrange… Jack, tu pourrais me dire concrètement comment diable
tu as fait pour atterrir dans ces foutus cuisines ? Et ne tourne pas
autour du pot, ma patience a des limites…
-
Hé bien… Heu, c’est que… bah, je l’ignore.
Arzhel fronça
les sourcils. Soit ce Jack était le meilleur menteur qu’il ait jamais
rencontré, soit il croyait en ses propres mensonges, soit… il disait bel
et bien la vérité…
Ça lui
paraissait un peu gros, tout de même…
-
Tu l’ignores ? répéta-t-il.
Jack pesa le
pour et le contre. Arhzel semblait doté d’un sixième sens qui lui permettait de
savoir quand son interlocuteur était sincère ou non. S’il n’avait pas envie de
risquer les geôles (car il ne doutait pas que son ancêtre était capable de le
jeter en prison), il avait plutôt intérêt de dire la vérité…
Ou de mentir
par omission.
-
Oui. J’étais en train de contempler un tableau quand j’ai
entendu une voix. Puis j’ai senti une main agripper mon poignet et me tirer en
avant. Et avant que je ne puisse dire “ouf”, je me suis retrouvé dans vos
cuisines.
“Il se paie ma
tête, ce n’est pas possible autrement… Pourtant… Il ne semble pas me dire
de sornettes… Etrange…”
Il entendit
Dania pouffer à côté de lui. La jeune fille posa ses mains sur ses hanches,
hautaine.
-
Tu aurais pu bricoler un meilleur mensonge, tout de
même ! Celui-là ne tient pas la route !
-
Mais je dis la vérité ! protesta Jack.
-
C’est ça, et…
-
Il dit la vérité.
-
Quoi ?!
Arzhel accorda
un bref regard moqueur à la demoiselle avant de reporter son attention sur
Jack.
-
Je vais prendre le parti de te croire pour le moment. Mais
tant que je ne saurai pas exactement ce qu’il t’ait arrivé, tu seras prié de
rester ici. Disons que tu es mon pianiste pour le moment. Sers-moi
correctement.
-
…
-
Alors, comment tu as perdu ton doigt ?
-
C’est une déformation de naissance.
Le vampire
sentit son sang bouillir en lui. Un rire sarcastique lui échappa.
-
Je vois…
-
Alors, tu vas maintenant nous dire ce que tu fais ici ?
Marlyne posa
un regard fatigué sur son insensible tortionnaire. Torja avait un visage
absolument neutre alors qu’il lui faisait face. La peau de ses phalanges était
écorchée à force de frapper le corps de cette femme. Mais, malgré la douleur,
la faim, la fatigue et la soif, la fausse almée n’avait pas lâché un mot depuis
son entrée dans cette cellule.
Une sacré
volonté, reconnut Torja.
-
Si tu ne veux pas parler, je vais recommencer, tu sais ?
Je serais capable de te frapper longtemps, je ne suis pas fatigué.
L’intéressée
le fusilla du regard en guise de réponse. Elle redressa la tête, le menton en
avant, comme pour le défier. L’ancien gladiateur en aurait haussé un sourcil
d’étonnement s’il n’avait pas, depuis nombre d’années, perdu la capacité
d’exprimer ses émotions. Un simple soupir franchit ses lèvres.
-
Alors, on continue…
-
Torja.
Le secrétaire
se figea dans son mouvement de frappe à l’entente de son prénom. Arzhel ne lui
accorda pas un regard. Il s’avança, un sourire suffisant au coin des lèvres.
Marlyne sentit la colère la submerger à sa vue.
-
Enfoiré de vampire… cracha-t-elle.
-
Alors demoiselle, je vais te poser la même question, tu me
suis ? Mais…
Il fit courir
sur le menton de sa prisonnière ses ongles taillés avec soin. Son sourire
s’affina en une espèce de rictus malsain dont il avait le secret.
-
… ma punition sera autrement plus douloureuse que celle de
Torja…
Il dévoila ses
crocs aiguisés dont la vue fit pâlir Marlyne. Mais elle se reprit bien vite et
défia le seigneur des lieux du regard. Celui-ci ricana.
-
Je vois… murmura-t-il. On rencontre des gens intéressants
ces temps-ci. Peut-être, ajouta-t-il à l’intention de Marlyne, que tu souhaites
un… hum, avant-goût de ce que nous te réservons ?
-
Non, souffla l’intéressée, malgré elle.
-
Non ? Oh, une dernière chose, chère enfant…
Il saisit son
visage d’une main et le leva d’un coup sec.
-
C’est moi qui fixe les règles ici.
Marlyne poussa
un cri quand elle sentit comme quatre aiguilles pénétrer sa chair. La douleur
fut vite remplacée par un engourdissement. Elle avait brusquement du mal… à
respirer… Elle pouvait entendre son sang dévaler la gorge de
Arzhel… qui se retira brusquement. Il cracha le sang qu’il avait dans la
bouche avec répugnance.
-
Ah, bon sang de bois, que c’est amer ! Elle n’est pas
humaine !
Torja se
saisit de la lampe tempête et l’approcha du visage de Marlyne. Celle-ci ahanait
péniblement alors que du sang continuait à affluer de ses plaies. Le secrétaire
l’observa attentivement.
-
Effectivement, il s’agit d’une nymphe, seigneur. Ses iris ne
sont pas noirs et son grain de peau est extrêmement lisse.
-
Quoi ? Une nymphe ?
“Oh non, non,
non, mauvais, très mauvais karma, paniqua Marlyne. On se calme, on se
calme… Putain, j’ai été découverte ! Il va me trucider !”
Mais Arzhel
n’en avait visiblement pas l’intention. Tout du moins, pas pour le moment. Là,
il semblait trop abasourdi pour envisager de la tuer. Il la fixa un moment avec
surprise, puis fronça les sourcils.
-
Mais qu’est-ce qu’une nymphe vient chez moi en se faisant
passer pour une almée ?
-
Tu vas nous répondre cette fois-ci, n’est-ce pas ? sourit
Torja en se penchant en avant.
La nymphe
recula instinctivement sous son regard satisfait. Elle le foudroya du regard
avant de porter son attention sur le vampire qui semblait sur le point de
perdre patience.
-
Ecoute gamine, je n’ai pas toute la journée à te consacrer,
alors tu es priée de te mettre à table avant que ma patience n’arrive à son
terme. Alors ? Qu’est-ce que tu venais foutre chez moi ?
-
Parce que ce n’est pas évident, peut-être ? cracha la
prisonnière avec une hargne renouvelée. Je suis venue récupérer mon dû !
-
Ton dû ?
-
Vous avez volé à ma famille une pierre sacrée qui nous permet
d’entrer en communion avec nos Dieux ! Je suis venue la récupérée !
-
Une pierre ? répéta Arzhel en arquant un sourcil. Une
pierre… ? Quelle sorte ? J’en ai toute une collection, alors sois
précise.
-
Vous avez dérobé notre pierre et vous osez la confondre avec
vos vulgaires cailloux ! s’emporta la nymphe, furieuse désormais. Vous
n’avez aucun respect !
-
Oui, oui, si tu veux. Tu vas me la décrire, oui ou
merde ?
La nymphe se
renfrogna. “C’est moi ou elle boude ? n’en revenait pas Arzhel. Bon sang,
ces réactions me foutent en rogne… Elle n’est même pas logique, cette
nana !”
-
C’est un rubis, murmura alors Marlyne du bout des lèvres. Un
rubis taillé en forme d’œuf à facettes.
-
Un rubis… Gros comment ?
-
Aussi gros que le poing d’un homme.
-
C’est… Hum… Non, je ne vois pas du tout. Je ne possède
rien de tel.
-
Vous mentez ! cria Marlyne, désormais les lames aux yeux.
-
Je ne mens pas, répliqua sèchement le vampire. Je n’ai pas et
n’ai jamais eu entre les mains un tel joyau. Sinon, crois bien que je l’aurai
revendu.
-
Hé bien, je pense que c’est ainsi que cela s’est déroulé, émit
alors Torja d’un ton songeur.
-
QUOI ?! s’indignèrent la nymphe et le vampire.
Le secrétaire
parut réfléchir un moment puis frappa soudain de son poing sa paume en coupe.
-
Un tel rubis, oui, je me souviens. On l’a revendu à un
bijoutier pour rénover les salles d’eau et les latrines. A l’heure qu’il est, il doit alors été
éparpillé, serti dans différents bijoux.
C’est ainsi
que la quête de Marlyne, à la recherche de son héritage familial depuis déjà
deux années, se solda par un échec.
Oui, ça se termine un peu rapidement, mais Marlyne ne va pas nous quitter pour autant, je vous rassure ! Son personnage et son histoire vont bien sûr être plus développés par la suite, on ne va pas en rester là.
J'espère que vous avez apprécié ! A très vite pour de nouveaux articles !
Marine Lafontaine
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire